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Démocratie en Afrique de l’Ouest : La CEDEAO sous le diktat de ses Etats médiocres
Publié le mardi 11 aout 2015  |  Lefaso


© Présidence de CI par DR
46 ème Sommet ordinaire de la Communauté Economique des Etats de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO)
Lundi 15 décembre 2014. Hôtel Hilton d`Abuja (Nigéria)


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L’intégration démocratique au sein de la de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ressemble à un bal plein de poussière dans lequel les Chefs d’Etat et du Gouvernement ne perçoivent que leur seul intérêt. Le quarantenaire de cette institution sous régionale coïncide avec la victoire de la médiocrité qu’une minorité infime des pays membres ait parvenu à imposer à la grande majorité. La volonté de la Commission de la CEDEAO d’imposer l’alternance démocratique dans les quinze (15) pays membres a catapulté devant l’intransigeance de la Gambie et du Togo.

Le refus catégorique de Yahya Jammeh et de Faure Gnassingbé a eu raison de cette ambition nourrie par les différents peuples. Leur propension à s’éterniser au pouvoir, contre vents et marées, a finalement eu raison du fameux projet communautaire. Quand il s’agit de la solidarité dans le mal, les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté n’hésitent pas à s’aligner derrière le fallacieux sacro-saint d’une quête d’unanimité ou de consensus même si leur acte doit ternir l’image de ce syndicat vieillot qui peine à aller au-delà d’une CEDEAO des Etats pour asseoir celle des Peuples susceptible d’impacter positivement sur les conditions de vies de leurs concitoyen(ne)s politiquement, économiquement et socialement.

L’intégration démocratique n’est donc pas pour demain. Les décideurs au nom des Quinze (15) ont préféré s’inscrire dans la médiocrité en satisfaisant les desiderata de « deux (2) Etats membres insignifiants » tant démographiquement et territorialement que économiquement et stratégiquement. L’aveu de la ministre ghanéenne des Affaires étrangères, Hannah Tetteh, intervient comme une prémonition pour la promotion de la démocratie au sein de la Communauté : «C’était une proposition (le projet de limitation des mandats) qui figurait à l’ordre du jour de la rencontre des chefs d’Etat et de gouvernement mais au terme des discussions, elle n’avait pas fait l’unanimité. Cette position divergente (du Togo et de la Gambie) a fini par devenir le point de vue de la majorité en fin de journée ».


Dans les autres regroupements régionaux similaires à travers le monde, ce sont les bons exemples qui imposent leurs vues aux autres. La marche d’une Communauté doit être imprimée par les meilleurs. L’avenir démocratique de toute une sous-région ne peut s’assombrir à cause des ambitions personnelles et démesurées de Chefs d’Etat des pays qui inhibent les efforts de la majorité à bâtir des Etats véritables de droit.

Le capitanat communautaire doit être porté par un leadership mû par des performances pour le bien-être politique, économique et social des populations. Afin d’atteler les autres et de susciter des émules. La franchise et l’honnêteté ont manqué aux Chefs d’Etat et de Gouvernement pour faire apparaître le refus de la Gambie et du Togo, de se plier aux exigences démocratiques du moment, comme des voix dans le désert ou une goutte d’eau dans la mer. C’est dommage qu’une sous-région soit sous le diktat de ses médiocres.

L’infamie des dirigeants du bloc sous régional ouest-africain suppose qu’ils ne se préoccupent guère de l’épanouissement de leurs compatriotes. Elle confirme un comportement anti-démocratique caché dans le subconscient de chacun au point de refuser d’écouter les appels incessants lancés çà et là souvent au péril de vies pour exiger un ordre démocratique nouveau pour le grand bonheur des 320 347 000 habitants sur les 6 140 178 kilomètres carrés. Ce dialogue de sourd entre les populations et les Chefs d’Etat entretient à la base un désintérêt vis-à-vis de la CEDEAO perçue dans bon nombre de ses Etats membres comme une coquille vide jouant aux « pompiers après la mort ».

Sinon l’échec du projet communautaire sur la limitation des mandats aurait provoqué une vague de contestations à travers une mobilisation sans faille dans plusieurs pays. Etant donné que les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont, encore une fois, manqué un rendez-vous décisif avec l’histoire. Ils ont plié l’échine devant l’incompréhensible pour satisfaire « deux Etats nains » à tous les niveaux.

Ce sont leurs balbutiements, devant les équations politiques burkinabè et togolaise, qui ont entrainé l’insurrection populaire à Ouagadougou et les remous meurtriers à Lomé. Si cette fuite de responsabilité continue au sommet de la CEDEAO, aucun peuple ne se sentirait ni lier par ses décisions ni obliger de les appliquer.

Au sein de cette communauté ouest-africaine, la Gambie et le Togo constituent ce que l’on pourrait qualifier de « poids plumes ». Ces deux pays ne sont ni des poumons économiques ni des exemples de démocratie au point d’influencer l’adoption d’un projet communautaire si tant est que les intentions d’adhésion, à cette proposition salutaire et tant espérée par les populations, des treize (13) autres Chefs d’Etat et de Gouvernement sont vraiment sincères. Le premier, la Gambie, incrusté dans le Sénégal et le second, le Togo, blotti entre le Ghana et le Bénin devraient s’apercevoir des délices de l’alternance démocratique et de ses retombées. D’autant que les trois pays leur servant respectivement de voisins ont su promouvoir l’Etat de droit et en tirent les dividendes. C’est honteux que des « nains et des médiocres » parviennent à imposer leur vue à la majorité. La queue ne peut être une locomotive.

Un retour sur l’histoire des deux seuls pays sur les quinze (15), à n’avoir pas encore inscrit la limitation des mandats dans leur Constitution, suffit à convaincre qu’il y a péril en la marche de l’Institution communautaire vers la culture d’une démocratie réelle dans la sous-région. C’est le Togo qui a donné de façon sanglante un revers aux prémices de la démocratie aux lendemains des indépendances avec l’assassinat de son premier Président Sylvanus Olympio le 13 janvier 1963. Cet acte ignoble perpétré dans l’ex-colonie allemande, tombée dans l’escarcelle française après la Première Guerre mondiale a travesti les ambitions de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), créée du 22 au 25 mai 1963 devenue Union africaine (UA) en 1999, en matière de promotion de la démocratie sur le continent. Il a ouvert la voie aux coups d’Etat. Donnant le mauvais exemple dans cette Afrique en pleine renaissance, ce pays de 56 785 kilomètres carrés pour 6 143 000 habitants va vibrer au rythme des antagonismes ethnico-régionalistes Nord-Sud avec son lot d’abus et d’injustices. Malgré les appels à promouvoir la démocratie, même de façade, son acte vient d’ouvrir le bal des régimes d’exception dans plusieurs pays.

Le décès de Étienne Eyadéma Gnassingbé, le 5 février 2005, après un long règne de trente-huit (38) ans, n’a pas suscité tout l’espoir escompté. Bien qu’ayant insufflé un dynamisme socioéconomique notamment sur le plan des infrastructures et contribué un tant soit peu à briser l’opposition historique Nord-Sud, son fils Faure Gnassingbé parvenu au pouvoir après une succession monarchique et élu trois fois successivement (24 avril 2005, 4 mars 2010, 25 avril 2015) ne s’est pas encore résolu à étancher la soif d’alternance démocratique du peuple togolais. Il s’est approprié la levée du verrou de la limitation de mandats présidentiels obtenus par son père bien avant sa disparition. A juste titre, le Président Faure Gnassingbé peut malicieusement se réjouir devant les injonctions de la communauté internationale de son engagement sans faille «à ne pas modifier la Constitution togolaise».

Avec ses 10.689 kilomètres carrés et 1 882 450 habitants, la Gambie est loin d’être une boussole démocratique.

Depuis son accession à l’indépendance en 1970, l’ex-colonie britannique a été tenue comme un enclos par ses deux présidents successifs, Dawda Jawara et Yahya Jammeh. Pis, celui qui a pris les rênes du pouvoir en 1994 s’illustre en autocrate alliant autoritarisme et fétichisme devant lesquels les droits humains élémentaires et les maîtres-mots de la démocratie foutent le camp.


La proportionnalité entre les caractères minuscules de la Gambie et Togo et leurs ressources naturelles aurait permis d’alléger le joug de la misère de la moitié de leurs populations respectives vivant en dessous du seuil de la pauvreté si ces deux pays avaient épousé plein les valeurs démocratiques reposant sur l’égalité et l’équité dans la gestion des affaires publiques.

Le camouflet infligé aux démocrates de la Communauté intervient comme une prémonition de remises en cause prochaines d’acquis démocratiques dans la sous-région. Il est à craindre, les années à venir, que des lois limitant des mandats présidentiels soient gommées de la Constitution de certains pays. Les habitants de la CEDEAO ne sont pas tous animés du même sursaut démocratique pour oser une insurrection populaire à l’image des Burkinabè. D’autant que devant cette prouesse saluée de toute part comme une maturité, il s’est trouvé le Président Alassane Dramane Ouattara pour s’élever contre ce qu’il qualifie d’apologie du désordre. En même temps que le cas burkinabè inspire ; en même temps il suscite de réelles craintes.

Après l’échec de la proposition de limitation des mandats présidentiels au sein de la Communauté, l’intégration sous régionale se trouve dans une situation de laisse-guidon car sur le plan politique, il serait difficile qu’un Etat se voie obliger de suivre le regard d’Abuja sur son mode de gouvernance.

Il y a un risque que chaque pays se sente libre de prendre son destin politique en main. Déjà que la construction d’un espace socioéconomique sous régional de libre échange reste un leurre. Devant les errements pour imposer des règles démocratiques à l’ensemble des Quinze (15), il appartient aux habitants des pays membres respectifs d’opérer le choix qui sied à leur vision en matière de démocratie.

A cette allure-là, les arrêts de la Cour de Justice de la CEDEAO n’auront plus de sens car aucun pays ne se sentirait plus tenu de les appliquer. Les décisions communautaires apparaissent comme du saupoudrage entretenu par un père incapable d’imposer ses vues et ses règles à l’ensemble de ses enfants.

Filiga Anselme RAMDE
filiga_ramde@yahoo.fr
Pour lefaso.net

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