Dans un communiqué rendu public hier, les Ministres des Affaires Etrangères et de la Sécurité et de la Protection civile ont ” porté à la connaissance de l’opinion nationale que depuis quelques temps, des cas de décès sont enregistrés au sein de la Communauté Togolaise vivant au Liban. Ces décès concernent uniquement les filles togolaises travaillant comme domestiques dans ce pays. Les informations en notre possession font état des conditions difficiles et inhumaines dans lesquelles travaillent les compatriotes immigrées au Liban “.
Si nous nous réjouissons de cette sortie du Gouvernement, il faut préciser que notre journal LE MEDIUM, dans sa parution N°0159 du 17 au 23 février 2015, a écrit sur ” l’enfer des domestiques togolaises au Liban ” afin de susciter la prise du problème à bras le corps par les premières Autorités du pays. Ce qui vient d’être fait même si la Communauté libanaise au Togo se sent gênée et interpellée par le comportement de leurs concitoyens qui maltraitent nos sœurs togolaises dans leurs pays.Précisons tout de même que des réseaux de togolais facilitent ce phénomène. Nous vous invitons à relire cet article.
SOCIETE/ L’enfer des domestiques togolaises au Liban : “… Je devais obtenir une permission avant de me laver… “
COIFFEUSE DE son état, Akouvi est une jeune togolaise, qui sur les conseils d’une tante maternelle, s’était envolée pour le Liban pour travailler comme domestique dans une famille.
Arrivée en 2013 à Beyrouth, Akouvi a été accueillie dès sa descente d’avion et après 2 heures d’attentes dans les bureaux de la police aéroportuaire, par sa famille d’accueil.
Tous ses papiers de voyages furent confisqués. Direction son lieu de travail ou précisément le domicile de sa famille d’accueil. Un travail sans relâche, entrecoupé des insultes, de brimades suivis de fatigues, de maladies pour rien au finish. Nous avons rencontré la nommée Akouvi hier lundi à notre siège pour essayer de comprendre ses conditions de vie et de travail au Liban. Dégourdie à première vue, Akouvi nous a raconté sa mésaventure au Liban. Ses déboires avec la maitresse de maison, son exploitation, sa misère. Partie de Lomé en 2013 sur les conseils de sa tante à sa mère, Akouvi s’est retrouvée parmi une vingtaine de filles à l’aéroport de Beyrouth. Seule togolaise parmi cette foire d’anglophones motivée par le même désir : travailler et se faire de l’argent au Liban pour un lendemain meilleur.
Les conditions de travail une fois au Liban
Arrivée au Liban et selon le contrat signé, Akouvi devrait percevoir un salaire mensuel de 200 USD( 100 000 F CFA) sur une durée de trois (3) ans. Pendant les six (6) premiers mois, elle ne percevrait que 150 USD( 75 000 F CFA) dont 1 mois plein revenait d’office à ses employeurs, pour compenser les dépenses effectuées pour son voyage dit elle ce qui n’était pas inscrit dans le contrat. Qu’à cela ne tienne, étant déjà sur place, Akouvi fait mauvaise fortune, bon cœur. Chanceuse, Akouvi comparativement à ses autres collègues domestiques avait une chambre à coucher. Ce qui n’est pas le cas de ses autres camarades qui elles, devaient dormir soit dans les toilettes, dans les salles
de bains ou soit dans la cuisine. Elles devaient également supporter les caprices et surtout les injures de leur patronne à longueur de journée sans avoir la permission de placer un seul mot.
Un quotidien d’enfer à Beyrouth Placée dans une famille dont le monsieur était âgé de 40 ans et la femme de 35 ans, la togolaise
Akouvi s’occupait des travaux domestiques dans une maison à 2 étages. Elle faisait ainsi la lessive, repassait les habits de ses patrons et de leurs enfants, préparait à manger, faisait le ménage dans la maison plusieurs fois par jour. Précisons que selon son contrat, sa journée débutait à 6heures pour prendre fin à 22 heures avec des heures de repos.
Mais ce contrat, selon Akouvi, n’a jamais été respecté par ses employeurs : ” dès fois je terminais mon travail à 3h ou 4h du matin mais avec l’obligation d’être sur pied le lendemain dès 6h pour la reprise. C’était très épuisant. Et ce qui me faisait mal, ma patronne n’acceptait même pas une minute de repos. Je n’avais pas le droit de m’asseoir, de me reposer. Si elle me voit assoupie quelque part, ce sont les insultes, les cris qui pleuvaient ; c’était très pénible pour moi “, admet-elle.
Akouvi avait également comme boulot d’arranger toutes les chambres de la maison, de mettre au propre et ce au quotidien les douches et les toilettes en plus de prendre soin du salon et de l’étage de la maison. Sont aussi à sa charge, les trois (3) enfants du foyer dont le benjamin avait un peu plus de 2 ans. Les laver, les habiller, les apprêter pour l’école et les sorties, Akouvi en était devenue presque la génitrice.
Les motivations pour son retour
Malgré tout ce travail, les employeurs de la togolaise semblent ne pas être satisfaits et en demandaient plus. Akouvi prit alors la décision de rentrer au chez elle. ” J’ai voulu ce retour par le simple fait que les termes de mon contrat n’étaient pas respectés par mes employeurs. Mis à part les heures tardives de fin de travail, dépassant largement les 22h retenues, je devais obtenir une permission avant de me laver. Je n’avais du tout pas de repos. Je travaille même le dimanche ; il n’y a pas d’assurance maladie. Même malade je me devais d’être debout et de remplir mes tâches quotidiennes. Ma patronne ne voulait rien savoir. Elle me maltraitait. Malade, mes patrons ne me donnent leur paracétamol assimilable à de la drogue ” affirme Akouvi , un grain de trémolo dans la voix. Selon le récit de la togolaise Akouvi, ses patrons fermaient le portail de la maison à seule fin de l’empêcher à mettre pied dehors. Ils évitaient ainsi tout contact avec l’extérieur.
Pour Akouvi, c’était une situation dramatique, invivable pour elle : ” Avec ma patronne, on a habitude de se quereller car elle est trop dure de cœur et dès fois, je n’arrivais plus à supporter. Je me rappelle une fois j’ai été malade.
Al’hôpital, le médecin m’avait prescrit quelques jours de repos. Ma patronne n’avait rien dit devant le docteur. Mais une fois de retour à la maison, elle a refusé de me donner ne serait-ce qu’un jour de repos. Ils avaient passé tout leur temps à me couvrir d’insultes comme quoi, c’est parce que j’ai faim dans mon pays le Togo que je viens chercher du travail chez eux. Pour ma patronne, elle faisait dans l’humanitaire en m’employant comme domestique. C’en était trop pour moi”. Dépassée par les événements, Akouvi fait le choix de revenir au bercail. Elle en a informé ses patrons qui ont à leur tour contacté l’agence de placement. ” Un beau matin, ils m’ont conduit à l’agence pour les formalités de départ. C’est là que mes documents de voyage me furent remis et une modique somme de 400USD (environ 200 000 F CFA) en tout et pour tout comme mon salaire pendant les 18 mois que j’ai passé chez eux.
A ma question de savoir pourquoi cette modique somme, ils me firent comprendre que c’est de mon salaire de 200 USD pendant 18 mois soit 3.600 USD qu’ils ont acheté mon billet d’avion. Et ce qui restait, ce sont les 400 USD. Ils ont précisé qu’ils avaient agi ainsi parce que je n’avais pas bouclé les 3 ans de travail comme écrit dans le contrat “. Déboussolée et mise devant le fait accompli, Akouvi prit les 400 USD et ses papiers et fut conduite à l’aéroport en direction de Lomé. Fin Août 2014, elle faisait le grand retour avec comme bonus, une fièvre typhoïde diagnostiquée au Liban mais non traitée par la faute de ses employeurs.
Envie de repartir malgré tout
De retour au bercail, Akouvi devrait dépenser au-delà ses 200 000 Fcfa pour soigner sa fièvre typhoïde. Aujourd’hui, la domestique Akouvi de retour au pays n’a pas encore d’activité et vit chez ses parents. Aussi paradoxalement que cela puisse paraitre, le rêve d’Akouvi est de repartir au pays du cèdre. Malgré l’opposition actuelle de ses parents, Akouvi ambitionne de retourner au Liban car prétextant n’avoir trouvé pas de travail ici à Lomé pour subvenir à ses besoins.
Anotre question de savoir si elle ne ferait pas son boulot de coiffeuse, elle répond par la négative. Pour elle, la trentaine dépassée, la galère libanaise vaut mieux que l’oisiveté dans laquelle elle végète à Lomé. Incompréhensible!