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Dapaong : La répression sur élèves et enseignants fait rage
Publié le dimanche 1 novembre 2015  |  Icilome


© aLome.com par Parfait
Effectivité de la rentrée scolaire dans la capitale togolaise
Lomé, le 29 septembre 2015. Des élèves dans les rues de la capitale du Togo, aux premières heures de la nouvelle année académique.


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A Dapaong, plusieurs élèves et enseignants crient à des exclusions injustes ou à des affectations abusives. Ces derniers disent payer le prix de leur militantisme politique du côté de l’opposition ou de leur engagement syndical. La répression fait rage !


A peine affecté l’année dernière au Lycée Dapaong Ville 2, le Coordonnateur de la Synergie des Travailleurs du Togo à Dapaong, Nametane Bondjaguibe, a dû déjà refaire ses valises pour rejoindre cette année un autre poste à 100 kilomètres à l’Est du chef-lieu de la région des Savanes. « J’ai fait cinq ans au Lycée de Korbomgou et j’ai été muté au Lycée Dapong Ville 2. Je venais d’arriver, je fais une année scolaire et on me mute de nouveau. Je suis venu voir deux autres collègues, un rentre dans la dixième année et l’autre dans la septième année au même poste. On me mute, on laisse les deux autres. On m’envoie à Mandouri », raconte-t-il.

Pour le syndicaliste, la sentence est claire : « On ne me reproche pas le manque de compétence, on ne me reproche le défaut de collaboration non plus. La seule chose, c’est d’être délégué syndical et de prendre le devant des choses lorsqu’il le faut, c’est tout ». « Il y a un acharnement qui ne dit pas son nom. Depuis que j’enseigne, c’est la première fois que j’ai vu autant d’affections. Quand on voit ceux qu’on a affectés, on se dit que l’intention est claire : affaiblir la STT », se persuade M. Bondjaguibe.

Si le cas de ce responsable syndical est le plus mis en exergue, au vu de son statut, il n’est pas le seul. « Beaucoup de collègues ont été affectés hors de la région. Au Lycée Nassablé, lycée de référence dans la région, il y a neuf à onze collègues qui sont partis carrément, sans compter ceux qui sont affectés ailleurs au sein de la région. Le lycée est carrément vidé. C’est nouveau, on n’a jamais vu ça. En situation normale, c’est à peine trois personnes qui quittent l’établissement en une année», confie le syndicaliste. Et toutes les réclamations au niveau de la Direction régionale de l’Education pour tenter de corriger ce qui apparaît clairement comme une répression des militants syndicaux sont restés « sans suite ».

« Pour moi la vie continue », lance l’enseignant, sachant qu’il a peut-être été visé par la plus dure des répressions, puisqu’envoyé dans une zone souvent présentée comme la plus hostile au confort de la vie. « Sur mon cas, la frustration est générale. Moi je vais partir travailler, mais la situation risque de retourner contre eux. Les gens risquent de dire : c’est assez, cela ne se passera plus avec moi. Sankara disait : tuer Sankara et mille Sankara vont surgir. Moi je dis écartez un syndicaliste, mille autres vont émerger », ajoute-t-il.

«Sur les routes de Mandouri, on se sent perpétuellement en insécurité. Sur cette route à n’importe quel moment, on peut vous braquer. En saison pluvieuse, il y a souvent trop d’eau à cause de la crue d’une rivière et la zone est marécageuse. En saison sèche, on ne trouve pratiquement pas d’eau. Pour participer à une rencontre syndicale, il faut parcourir 70 kilomètres…

Lorsque j’ai pris fonction à Mandouri, pour taquiner les élèves je leur ai dit que je m’attendais à voir des élèves, à double-tête, puisqu’à chaque fois qu’on doit « punir » quelqu’un, on l’envoie à Mandouri, comme si eux à Mandouri ils ne sont pas des Togolais », raconte M. Bondjaguibe.

Dans les écoles, les enseignants ne sont pas les seuls à subir la répression de la part du pouvoir. Leurs élèves aussi sont ciblés. Au Lycée Nassablé, le plus grand de la région, plusieurs apprenants disent avoir fait les frais de leur militantisme politique. Enseignant dans un lycée de la région, et par ailleurs représentant de l’Alliance nationale pour le Changement (ANC), Kamouk Bitame connaît bien la situation de plusieurs élèves de Nassablé qui ont été exclus pour « indiscipline ». Officiellement. Il les connaît pour avoir battu campagne avec eux à la dernière présidentielle pour CAP 2015 et Jean-Pierre Fabre. Et c’est justement depuis la période électorale qu’ils s’attendaient aux représailles, puisqu’ayant déjà reçu des menaces dans ce sens.

Cinq élèves dont le petit-frère même du chef dudit établissement ont ainsi été renvoyés. Et pas seulement ! Leurs bourreaux les « traquent », et partout où ils apprennent qu’ils tentent de s’inscrire, ils dissuadent les responsables desdits établissements de les recevoir. Parmi eux, quelques-uns ont pu enfin trouver de place, même s’il a fallu aller à plusieurs dizaines de kilomètres de leur domicile.

Jusqu’à la semaine dernière, l’un des élèves traîne toujours, sans établissement, et un autre qui, lui, a obtenu son Baccalauréat, a vu son inscription rejetée à l’Université. Après des tentatives infructueuses d’inscription à l’Université de Lomé, il a dû retourner au village, rallongeant la liste déjà très longue des bacheliers de cette région particulièrement dont le parcours s’arrête là !

Ces faits ne sont pas sans rappeler la tension qui règne depuis quelques années dans la ville de Dapaong, liée à des manifestations des enseignants qui sont souvent appuyés par leurs élèves. Difficile d’oublier qu’il y a deux ans, deux élèves, dont la mémoire est devenue un ferment de la mobilisation syndicale dans cette région, ont été tués dans une manifestation de réclamation des enseignants et qui, par la suite, a mal tourné avec d’importants dégâts matériels. Devenue frondeuse, Dapaong constitue aujourd’hui un casse-tête chinois pour le pouvoir et un pôle de mobilisation pour les syndicalistes de la Synergie des Travailleurs du Togo (STT).

Avec un début d’année fait de quelques empoignades déjà signalées entre représentants du pouvoir au sein de la région et syndicalistes, bien malin qui pourra déterminer la suite des évènements au cours de cette année scolaire qui vient de démarrer. Ou évaluer l’efficacité de la répression sur la mobilisation des syndicalistes.

(L’ALTERNATIVE)

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