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Nouveau Code pénal : Menaces sur la liberté de presse, impunité aux tortionnaires
Publié le mercredi 4 novembre 2015  |  L'Alternative


© aLome.com par Parfait
Les députés planchent sur le Nouveau Code pénal togolais
Lomé, le 30 octobre 2015. Assemblée nationale du Togo. Dernière ligne droite des amendements par les députés du texte portant Nouveau Code pénal en République togolaise. Ces séances sont marquées par le retour de J.-P. FABRE au Parlement.


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Le CAR s’allie à une entreprise liberticide de Unir à l’Assemblée nationale
Le pouvoir (appuyé par son allié circonstanciel) vient encore de démontrer qu’il supporte mal le peu de liberté d’expression encore existante au Togo. Avec le nouveau code pénal en cours de validation à l’Assemblée nationale, il est désormais clair que le pouvoir aménage de beaux jours pour les prédateurs de l’économie nationale et les tortionnaires.

Ue « Code de la Presse et de la Communication » en vigueur jusqu’à ce jour au Togo a déjà prévu un mécanisme de répression de la « diffusion de fausses informations », en son article 82. Il stipule que « la diffusion ou la publication d’informations contraires à la réalité dans le but manifeste de manipuler les consciences ou de déformer l’information ou les faits est passible d’une peine d’amende de cinq cent mille (500.000) à un million (1.000.000) de francs CFA.


Toute reproduction, par un organe national de publication ou de diffusion d’informations contraires à la réalité, publiées ou diffusées par un organe étranger de publication ou de diffusion, est punie d’une peine d’amende de cinq cent mille (500.000) ou à deux millions (2.000.000) de francs CFA.

Une suspension de parution ou d’émission de quinze (15) jours à trois (03) mois peut être prononcée contre l’organe en cause sans préjudice de la peine d’amende prévue à l’alinéa précédent.

En cas de récidive, le double du maximum de la peine prévue aux alinéas 1 et 2 du présent article est appliqué ».

Le nouveau Code Pénal en cours d’adoption, lui, prévoit que « la publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle trouble la paix publique, ou est susceptible de la troubler, est punie d’une peine d’emprisonnement de six (6) mois à deux ans et d’une amende de cinq cent mille (500.000) FCFA à deux millions de FCFA ou de l’une de ces deux peines ».

Comme on le voit bien, en dehors de l’amende qui était déjà prévue dans le Code de la presse, le nouveau Code Pénal vient d’ajouter des peines d’emprisonnement allant de six mois à deux ans, sans qu’aucune précision (ou exception) ne soit faite relativement au Code de la presse. Le message est clair. Déjà que les magistrats auxquels les journalistes togolais avaient eu affaire depuis quelques années tendaient à ne pas appliquer le Code de la presse, cette nouvelle disposition vient légaliser et légitimer cette pratique vicieuse. Du coup, on pourra, avec le nouveau Code, aisément jeter en prison tout citoyen ou journaliste qui aura publié une information jugée « fausse et susceptible de troubler la paix publique ».

Le problème n’est pas tant la répression du colportage de fausse information, mais de laisser la possibilité au juge de juger si la « nouvelle fausse » est « susceptible de troubler la paix publique », ce qui s’apparente à un recours à la subjectivité du magistrat. Cet article provoquerait moins de tollé si les acteurs de notre Justice ne sont pas ce qu’ils sont. Nous ne les accusons de rien qui ne soit connu de tous. Le président du Conseil Supérieur de la Magistrature, Akakpovi Gamatho, a récemment dressé une longue liste des inconduites de nos magistrats. C’est un fait, la Justice togolaise n’existe que de nom. Elle apparaît beaucoup plus comme un outil de répression à la solde du pouvoir, souvent prompt et sans aucun discernement à priver le citoyen de liberté, pourvu que cela fasse plaisir au « Prince » ou à un de ses collaborateurs. Cette nouvelle disposition ressemble à un aiguisage de la machette du magistrat pour mieux couper la tête au journaliste ou de tout citoyen qui serait tenté de publier des informations pouvant embarrasser le régime.



En effet, empêtré dans des cirques de scandales de corruption, le pouvoir est souvent embarrassé par les révélations des citoyens et de la presse. Au lieu qu’une politique de transparence totale soit réellement promue pour que les risques de publications de fausses informations soient minimisés et que les coupables des malversations soient exposées à la rigueur de la loi, le pouvoir préfère donner des tours de vis à la législation afin de décourager les révélations qui devraient plutôt être encouragées.

Cette dangereuse régression en matière de liberté au Togo, selon les informations, a obtenu l’onction du Comité d’Action pour le Renouveau (CAR). Ce n’est d’ailleurs pas une grande surprise que ce parti aux positions obscures s’allie aux prédateurs de la liberté de presse au Togo. On espère seulement que leurs militants ou eux-mêmes ne soient pas les premiers à tomber sous le coup de cette loi. Surtout qu’un certain Jean Kissi aime bien jouer au livreur de scoop en faisant des déclarations çà et là sur les activités minières au Togo. Parce que justement dans certaines affaires liées aux multinationales, cela relève presque d’un miracle de trouver des « preuves irréfutables au-delà de tout soupçon », comme l’exigent souvent les magistrats.

Pendant que l’on tente de fermer les bouches et oreilles « indiscrètes », on prépare un paradis aux tortionnaires. Le nouveau Code enlève à la torture son caractère imprescriptible; autrement dit, si l’auteur du fait n’est pas poursuivi dans un délai, il ne pourra plus l’être. Comme quoi, si le pouvoir à qui profite le crime de la torture fait de la diversion et refuse de laisser la Justice poursuivre les tortionnaires, comme c’est le cas actuellement, après un temps donné, les poursuites ne sont plus
possibles. Pour la criminalisation de la torture introduite dans le Code pénal togolais, sous la pression de la communauté internationale d’ailleurs, on aménage en même temps une échappatoire à ceux qui pourront se rendre coupables de ces actes. Alors que sur le plan international, la torture est un crime imprescriptible. Les actes de torture commis par exemple sous Hissène Habré font partie des chefs d’accusation retenus actuellement contre lui, plus de 30 ans après son départ du pouvoir. On comprend clairement que la mention du crime de la torture dans le Code pénal n’est faite que pour faire plaisir aux ONG de sorte à faire baisser la pression; puisque finalement, il reste toujours possible de torturer au Togo et d’échapper à la Justice, avec ce nouveau texte.

L’Histoire retiendra que c’est sous un pasteur, au ministère en charge de la Justice, que tout cela a été possible. Sur instruction personnelle de qui on sait !

Maxime DOMEGNI
L’ALTERNATIVE – N°471 du 03 Novembre 2015

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