Il y a 23 ans, le 23 juillet 1992, Tavio Ayawo Tobias AMORIN, était victime, au quartier de Tokoin-Gbonvié, à Lomé d’un lâche attentat dont il devait mourir trois jours plus tard au terme d’atroces souffrances. Il était alors Premier secrétaire du Parti socialiste panafricain (PSP), membre fondateur du Mouvement patriotique du 5 octobre (MO5), Secrétaire général du COD II, membre du Haut conseil de la République (HCR), parlement transitoire issu de la Conférence nationale souveraine de juillet – août 1991 dont il était le président de la Commission des Affaires politiques et des droits de l’Homme ainsi que de la Commission spéciale chargée de l’étude et de la présentation du nouveau projet de Constitution.
Le 22 juillet 1992, veille de cet attentat, il avait participé à une émission sur Radio Lomé, la chaîne publique, au cours de laquelle, avec un autre membre du HCR, Me Kodjo ZOTCHI, ils avaient eu la charge de présenter à la population, pour la deuxième fois consécutive, le nouveau projet de Constitution dont cet organe législatif transitoire venait d’achever l’élaboration.
Au cours de cette émission, il marqua fermement son opposition à toute idée de modification de ce nouveau projet de Constitution pour pouvoir permettre à GNASSINGBE Eyadéma, d’être candidat à toute élection présidentielle à venir, comme la loi portant Statut des Forces armées togolaises et les décisions de la Conférence nationale souveraine le lui interdisaient déjà.
L’assassinat de Tavio et la trahison de sa mémoire
Le jeudi 23 juillet 1992, lendemain de son émission sur Radio Lomé, Tavio AMORIN fut victime de l’attentat qui lui fut fatal : vers 21 heures, au quartier de Tokoin Gbonvié, à Lomé, des individus ont vidé les chargeurs de pistolets mitrailleurs sur lui.
Selon le communiqué publié le 24 juillet par le gouvernement, les agresseurs ont abandonné sur les lieux de l’attentat « une carte professionnelle au nom de KAREWE Kossi, né en 1967 à Pya, préfecture de la Kozah, gardien de la paix en service à l’Ecole de Police en qualité de moniteur de sport, un pistolet mitrailleur de calibre 9mm, un revolver Smith and Wesson 357 magnum, trois chargeurs de P.M., un chargeur de pistolet mitrailleur, des munitions, deux grenades, deux bouchons allumeurs et une paire de menottes ». On apprendra qu’un autre policier, Yodolou Boukpessi, faisait également partie du commando.
Grièvement blessé, criblé de balles à l’abdomen qui le faisaient énormément saigner, Tavio fut transporté au CHU de Tokoin, avant que la décision ne soit prise, face à la gravité de son cas et l’inexistence au Togo d’un plateau technique médical et de spécialistes pouvant le sauver, de l’évacuer sur un hôpital français afin qu’il y reçoive des soins intensifs.
Le samedi 25 juillet 1992 :. Au cours de son transfert de l’Hôpital de Tokoin à l’aéroport de Lomé-Tokoin où il devait prendre l’avion médicalisé spécialement affrété pour son évacuation sur l’Hôpital St Antoine de Paris, il fut victime d’un nouvel attentat lorsque l’ambulance qui le transportait tomba en panne au milieu du parcours, sa courroie ayant été préalablement sabotée intentionnellement. Alors qu’on le transférait dans une autre ambulance faisant partie du cortège, un inconnu, surgi d’on ne sait où, lui porta des coups de poignard empoisonné. A son arrivée à Paris, sa famille devait constater qu’il portait au front, du côté droit, une blessure résultant vraisemblablement d’une arme blanche de l’avis de certains médecins, qu’il n’avait pas lors de son admission et tout au long de son séjour à l’Hôpital de Lomé-Tokoin ainsi qu’à son départ pour l’aéroport.
Le dimanche 26 juillet 1992 : Dans la nuit même de son arrivée à l’Hôpital St Antoine de Paris, Tavio AMORIN rendit l’âme. Aussitôt informés de la nouvelle de sa mort dont le choc ne pouvait que conduire à une explosion sociale au Togo, les responsables des principaux partis de l’opposition se refusèrent à mobiliser les populations pour exiger la fin immédiate du régime dictatorial qui venait d’assassiner leur camarade mais, faisant preuve d’un rare cynisme, décidèrent de garder cette nouvelle secrète et firent toutes les pressions pour que le silence soit maintenu, le temps pour eux de comploter contre le peuple togolais en engageant des négociations avec le régime RPT sur la meilleure manière de le sauver de l’effondrement.
Le lundi 27 juillet 1992 : En toute hâte, fut décidé et officiellement annoncé l’ouverture de négociations politiques dites de la « Commission mixte paritaire » associant, sous l’égide des représentants de la CEE au Togo, les représentants du régime RPT et ceux des 8 principaux partis de l’opposition démocratique d’alors dits du « groupe des huit » : CAR, UTD, CDPA, PAD, PDR, PDU, PRI, UTR. Elles avaient pour objet de « donner » à EYADEMA ce qu’il cherchait en faisant assassiner Tavio AMORIN : faire sauter les dispositions du nouveau projet de constitution élaboré par le HCR qui lui interdisaient d’être candidat aux consultations électorales ultérieures. Dispositions auxquelles Tavio AMORIN s’était opposé avec vigueur le 22 juillet 1992.
Le mardi 28 juillet 1992 : précipitamment, au lendemain même de l’ouverture de ces négociations, on annonça la signature de l’accord de la « Commission mixte paritaire » entre le régime RPT et les partis du « groupe des huit » de l’opposition togolaise, accord qui, présenté par les responsables de ces partis de l’opposition comme « le prix à payer pour avoir la sécurité au Togo », allait légaliser l’illégalité et l’impunité dans notre pays. Analysant la lourde responsabilité des dirigeants des partis de l’opposition togolaise devant l’histoire, l’hebdomadaire Jeune Afrique Economie (n° 159 de septembre 1992) indiquait :
« L’Histoire retiendra que, autour de la table des négociations, en face de la « délégation présidentielle », il y avait Edem Kodjo, Yao Agboyibo, Jean Savi de Tové, Francis Ekon, Goyo Grunitzky, Bawa Mankoubi, Zarifou Ayéva et Léopold Gnininvi. Sur l’autel de la compromission, les opposants ont cédé bien des choses au général Eyadéma. »
Le mercredi 29 juillet 1992 : après que la trahison de la mémoire de Tavio Amorin ait été ainsi consommée, on annonça son décès lors d’une houleuse réunion du COD II (Collectif de l’opposition démocratique) au cours de laquelle certains responsables politiques, après avoir ainsi pactisés avec le régime RPT, s’opposèrent farouchement à la proposition qui fut faite d’organiser une grève générale pour protester contre son assassinat, même si celle-ci ne devait durer que 24 heures ! Le COD II finit néanmoins par appeler à cette journée de protestation qui ne fut qu’une formalité destinée à se dédouaner à bon compte.
Le jeudi 30 mai 1992 : Alors que rien n’avait été entrepris pour faire de cette journée de protestation de 24H contre l’assassinat de Tavio AMORIN une puissante démonstration de force, une grève générale de 48 H fut appelée par le Collectif des syndicats indépendants du Togo (CSI).
Le vendredi 31 juillet 1992 : révoltés par la lâcheté des responsables politiques du COD qui ont trahi la mémoire de Tavio AMORIN, plusieurs centaines de jeunes, à l’appel du MO5, dressèrent des barricades dans les rues de Lomé pour protester contre son assassinat. Ils furent dispersés par la gendarmerie qui tira, même à balles réelles, sur les manifestants.
Au mois d’août 1992 : soumises au vote du HCR, les propositions de modification constitutionnelle issues de l’accord de la Commission mixte paritaire étaient adoptées. La voie était ainsi ouverte au maintien au pouvoir à vie d’EYADEMA qui, ayant ainsi obtenu ce qu’il voulait, appela à voter pour le nouveau projet de Constitution ainsi modifié, lors du référendum constitutionnel du 27 septembre 1992. 10 ans plus tard, le même EYADEMA organisa, dans la nuit du 30/31 décembre 2002, un nouveau coup d’Etat constitutionnel en faisant tripatouiller cette Constitution déjà modifiée en 1992 par l’Assemblée croupion qu’il imposa à la faveur de la mascarade de législatives qu’il organisa en octobre 2002, faisant sauter le dernier verrou qui le bloquait : l’article 59 portant limitation à deux des mandats présidentiels de cinq ans de la Constitution de 1992.
Non à l’impunité : Justice pour Tavio AMORIN et toutes les victimes du règne clan des GNASSINGBE !
L’assassinat de Tavio AMORIN et l’impunité qui le couvre est à l’image de toute l’impunité qui couvre l’assassinat de plusieurs milliers de togolais, lâchement assassinés sous le régime dictatorial du clan des GNASSINGBE, père et fils.
C’est pourquoi nous continuons à exiger que tous les commanditaires et exécutants de tous ces crimes soient recherchés, arrêtés, jugés et châtiés pour que justice soit rendue à tous ces martyrs.
Mais, à la responsabilité qui est celle de la dictature togolaise, il faut ajouter celle des principaux responsables de l’opposition dans la perpétuation de la longue crise politique jusqu’à ce jour au Togo où, chaque fois que le régime dictatorial RPT est menacé d’effondrement comme à l’occasion de l’attentat contre Tavio AMORIN, il a pu être sauvé grâce à leur aide.
C’est pourquoi, à l’occasion de la commémoration du 23e anniversaire de l’assassinat de Tavio Ayawo Tobias AMORIN, il y a lieu de relever la parfaite continuité qui relie ceux qui, depuis 23 ans de souffrances, n’ont d’autre préoccupation que d’assouvir la défense de leurs intérêts personnels au détriment de ceux du peuple togolais en trahissant sa mémoire.
Il y a ceux qui, hier, ont trahi la mémoire de Tavio à la « Commission mixte paritaire » en concédant à son assassin, EYADEMA, le premier tripatouillage constitutionnel qui lui a permis de se maintenir au pouvoir.
Et il y a ceux qui, aujourd’hui, ont à nouveau trahi la mémoire de Tavio en faisant délibérément le choix, au terme de négociations bidons sous l’égide des institutions internationales cyniques notamment fondées sur l’acceptation d’un fichier électoral truqué, de « Donner un 3e mandat à Faure GNASSINGBE » en lui servant de béquille d’une mascarade électorale.
Entre ceux d’hier et d’aujourd’hui, force est donc de constater qu’il y a la même volonté consciente de maintenir au pouvoir la dynastie assassine du clan des EYADEMA-GNASSINGBE contre les intérêts du peuple togolais.
Cette trahison de la mémoire de Tavio, prolongée depuis lors par plus de 16 dialogues, négociations et accords entre le régime RPT et les principaux partis de l’opposition dont la plupart ont d’ailleurs fini par rejoindre les gouvernements d’union nationale au sein desquels ils ont partagé le pouvoir avec la dictature togolaise, n’a cessé de faire reculer un peu plus, à chaque fois, la conclusion victorieuse de la révolution togolaise en marche depuis le soulèvement populaire du 5 octobre 1990.
Mais en cette 25e année de commémoration du soulèvement populaire du 5 octobre 1990, nous sommes sûrs que le peuple togolais, qui n’est pas défait, aura le dernier mot et vaincra !
Justice pour Tavio Ayawo Tobias AMORIN et toutes les victimes du clan des GNASSINGBE !
A bas la dictature du clan des EYADEMA-GNASSINGBE et les traîtres ! A bas l’impérialisme !
Le peuple togolais vaincra !
Lomé, le 25 juillet 2015,
Pour le Parti des travailleurs,
Le Secrétaire chargé de la coordination