Pendant que les populations de Datcha et ses environs continuent de faire le deuil de l’usine textile, cette manufacture que le Missionnaire Géographe d’ORSTOM, Yves Marguerat titrait : « DADJA, ou l’USINE AUX CHAMPS : Industrialisation et émergence du fait urbain au Togo » et qui faisait la fierté du pays tout entier, mais fermée pour mauvaise gestion, c’est le tour de l’hôpital St Joseph de subir le triste sort des vautours assouvis par de l’argent facile. Le psychodrame de la fermeture de cette usine textile est encore dans les mémoires.
Les vestiges composés des bâtis et matériels en décomposition sont toujours visibles à la sortie Nord de la ville. Les quelques rescapés des ex-employés, encore sans dédommagement, tirent le diable par la queue. C’est le résultat de la gestion hasardeuse et familiale de la chose commune par les directeurs qui se sont succédé et qui avaient brillé par les détournements de toutes sortes et le gaspillage à la faveur de l’animation politique. L’usine était le cœur des populations et surtout constituait le premier débouché de la culture cotonnière. Car les retombées étaient multiples. Grâce à cette unité de production, la localité était électrifiée, les populations bénéficiaient des soins médicaux, de la main d’œuvre et aussi de l’école et avaient la possibilité de côtoyer les gens venant de partout. Les pagnes de cette usine n’avaient rien à envier au Wax Hollandais. Au cours d’une visite dans la localité, une vieille dame nous a fait l’honneur de nous présenter sa petite collection de ces pagnes bien teintés de haute qualité.
Cette fois, le tort n’est pas au régime, mais aux prêtres de la grande et prestigieuse Eglise Catholique qui en avaient la gestion. Ceux relevant du ressort du Diocèse d’Atakpamé à 165 km de Lomé. Créé le 8 décembre 1995, l’hôpital St Joseph de Datcha est un précieux don du Vatican au diocèse d’Atakpamé. Selon les archives, le site fut choisi par feu Gnassingbé Eyadema. Au départ, la gestion a été confiée à la congrégation des Filles de la Charité Canossienne. La révérende sœur Vittorina Vaghi fut la directrice, y officie pendant 17 ans. Elle était une excellente gestionnaire au point où lorsqu’elle passait le témoin au Frère Sosthène en 2013, Vittorina laissait des provisions qui pouvaient faire fonctionner le centre pendant au moins quatre (04) bons mois. Et ce sont les frères Camiliens qui avaient désormais la gestion de l’hôpital. Il est vrai que les tarifs aux patients sont très sociaux, mais les subventions permettent d’atténuer le budget. L’hôpital St Joseph a presque les mêmes statuts que l’hôpital Bethesda d’Agou Nyogbo (Préfecture d’Agou) vieille de plus de 50 ans et St Jean de Dieu d’Afagnan dans le Vo. Tous ces centres de santé sont au cœur du quotidien des populations locales. Ils sont également des centres de santé de référence, surtout que dans le domaine, l’État togolais a totalement failli. Ils attirent les patients venant de tout le pays et aussi de l’extérieur. Les coûts sont relativement bas et y sont développées de façon ponctuelle des spécialités rares au Togo à travers des missionnaires occidentaux.
Au-delà de tous ces atouts, l’hôpital St Joseph de Datcha revêt une autre spécificité. Il est le seul centre du Grand Plateaux qui dispose d’un scanner. En dehors du scanner, l’hôpital intervient dans tous les domaines, notamment la gynécologie, la chirurgie, la radiologie, la maternité… Il accueille des patients venant même de la région centrale. Ce petit hôpital devient un outil stratégique à partir du moment où tout usager d’une large portion de la Nationale n°1 en est potentiellement un patient. Car il est plus intelligent d’évacuer même un chef d’Etat ou une autorité accidentée ou faisant une crise subite sur cet hôpital pour subir les premiers soins lorsqu’on est à proximité que de prendre le risque de le transporter directement au CHU Sylvanus dont le scanner tombe régulièrement en panne! Comment des prêtres sont-ils arrivés à couler un instrument aussi capital en l’espace de deux ans?
La gestion du Frère Sosthène, cet infirmier formé à St Jean de Dieu d’Afagnan, a été très opaque. Il a toujours refusé de faire les comptes jusqu’en ce mois d’août 2015 fatidique de la fermeture. Le personnel était de 68 agents dont les deux responsables qui sont les prêtres. La masse salariale était de 5,5 millions fcfa par mois et les deux responsables se tailleraient la part du lion alors que leurs prédécesseurs étaient des bénévoles. Malgré les cris d’alarme du personnel et les interpellations du Diocèse, les dérives ont continué. Pourquoi le Diocèse d’Atakpamé est resté passif jusqu’au KO ? Depuis le mois d’août dernier, l’hôpital est fermé et les populations n’ont aucune idée de sa réouverture. Les employés également sont en chômage.
Depuis cette fermeture, les malades sont condamnés à se rendre à Atakpamé pour se faire soigner ou carrément à Lomé pour se soumettre à cette vie chère et aux caprices des courtiers de la santé. D’autres ne disposant pas de moyens, se remettent aux charlatans de tous genres. D’après nos informations, l’affaire a été portée à la connaissance de Faure Gnassingbé par le biais du Colonel retraité Songnè. Mais l’entretien aurait surtout porté sur les arriérés de salaire du personnel et les licenciements en perspective.
Pour les populations, le gouvernement devrait s’investir davantage pour la réouverture de l’hôpital. Cela répondrait à la promesse du prédécesseur du Professeur Moustafa Mijyawa, Charles Kondi Agba. Lors d’une visite, le 19 juin 2011, le ministre d’Etat, ministre de la Santé, Professeur Charles Kondi Agba avait loué la bonne collaboration entre l’Etat togolais et l’Eglise catholique dans le secteur de la santé. Il avait, à cet effet, promis le soutien de l’Etat en vue de l’amélioration des conditions de travail et de vie du personnel. Mais à ce jour, rien. Le temps presse, car les installations et surtout depuis trois mois, les machines ne subissent aucune maintenance. C’était de cette façon que l’usine textile a fermé ses portes jusqu’à sa liquidation par Faure Gnassingbé.