Certains juges redoutent des manœuvres dilatoires du gouvernement
Les greffiers annoncent une grève de trois jours à compter de demain pour réclamer de meilleures conditions de vie et de travail
Annoncée à grand renfort médiatique, la marche silencieuse et pacifique des magistrats togolais n’a finalement pas eu lieu. A l’origine de cette situation inattendue, une rencontre qui s’est tenue entre une délégation des hommes en robe noire et le Premier ministre Arthème Séléagodji Ahoomey-Zunu. Mais de l’avis de nombreux magistrats, il ne s’agirait que de manœuvres dilatoires du gouvernement, destinées à les endormir. Du côté de leurs collaborateurs immédiats, les greffiers qui avaient exprimé leur vœu de se joindre à la marche pacifique des magistrats, le ton est au durcissement. Ils seront en grève de trois jours à compter de demain.
En lieu et place d’un rassemblement pour la grande marche de protestation prévue pour chuter à la Cour suprême du Togo, c’est à une assemblée générale ou mini-assemblée générale à huis clos, sinon loin des caméras et micros que les magistrats togolais se sont prêtés. L’accès à la salle d’audience du Palais de Justice où se tenait la rencontre étant formellement interdit aux journalistes. Les gardes pénitentiaires veillaient au grain et empêchaient tout mouvement individuel ou d’ensemble vers là.
D’après les informations recueillies, l’annulation de la marche des magistrats serait due à une rencontre entre le P.M et une délégation des magistrats. Jusqu’à 11 heures, cette A.G qui se tenait sous haute surveillance n’était pas terminée. Ce qui faisait monter la tension et apparaître des dissonances au sein du groupe. Tout portait à croire que les magistrats attendaient le retour de leurs émissaires pour déterminer ensemble la conduite à tenir. Bref, savoir si la marche silencieuse devrait être reprogrammée pour intensifier la pression sur le gouvernement ou carrément annulée. Cette manifestation publique, s’emportait le Corps des magistrats du Togo, devait s’inscrire dans le cadre des mouvements de revendication de meilleures conditions de vie et de travail. Plus exactement, il s’agissait pour eux de demander à qui de droit, l’adoption et la signature du Décret portant modalités d’application de la Loi Organique n°2013-007 du 25 février 2013 fixant Statut des Magistrats, en vue de l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail.
En effet, les magistrats toutes tendances confondues, ne sont pas satisfaits de leurs conditions de bvie et de travail. Aussi ont-ils dressé à Notsé le 05 mai 2012, une pétition demandant au gouvernement de prendre en compte les revendications qu’ils ont transmises au Conseil Supérieur de la Magistrature, conformément à l’article 9 alinéa 3 de la Loi organique n°96-11 du 21 août 1996 fixant Statut des Magistrats.
Et une commission quadripartite avait été mise en place pour étudier lesdites revendications. Lors de sa séance plénière du 31 janvier 2013, l’Assemblée nationale a procédé à la modification de la loi organique n°96-11 du 21 août 1996 portant statut des magistrats, notamment en ses articles 1er, 16, 17, 18 et 42. Cette loi a été même promulguée le 25 février 2013. Mais le hic, c’est que l’avant-projet de décret portant application du statut ainsi modifié n’avait pas pris in extenso leurs revendications et aspirations profondes contenues dans la pétition du 05 mai 2012. En réaction, ils s’étaient réunis et avaient adressé une nouvelle pétition demandant la prise en compte des résultats des travaux de la Commission quadripartite contenus dans le rapport en date du 22 juin 2012, et ce au plus tard le 31 mars 2013 avec prise d’effet à compter du 1er janvier 2013. Mais le gouvernement restera de marbre devant leurs revendications. Raison pour laquelle ils ont opté pour la pression de la rue, une bombe désamorcée in extrémis.
Mais à force de faire le pied de grue, certains magistrats, excédés, ont estimé qu’Arthème Ahoomey-Zunu, en rencontrant la délégation des magistrats, ne serait mu que par le souci de leur faire une entourloupe, et leur faire perdre du temps, afin que la manifestation prévue hier ne se tienne pas. Un autre camp composé de leurs collègues qui font preuve d’une patience à toute épreuve recommandait qu’aucune décision précipitée ne soit prise. Jusqu’à tard hier, rien n’a pu filtrer de la rencontre entre les magistrats et le Premier ministre. Pour toutes fins utiles, il convient de rappeler que le vendredi 12 juillet dernier, une rencontre au goût de tractations entre les magistrats et le gouvernement avait capoté.
Le pouvoir en place les a-t-il menés en bateau, comme il en est coutumier? Ou est-il disposé cette fois-ci, à donner des suites fiables à leurs revendications ? Visiblement, on ne paie rien pour attendre.
Cependant, si du côté des magistrats, l’heure est aux atermoiements et hésitations, les greffiers, collaborateurs immédiats de ceux-ci sont formels : dès demain et ce, pendant trois jours, ils seront en grève, apprend-on de sources sûres.