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Priver Faure Gnassingbé de légitimité
Publié le mardi 18 aout 2015  |  ANC


© aLome.com par Lakente Bankhead
Faure Gnassingbé officiellement candidat à la présidentielle 2015
Kara, le 25 février 2015. Le président togolais Faure Gnassingbé a été investi par son parti comme candidat à la présidentielle de cette année. La cérémonie d`investiture s`est tenue au palais des congrès de la ville de Kara en présence de plusieurs milliers de militants.


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Rester debout plutôt qu’à genoux : c’est le choix postélectoral des démocrates togolais pour mieux voir l’avenir de leur pays, pour rester maître de leur destin et repartir au combat pour l’alternance politique. Cette louable option correspond parfaitement au vote majoritaire des citoyens togolais, renouvelant leur désir de changement durant les élections présidentielles d’avril 2015. Non, ce n’est sûrement pas de frauder constamment et ouvertement les élections au Togo et toujours se montrer incapable de le gouverner adéquatement qui empêcheront la soif de démocratie des populations. L’alternance est incontournable au Togo et elle participe désormais de la réconciliation que Faure Gnassingbé a totalement manqué de réaliser.

« Vide ton esprit de toi-même et remplis-le de la dignité et du salut de ton peuple ». À ce précepte démocratique originel, Faure Gnassingbé a décidé de tourner le dos, depuis son entrée par effraction dans la vie politique togolaise en 2005. On se souvient bien, son prétexte était alors de réconcilier les Togolaises et les Togolais après les excès dictatoriaux de son père quarante années auparavant. Et depuis, que d’illusions et de désillusions, que d’incapacités et d’incompétences. N’ayant jamais été le choix légitime des citoyens, Faure Gnassingbé finit toujours, et systématiquement, par imposer des résultats électoraux truqués et préfabriqués à une population déjà écrasée par l’injustice et l’indignité, une population sinistrée voulant coûte que coûte sortir de la désolation et de la répression.

La nature du brigandage électoral au Togo est connue de tous. Cette fois-ci, en 2015, la fraude électorale permanente est sortie des simples légendes; elle a ainsi trouvé corps dans un rapport documenté par la classe politique républicaine togolaise elle-même. Des révélations détaillées y sont ainsi exposées, au grand jour avec des preuves patiemment rassemblées, par les partis politiques spoliés de leur victoire. C’est un tournant et non le moindre dans la lutte démocratique au Togo que la publication de ce Mémorandum. Certes, le Mémorandum n’installe pas les véritables gagnants des élections présidentielles au pouvoir au Togo, mais ce regroupement de partis politiques républicains, le CAP 2015, rétablit les faits d’une élection présidentielle bidouillée, et dépouillée autant de la légalité que de toute légitimité; le Mémorandum le dit si bien d’ailleurs :

« Dans un pays normal où la Constitution et les lois sont respectées, dans un pays normal où les institutions fonctionnent régulièrement, un scrutin tel que celui du 25 avril 2015 aurait été au moins invalidé et repris, à défaut de désigner clairement comme vainqueur, le candidat de la coalition CAP 2015, M. Jean Pierre FABRE ».

Le Togo n’est pas un pays normal; il est même un pays absurde, un Absurdistan dans lequel son chef d’État ne parle pratiquement jamais à ses concitoyens et ne leur est redevable aucunement. C’est connu : que le peuple togolais ait élu réellement une personne autre que Faure Gnassingbé, n’empêchera guère la nomenklatura de continuer à régenter le Togo, asservir et endetter ses citoyens. L’enjeu reste toujours comment renouveler, constamment et efficacement, la réponse à apporter aux incongruités machiavéliques retardataires du Togo. L’opinion fugitive que Faure Gnassingbé qui n’a jamais gagné des élections au Togo pourrait, à la troisième occasion et alors même qu’il lui était demandé de se limiter à deux mandats, devenir l’élu d’un peuple togolais assoiffé de changement est désormais prise aux pièges de ses propres contradictions.

La légitimité manque toujours au pouvoir togolais

Il n’existe donc aucune perfection dans le cambriolage constant des élections au Togo : le crime parfait n’existe pas, et surtout pas dans les fraudes électorales aussi grossièrement menées et imposées avec tant d’arrogance. Tout le Togo est donc essoufflé par la gouvernance mensongère faite de sinistres illusions institutionnalisées depuis plus d’un demi-siècle. Durant la dernière décennie, le tout s’est fossilisé en grossièreté et en outrage, en refus et en défiance du peuple togolais. « Qu’ils nous enlèvent du pouvoir, s’ils en ont la force et la capacité! » entend-on dire du côté du pouvoir togolais qui, ayant d’ailleurs épuisé toutes ses chances de dialogues, ne possède plus aucun respect des adversaires sinon souffler sur toutes les braises et attiser tous les feux de la division au Togo.

Il faut donc s’outiller pour priver le pouvoir présidentiel togolais de toute légitimité. C’est la conclusion fondamentale à laquelle conduit le Mémorandum du CAP 2015, et c’est bien la posture de l’opposition républicaine togolaise : assumer ses responsabilités courageusement. Toutes ces années de luttes démocratiques au Togo ont ainsi conduit l’opposition républicaine à cette conclusion ultime : agir désormais de manière stratégique afin de priver le pouvoir présidentiel togolais de toute légitimité, le sevrer littéralement d’interlocuteurs crédibles et le laisser tourner en rond et pourrir par ses propres actes toujours excessifs. La démocratie reste encore la seule signature valide, au bas du parchemin de légitimité de tout pouvoir. Pour l’instant, cette légitimation démocratique et populaire manque toujours au régime en place au Togo.

Certes, le pouvoir présidentiel togolais continuera à régenter le Togo, à endetter le pays jusqu’à sa décadence financière et surtout à humilier chaque citoyen montrant quelques senteurs et fragrances d’opposition. Mais ce pouvoir togolais qui n’a jamais été dans la légalité, et qui toujours a été en quête de légitimité auprès de l’opposition républicaine va devoir se contenter de la frange complaisante de l’opposition togolaise.

Il devient ainsi pertinent qu’une personne comme Jean-Pierre Fabre commence à jouer pleinement son rôle, quel que soit le rôle : élu du peuple spolié de sa victoire, chef de l’opposition républicaine, etc. Et ce rôle est à jouer aussi bien à l’intérieur du Togo qu’à l’extérieur de ses frontières. L’avenir du Togo ne peut donc que se définir dans la détermination à poursuivre activement et à atteindre absolument l’idéal républicain. C’est un choix qui force le respect devant la tentation de succomber aux faciles renoncements, aux coupables boycottages, et aux plurielles querelles et accusations des uns par les autres face à l’apprêté connue du combat pour l’alternance politique au Togo.

Des colosses armés qui ont tué tout espoir de réconciliation

Le renouvellement de l’opposition politique qui s’est courageusement opéré depuis la lassitude, la perdition et le naufrage de Gilchrist Olympio en 2010 est la preuve d’une tout autre détermination au Togo. Et, cette opposition républicaine qui a choisi de rester debout plutôt qu’en génuflexion constante devant l’inacceptable et l’injustifiable, mérite une grande considération et beaucoup de respect des adeptes du changement politique et de la dignité du peuple togolais dans sa quête de réconciliation.

Parfois, nous omettons de le dire publiquement : CAP 2015 et la direction de l’ANC forcent le respect, malgré leur imperfection multiple et surtout malgré la modestie de leurs moyens et l’étroitesse de la marge de manœuvre sur le terrain autant qu’en gestion de tous les intérêts en jeu. En seulement quelques années de séjour au Togo, Zoul le proscrit fondateur du Centre culturel Mytro Nunya, de son nom Sébastien Alzerecca, l’a compris et assume bien son adhésion au combat pour la dignité du peuple togolais : une adhésion noble, libre et sans équivoque à la dignité humaine, celle qui transcende toute partisanerie et nationalité en ce XIXe siècle :

«Nous dérangions. Ils ont voulu nous faire taire, et faire peur à tous ceux qui osent rester libres, et s’affirment publiquement contre l’immense gâchis provoqué tous les jours par les acteurs d’un système mafieux qui “dirigent” et pillent le pays aux mépris du peuple. Cette fébrilité qui a consisté à nous punir, en nous éloignant du terrain, montre combien ces colosses armés jusqu’aux dents craignent le pouvoir du peuple, et sa colère, qui peuvent s’abattre à tout moment avec une violence proportionnelle à celle subie tous les jours par des millions de femmes, d’enfants, d’hommes togolais dont le quotidien est un enfer…

Le feu, c’est eux qui l’attisent chaque jour qui passent, et l’orage approche ».

Davantage encore, la lutte pour la démocratie et l’alternance politique va se corser au Togo, et la diaspora possède un rôle important à y jouer. Il est aussi clair que le niveau d’endettement du Togo ne lui permet plus d’envisager de faire des élections municipales autofinancées encore moins tenir une seule des promesses sociales. Passées ces dernières élections présidentielles, le régime tentera tous les accommodements politiques pour faire financer autrement d’éventuelles élections municipales ainsi que les législatives de 2018. Pour y parvenir, ce récalcitrant pouvoir présidentiel togolais, à contretemps d’ailleurs de l’histoire, aura besoin d’un grain de légitimité à travers un minimum d’accord avec l’opposition républicaine. Et alors, on verra bien qui rira de cet énorme gâchis qui se perpétue au Togo, à chaque étape d’une si rude lutte démocratique et de tant d’occasions de réconciliation manquées.
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