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Enquête/L’envers de la sécurité maritime : L’interpellation de Mathias Kokou Latta ou la face visible d’un iceberg
Publié le samedi 26 septembre 2015  |  L'Alternative


© aLome.com par Parfait
La ville de Lomé vue de l`immeuble du CASEF
Lomé, le 22 juin 2015. Vue générale de la capitale togolaise, depuis l`un des principaux immeubles dominant le centre-ville de cette cité: le CASEF


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La conférence sur la sécurité maritime annoncée tambour battant avant d’être reportée sine die est une manière pour les autorités togolaises de camoufler ou de détourner les regards sur le business mafieux qui se déroule sur nos côtes. Le Togo est le seul pays de la côte à disposer d’un port en eau profonde, mais les côtes de ce petit territoire ont toujours été le repaire de toutes les activités criminelles. 2004 a été le pic, avec l’arraisonnement du navire Pitea bourré de drogue par la marine française et espagnole.


Les commanditaires de cette cargaison sont les mêmes qui se retrouvent aujourd’hui à la tête du pays. Il est donc à craindre que ces gens n’aient facilement perdu les habitudes de leurs activités douteuses qui leur rapportent tant d’argent. Les côtes togolaises ne sont pas aussi poissonneuses, mais elles sont infestées de pirates, d’activités douteuses parfois criminelles qui rapportent des liasses de dollars à des pontes du régime aussi bien civils que militaires.


Laurent Bigot, ancien sous-secrétaire chargé de l’Afrique de l’Ouest à l’Elysée au Quai d’Orsay ne croyait pas si bien dire lorsqu’il déclarait récemment : «La piraterie est institutionnelle au Togo. On sait que le système pille le pays et que le régime est affairiste. Là aussi, il faut arrêter de se raconter des histoires. C’est comme si l’on organisait une conférence contre le trafic de drogue, avec pour principal invité Pablo Escobar».


Un constat reconnu à demi-mot par Faure Gnassingbé lui-même le 18 septembre dernier, lors de la réunion annuelle du haut conseil de la mer au cours de laquelle il a évoqué les navires battant pavillon togolais qui sont impliqués dans les trafics de tout genre ainsi que les activités délictueuse voire criminelles dans les eaux internationales. Lorsqu’on emprunte le soir la route Aflao-Aného, on est impressionné de voir le nombre de navires qui mouillent les côtes togolaises. Derrière cet afflux des géants de mer qui permet à certains d’affirmer que le Togo dispose désormais des côtes les plus sécurisées de la région, se déroule un business juteux impliquant les barons du système en place. Enquête en eau profonde.

Mathias Kokou Essodina Latta, la face cachée de l’iceberg

Le mercredi 16 septembre dernier, alors que tous les regards étaient orientés vers le Burkina Faso où des terroristes, avec à leur tête un certain général Gilbert Diendéré ont déclenché un pronunciamiento, le SRI (Service de Recherche et d’Investigation) mettait à Lomé la main sur un sulfureux personnage à la suite, dit-on, d’une plainte de deux hauts gradés des FAT. Détenu dans les locaux du SRI, il n’a été relâché que dans la soirée du vendredi 18 septembre après avoir versé ce qu’on pourrait nommer une rançon à ses preneurs d’otage.

Un incident que le principal auteur aurait souhaité sans bruit si la Rédaction de L’Alternative n’avait pas fait échos le même vendredi dans sa parution de cette interpellation. La veille déjà, l’auteur a envoyé un confrère en espion pour sonder la rédaction du contenu de l’article qui devrait faire cas de son séjour au SRI. Très tôt le matin, il s’est fendu d’un SMS balancé à tous ses amis en ces termes : « Chers parents, frères et amis. Ce matin un journal proche de l’opposition instrumentalisé par certaines personnes va sortir un article sur moi et fera une certaine déclaration erronée dans le but de me faire réagir. Soyez et restez confiants. La vérité va se savoir car Dieu se chargera de tout pour moi. Soyez bénis. Dieu nous garde ».

Les escrocs savent mettre le bon Dieu au devant de leurs activités douteuses et criminelles. A l’instar de Pablo Escobar, l’auteur du SMS ne déroge pas à la tradition. On est en droit de se poser la question de savoir en quoi le fait de nous assimiler à l’opposition occulte la véracité des faits. De plus, à ce qu’on sache, ce n’est pas l’opposition qui a mis la main sur lui, mais bien ses partenaires du régime.

Mathias Kokou Essodina Latta, l’auteur du SMS est le fils de l’ancien ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le colonel Dokissime Gnama-Latta. De mère congolaise, il ressort de nos investigations que le Président de l’association NSET (Nouvelle Synergie de l’Elite Togolaise) du haut de sa taille est un ombrageux et sulfureux individu. De Paris où il a subi un redressement fiscal avec une hypothèque légale sur ses voitures de luxe, à Lomé où il s’est installé depuis, il traîne derrière lui non pas des casseroles, mais toute une cuisine entière. En conflit permanent avec son géniteur, Directeur général de l’ANAC réputé discret, il est cité dans toutes les magouilles.

Ses frasques avaient coûté à un certain Sotodji son poste de chef brigade au port après le détournement d’une cargaison de sucre appartenant à un homme d’affaires nigérien. Mégalomane hors pairs, versant dans la démesure, il traîne à Lomé 17 voitures de luxe dont deux limousines, deux hammers. Les plaques d’immatriculation de ses voitures se résument parfois au numéro du Ghana soit aux initiaux de son identité KEL ( Kokou Essodina Latta). Il dispose en face de son domicile à Kegué d’une structure qui fait changer les formes à ses voitures. Ses biens sont localisés entre Kegue, Adétikopé et Kpémé. Le décor de ses bureaux est à la mesure de sa mégalomanie et surtout aux méthodes des escrocs.

Il dort sur un lit de 6 à 8 places. Pas étonnant pour quelqu’un qui a du sang congolais dans ses veines. Très introduit dans les milieux de l’armée, il est ami à de nombreux officiers des FAT, aux commissaires de police. Il se permet parfois d’admonester certains, de leur donner des ordres, de leur raccrocher au nez le téléphone sans que l’on ne sache réellement d’où il tire cette audace et l’affaire qu’il mène avec ces derniers. Coutumier de la grande vie, il est souvent branché aux boîtes de nuit de la capitale. Tout ce détour et cette description pour revenir au fond du sujet et permettre aux lecteurs de comprendre les dessous de cette affaire.

Les dessous d’un affairisme avec les hauts gradés qui a mal tourné

De Paris à Lomé, Mathias Kokou Essodina Latta se présente comme un homme d’affaires. Il est le PDG d’une société de sécurité nommée ISP ( Integrale sécurité des Personnes). Une société qu’il aurait usurpée à un certain Awesso, son voisin de quartier, selon certaines mauvaises langues. Avec cette société, il a obtenu depuis bientôt deux ans, un juteux contrat pour la sécurité des navires en rade sur nos côtes soit entrant au Port Autonome de Lomé ou en attente d’entrée dans d’autres ports comme Cotonou ou Port Harcourt au Nigeria. Pour accomplir ses tâches, il sollicite des hauts gradés de la hiérarchie militaire qui mettent à sa disposition des soldats convoyés en mer pour la sécurité de jour comme de nuit des navires. En termes plus clairs, Monsieur Mathias Kokou Essodina Latta, un homme d’affaires civil opérant dans le privé se voit mettre à sa disposition par des officiers des soldats qui vont en mer pour faire la sécurité des navires.

Pendant que ces soldats triés dans plusieurs corps (Marine, armée de terre, armée de l’air, troupes aéroportées) sont exploités en mer, contre généralement une pitance et avec les risques qui s’ensuivent, le sieur Latta empoche des armateurs et propriétaires des navires des centaines de millions de dollars cash qu’il partage avec ses amis officiers. Selon certains sources au Port autonome de Lomé, la sécurité en deux jours pour un seul navire, et c’est selon la taille, peut rapporter 6000 dollars, soit environ 3 millions de francs cfa. C’est donc pour avoir refusé ou traîné les pieds à verser la part qui revient aux officiers supérieurs qui lui fournissent les soldats que le sieur Latta s’est retrouvé dans les mains du SRI. Selon nos investigations, il avait déjà versé à ces officiers au début de l’année 400 millions F CFA, mais il manquait encore 700 millions pour que le compte soit bon. Lors de son séjour dans les locaux du SRI, plusieurs sources font état de ce que plusieurs hauts gradés sont intervenus en sa faveur. Certainement ceux impliqués dans le business.

On évoque un sulfureux général, ancien ministre passé depuis dans l’ombre, qui aurait multiplié les coups de fils pour sa libération. Mais pour les preneurs « d’otage », il n’était pas question de le relâcher tant qu’il n’aura pas versé une partie des 700 millions. Après plusieurs perquisitions à ses domiciles, Mathias Latta a dû libérer deux chèques. Une première de 200 millions qui a fait l’objet d’un retrait immédiat à la banque et une seconde à encaisser plus tard.

Ce n’est qu’après dans la soirée du vendredi 18 septembre qu’il a été autorisé à rentrer chez lui. Il nous revient également que le fameux homme d’affaires dispose d’un chauffeur maritime qui le conduit souvent avec certains en haute mer pour récupérer des marchandises sans que l’on ne sache de qui il s’agit réellement.

Depuis sa libération et ses tentatives par SMS de faire croire qu’une certaine presse proche de l’opposition serait en mission pour le discréditer, le sieur Latta se fait pas mal de soucis. Il a non seulement déplacé ses voitures de luxe, mais aussi s’est attaché les services d’une demi-douzaine de gardes du corps d’un autre service de sécurité. Selon nos sources, lors de sa garde à vue au SRI, il aurait menacé de faire des révélations qui pourraient coûter le poste à un certain Alex Yotroféï Massina, le DG de la Gendarmerie nationale qu’on ne présente plus.

Nous n’avons aucune certitude par contre si ce dernier fait partie de ceux qui ont mis le grappin sur lui. Il nous revient aussi que le sieur Latta entretient des relations très tendues avec un colonel du nom de Barnabo qui, jadis, était un simple employé disposant d’un bureau dans sa société à Kégué, avant de le renvoyer. Le colonel en question a, lui aussi, créé une société de sécurité maritime ces jours-ci et vient d’avoir son agrément. Au-delà du personnage sulfureux qu’est Mathias Kokou Latta, tout porte à croire qu’on est dans une guerre pour le contrôle de juteuses affaires aux liasses de dollars sur les côtes togolaises.

Revenons aux questions pertinentes

Dans une société, un citoyen quel qu’il soit qui se sent menacé dans sa vie peut solliciter auprès des autorités compétentes, des forces de l’ordre pour assurer sa sécurité. Mais lorsque des officiers sous-traitent les soldats placés sous leur commandement à un individu, de surcroît un civil, pour aller faire des activités d’ordre privé, et en retour ils empochent les dividendes, cela se nomme de l’affairisme. Le Togo dispose d’une hiérarchie militaire avec en tête Faure Gnassingbé, chef suprême des armées, ministre de la Défense, suivi du chef d’Etat-major des FAT, ensuite des chefs corps.

Qui dans la hiérarchie militaire met les soldats des différents corps à la disposition d’un civil pour ces genres d’opérations ? Qui autorise la sortie des armes et qui s’occupe du transport par vedette des troupes sur les lieux ? Pourquoi cette opération ne se fait-elle pas sous la supervision de la marine ? Quelle est la responsabilité du Contre-Amiral Fogan Adegnon, Directeur général du Port autonome de Lomé dans cette histoire ? Enfin, quelle est l’institution habileté à délivrer des contrats à des sociétés privées par la sécurité des navires sur les côtes togolaises? Le Port autonome, la hiérarchie militaire ou la préfecture maritime? Y a-t-il des appels d’offres? Ces centaines de millions vont-ellesdans les poches des individus ou ces sous sont-ils versés dans les caisses de l’armée ou au Trésor public ? Qui a empoché les 200 millions libérés par Mathias Kokou Latta lors de sa garde à vue au SRI ? Pourquoi ces soldats exposés à des risques énormes sont-ils mal payés pour ne pas dire exploités ?

Il est connu de tous que dans l’armée togolaise, on a souvent recours aux hommes de rang pour aller cultiver les champs de leurs supérieurs ou de certains barons. Mais mettre les militaires à la disposition d’un civil pour des affaires d’ordre privé, cela fait un sacré mélange de genre. Par extension, on peut aussi évoquer les soldats qui sont déployés pour faire la sécurité à l’entrée des banques ainsi que ceux qui assurent la sécurité du pipeline de Shell de la zone portuaire vers la raffinerie. Toutes ces entreprises versent d’importantes sommes d’argent à la hiérarchie. A qui profitent ces fonds ? Faure Gnassingbé, chef suprême de l’armée, ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants est-il au courant de ces pratiques ? Les militaires sont-ils devenus des individus taillables et corvéables à merci à la disposition d’individus véreux pour des affaires douteuses ?

Pour revenir au cas Mathias Kokou Essodina qui, du reste, est un épiphénomène dont l’arrestation lève un coin du voile de l’affairisme auquel s’adonnent certains officiers, il n’est pas exclu que le zèle dans l’organisation du fameux sommet sur la sécurité maritime soit un moyen d’attirer les navires sur les côtes togolaises afin d’alimenter un busines dont les retombées échappent totalement aux caisses de l’Etat. Il ne s’agit pas de créer une soi- disant Préfecture maritime ou un Haut conseil de la mer avec des résolutions ronflantes pour tromper les partenaires alors que les auteurs des activités délictuelles sont les mêmes qui composent ces structures. Il s’agit de mettre fin une fois pour de bon à la mafia aux larges des côtes togolaises.

Du reste, Mathias Kokou Essodina Latta gagnerait à se faire discrèt et éviter de faire passer la presse qu’il nomme proche de l’opposition d’instrumentaliser ou de colporteuse de rumeurs. La nouvelle élite dont il se veut le chantre ne saurait gagner en notoriété dans les magouilles à travers un repaire d’escrocs de tous poils. Le nom du bon Dieu ne saurait être associé à ce bazard. Bon à suivre !

Ferdi-Nando (L’ALTERNATIVE)

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