Les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), on en parle toujours. Cette année 2015 est sa date butoir avec des résultats en deçà des attentes. Au regard de ce constat, faut-il renouveler une fois encore sa confiance à un système arrivé à échéance ou réinventer un autre paradigme pour un autre départ ?
Nicolas Kazadi, expert des questions de développement et environnementales au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) au Togo, répond aux préoccupations de Emergence-togo.com
Emergence-togo.com : Bonjour Monsieur Nicolas Kazadi. Depuis 2013, à deux ans de l’échéance fixée par les Nations Unies pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), un processus s’est engagé pour élaborer de nouveaux objectifs de développement et on vous a vu très engagé dans la conduite des consultations au Togo.
Quels en ont été les résultats au niveau national ?
Nicolas Kazadi : Je voudrais tout d’abord vous remercier de l’opportunité que vous me donnez d’aborder cette question brulante de l’heure au niveau international. Le Togo fut en effet engagé dans le premier groupe de pays ayant conduit des consultations nationales pour alimenter la discussion mondiale sur le sujet. Il faut préciser que ces consultations ont été conduites par les autorités togolaises en direction des forces vives du pays. Les agences onusiennes ne sont venues qu’en appui.
Ces consultations ont révélé que les Togolais sont globalement conscients des efforts conjoints de l’Etat et ses partenaires pour sortir le pays des griffes du sous-développement. Toutefois, 4 préoccupations majeures ont émergé de ces consultations ; on peut aussi les considérer comme des recommandations faites à l’endroit des décideurs :
1. L’ensemble des OMD adoptés en 2000 restent pertinents, actuels et globalement non atteints, bien qu’en nette progression. Il convient donc de les poursuivre sans relâche en vue d’accélérer leur mise en œuvre au Togo ;
2. En dépit des nombreux programmes et projets touchant le secteur agricole depuis des décennies, la pauvreté rurale demeure prépondérante et endémique. Les populations ont en général souhaité que l’on fasse du secteur agricole le poumon de l’économie nationale et le principal pôle de croissance, en mettant un accent sur la production, la transformation et la commercialisation ;
3. Les Togolais ont également exprimé leur volonté de voir réorienter le système éducatif pour qu’il dispense le savoir, le savoir-faire et le savoir-être ;
4. La question de la gouvernance est également revenue à plusieurs reprises ; instaurer véritablement un Etat de droit, en séparant les pouvoirs et en instituant les principes de bonne gouvernance à tous les niveaux.
Une seconde phase de consultation a porté sur les moyens de mise en œuvre. Il s’agissait de tirer les leçons du passé et d’identifier les éléments clés qui ont permis au Togo de progresser. Il y a à ce sujet un fort consensus sur le fait que les progrès récents du Togo, tant en matière économique que politique, sont le résultat d’un leadership politique avéré, qui a permis au pays de tourner la page après 15 années de crise et de stagnation, et retrouver la voie du développement.
Est-ce que ces conclusions ont été prises en compte au niveau mondial ?
Je ne vois aucune référence à l’environnement ou au développement durable dans les préoccupations exprimées par le Togo.
Votre question est très pertinente. On pourrait en effet penser que le Togo n’est pas très engagé dans le combat mondial pour une planète durable. Mais cela n’est pas le cas. D’abord, lorsque les forces vives du Togo disent que les OMD restent actuels, pertinents et doivent se poursuivre, cela comprend également l’Objectif 7 qui vise à préserver l’environnement. Bien qu’elle n’émette quasiment pas de gaz à effet de serre (autour de 200 kg par habitant) en comparaison avec les autres parties du monde (11 tonnes en Europe, 22 tonnes aux USA et 8 en Chine), l’Afrique est le continent le plus vulnérables aux effets du dérèglement climatique. Le Togo n’est pas en reste, sa côte s’érode chaque jour presqu’à vue d’œil et le rendement de son agriculture est extrêmement sensible aux changements climatiques.
Ensuite, comme vous le savez, les autorités togolaises ont initié un vaste programme, placé sous l’autorité du Premier Ministre, de modernisation de l’Etat, de renforcement des capacités et du développement durable, dont le but est de renforcer la sensibilisation, la préparation et l’action sur le lien fusionnel qui doit désormais exister entre développement et environnement dans tous les domaines.
Mais je suis néanmoins d’accord avec vous pour dire que les préoccupations environnementales n’ont pas été exprimées de la même manière, avec la même priorité, en Afrique et ailleurs. Cela s’explique tout simplement parce que les pays africains, qui ne polluent quasiment pas, sont encore plus préoccupés par le rattrapage économique et l’émergence, tandis que les pays plus industrialisés sont plus sensibles à la question de l’émission des gaz à effets de serre puisqu’ils en sont les principaux responsables.... suite de l'article sur Autre presse