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Liberté N° 2057 du 27/10/2015

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TOGO : Sam Bikassam, Yao Kanekatoua et Kokouvi Dogbé épinglés par la Cour des Comptes
Publié le mercredi 28 octobre 2015  |  Liberté


© aLome.com par Parfait
La modernisation de la justice passe par l’assainissement des locaux des tribunaux. Le tribunal de Lomé.


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Si la Cour des comptes dont les membres sont payés avec l’argent du contribuable doit toujours intervenir des années après que des forfaits ont été commis dans les sociétés d’Etat, on se pose alors des questions sur son utilité. Parce que du fait de sa capacité à réagir, comme le font certains médecins après la mort du patient, elle permet que des hommes de peu de moralité en matière de gestion de la chose publique, disposent de temps pour saigner l’économie togolaise.

Et lorsque des sanctions doivent tomber, les coupables ne sont plus aux affaires. Cas de la gestion de Togo Télécom en 2007 où le Directeur général, le président du conseil d’administration et celui du conseil de surveillance ont brillé par leurs légèretés et la confusion qu’ils ont faite entre biens publics et biens personnels. Suite à la mission, la ministre Cina Lawson a décidé le limogeage sélectif du directeur général sans rien proposer pour les deux autres qui ont fermé les yeux sur les forfaits. Aujourd’hui, l’un est le Conseiller du chef de l’Etat et l’autre, Directeur général du Patrimoine du Togo à l’étranger.

La Cour des comptes publie-t-elle tous ses rapports de contrôle ? Lorsqu’on se rend sur son site courdescomptestogo.org, on est tenté de répondre par l’affirmative. Mais le rapport objet de cet article et sur lequel nous allons nous appesantir ne se trouve pas sur son site. Et pourtant, une de ses décisions a été exécutée par l’actuelle ministre des Postes et de l’Economie Numérique.

Si aujourd’hui la société Togo Télécom est dans la situation de banqueroute avérée qu’on lui connaît, le rapport d’observations définitives de la mission de contrôle de sa gestion, exercice 2007 de la Cour des comptes que nous avons réussi à dénicher, montre que les voyants étaient dans le rouge depuis 2007. Mettre sur la place publique les grandes lignes du rapport de notre part ne fait que répondre à l’exigence inscrite au point 3.1 dudit rapport qui parle des règles de bonne gouvernance : « …Il en est de même de l’information qui est essentielle pour permettre au public de comprendre l’utilisation qui est faite des ressources financières ». Mais les règles de bonne gouvernance ont-elles été appliquées ? Les instruments de reddition des comptes ont-ils été utilisés ? Les états financiers et la qualité de la gestion ont-ils prévalu ?

« L’organigramme de Togo Télécom comporte en lui-même les germes de l’inefficacité de la coordination fonctionnelle de ses structures », indique le rapport. Cet organigramme révèle une coordination inadéquate et une trop grande concentration des pouvoirs entre les mains du Directeur général. Conséquence, les services régionaux ne jouissent d’aucune autonomie et ne prennent aucune initiative ; la supervision et la coordination se font depuis Lomé. Il nous revient qu’un an auparavant, soit en 2006, les fonds de caisse pour assumer les menues dépenses ont été supprimées et les achats et réparations de moindre importance ne sont autorisés que par la direction générale. Vous pensez lourdeur administrative ? Juste !

Y avait-il une autre société dont les conseillers dépassent ceux de Togo Télécom ? Pas sûr. En 2007, la société comptait 8 conseillers techniques avec rang de directeurs, dont 3 étaient en fonction au ministère de tutelle technique. A en croire le rapport, certains proviennent de la Fonction Publique et leurs rémunérations et avantages sont intégralement pris en charge par Togo Télécom. La lourdeur administrative a impacté négativement sur par exemple les procédures de passation de marchés et les autorisations de menues dépenses, les rapports de collaboration entre les différentes structures du fait d’un déficit de communication criard.

Du point de vue administratif, Togo Télécom est administrée dans l’ordre hiérarchique par un Conseil de surveillance (CS), un Conseil d’administration (CA) et une Direction générale (DG). Et c’est ici qu’interviennent les responsabilités personnelles d’Eduwolé Kokouvi Dogbé, ancien ministre et président du CS, Yao Kanekatoua, président du CA et Sam Bikassam, DG de Togo Télécom.

Le rapport a jugé le CS défaillant face aux violations des textes relatifs à des domaines particuliers ; certaines commandes importantes qui devraient faire l’objet d’autorisation préalable du CS ont été émiettées sans que le président ne lève le pouce ; des décaissements sont réalisés et certains actes parfois pris avant d’être portés à sa connaissance ; des avances faites par Togo Cellulaire à l’Etat pour le compte de Togo Télécom n’ont pas été soumis à l’autorisation préalable du CS. Le rapport indique pourtant que le président du CS, en la personne d’Eduwolé Kokouvi Dogbé, a reconnu l’irrégularité des actes pris dans le cadre de la gestion de la société, mais les a justifiés par « le contexte du moment ». Qu’y avait-il en 2007 qui pût justifier autant d’irrégularités sur lesquelles un président s’était tu ? Etait aussi à cause de « ce contexte du moment » que le compte rendu du CS au gouvernement sur la gestion de Togo Télécom en 2007 n’a pas été fait ? Les citoyens doivent comprendre comment certains jouent avec les finances du pays sans crainte de poursuite. Du moins pour le moment. Et pourtant, la loi N° 90-29 du 4 décembre 1990 dispose en son article 48, alinéa 3 que « le Conseil de surveillance rend compte au moins une fois par an et par écrit de la marche de l’entreprise au gouvernement ». Et pour délimiter la période, l’article 37 du décret N° 91-197 du 16 août 1991 précise que le rapport prévu à l’article 48 de la loi 90-26 du 4 décembre 1990 « doit être adressé au gouvernement au plus tard dans les six mois suivant la clôture de l’exercice ». Il est aussi dit que le secrétariat du CS doit être assuré par le ministère des Finances en charge des entreprises publiques, mais dans la réalité, c’est un agent de Togo Télécom qui l’assume.

Tout comme le conseil de surveillance, le conseil d’administration (CA) et son président ont péché dans le fonctionnement de la société. Dans le rapport, les membres du CA devraient être remplacés le 21 novembre 2006, puisqu’élus pour un mandat de quatre ans. Ce qui n’a pas été fait. Le rapport fait cas de dépenses n’ayant aucun rapport avec l’objet de la société mais qui ont été autorisées. Le laxisme du président a permis à Sam Bikassam de prendre des actes normalement soumis à l’autorisation préalable du CA, comme certaines commandes et le règlement de dépenses réalisées par d’autres administrations. Bien que Bikassam et les cadres de la société émargent au même titre que les membres du CA, ce qui est contraire aux textes, et que le commissaire aux comptes a touché des jetons de présence le 3 septembre 2007, les montants de ces jetons ont été multipliés par deux aux séances du 19 avril et 3 septembre sans aucune justification, et sans que le président du CA y trouve à redire. Après tout, ce n’est pas l’argent de son père et peu importe qui en usent et en abusent. Des sanctions collectives devraient tomber au regard de ces légèretés, sans encore entrer dans les chiffres. C’est ainsi que le 31 juillet 2014, plus de 7 ans après l’exercice concerné, Cina Lawson a décidé et proposé deux choses : le renouvellement des administrateurs de Togo Télécom et la nomination d’un nouveau directeur général. Sam Bikassam a été éjecté depuis. Mais qu’en est-il des deux présidents qui ont encouragé pareille gestion en fermant les yeux sur les magouilles ? Ne devraient-ils pas solidairement payer eux aussi ?

Aujourd’hui, Eduwolé Kokouvi Dogbé est parachuté à la présidence comme conseiller de Faure Gnassingbé et Yao Kanekatoua est Directeur général de l’Office du Patrimoine immobilier du Togo à l’extérieur, après avoir saigné la Banque togolaise pour le commerce et l’industrie (BTCI). En avril, il était de la campagne électorale de Faure Gnassingbé. Que pourra alors le chef de l’Etat contre cet homme, tout comme Kokouvi Dogbé, les complices passifs de Bikassam ?

Une société gérée en 2007, mais qui n’a été auditée qu’entre décembre 2011 et décembre 2013, que peut-on attendre des conclusions ? La preuve en est que de 2007 à 2011, Sam Bikassam a continué la gestion alors qu’il y avait déjà péril en la demeure. Le décalage entre les années d’exercice et celles de contrôle est tel que les « saigneurs de l’économie togolaises » ont tout le temps de jouir des fruits de leurs crimes économiques qui font que les sociétés d’Etat sont dans l’état actuel que beaucoup de citoyens connaissent. Nous sommes tentés de croire que le constat de Faure Gnassingbé qui reconnaissait en avril 2012 qu’ « une minorité accapare les ressources du pays », n’est destiné qu’à donner le change vis-à-vis des représentations accréditées au Togo, et que le projet de loi du 17 septembre dernier pour plus d’accès des médias aux informations, sera voté sans que son décret d’application ne soit jamais pris. Pour nous démentir, il pourrait se tourner vers Kokouvi Dogbé qui n’est pas loin de lui et Yao Kanekatoua qui continue de jouir de ses forfaits, et prendre des mesures exemplaires. Autrement, tant que le chef de l’Etat fermera les yeux sur des crimes économiques commis par son entourage, ses promesses s’identifieront à celles de Gascon. Les crimes économiques sont aussi imprescriptibles. Cina Lawson affirmait dans son courrier réponse du 31 juillet 2014 au président de la Chambre chargée du contrôle des entreprises publiques de la Cour des comptes, qu’« au regard de la santé financière difficile de Togo Télécom, un audit général (technique, financier et organisationnel) de Togo Télécom et de sa filiale a été commandité. Les travaux viennent de démarrer et nous attendons les conclusions et recommandations de cet audité». Pourvu qu’elle ait le courage indien d’aller jusqu’au bout et que les contribuables sans lesquels la société n’existerait pas, soient informés. Bon à suivre.

Abbé Faria
Liberte Togo

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