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Kofi Yamgnane: ’Fabre a perdu toute crédibilité en capitulant exactement comme son mentor’
Publié le jeudi 5 novembre 2015  |  togobreakingnews


© Autre presse
Kofi Yamgnane, président de « Sursaut Togo »


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Kofi Yamgnane, le leader de Sursaut-Togo s’est fait le moins attendre depuis l’élection présidentielle d’avril 2015 à la suite de laquelle il s’est contenté de condamner un scrutin non démocratique et la démarche de Jean-Pierre Fabre qui a pris part à cette élection alors même que les réformes n’étaient pas faites.


A la suite du putsch raté de l’ex RSP au Burkina Faso en Septembre dernier, l’ancien ministre français avait préconisé au Togo l’expérimentation d’un régime de transition qu’il pourra diriger pour remettre le Togo sur les rails.

Dans un entretien exclusif qu’il a accordé ce jeudi à Togo Breaking News, M. Yamgname revient sur l’actualité brûlante de l’heure avec le vote du nouveau code pénal qui repénalise le délit de presse, sur les réformes politiques, les élections locales et le dernier appel lancé par Jean-Pierre Fabre pour le rassemblement des forces démocratiques.

« Le scrutin présidentiel est passé depuis 8 mois et...comme vous voyez, tout cela est "passé à l’as" sans que plus personne ne soit choqué, ni les institutions religieuses représentées par Mgr Barrigah soi-même, ni la Communauté internationale représentée par ce fameux et fumeux Groupe des 5, ni surtout l’opposition togolaise qui, loin de s’atteler à une analyse sérieuse et intelligente de la vraie situation des Togolais, se fait volontairement balader et "n’y voit que du feu ". Peuple togolais, l’heure est venue de ne plus sous-traiter ni ton sort, ni ton avenir à personne, mais de te lever en masse pour t’en occuper toi-même ! Le peuple frère burkinabé ne t’a-t-il pas montré le chemin de la liberté ? », lance-t-il au peuple togolais.

Lisez l’intégralité de l’entretien.

Togo Breaking News : Le gouvernement togolais vient de faire voter par l’Assemblée nationale, un nouveau code pénal jugé moderne par les autorités. Mais le Code contient des dispositions qui donnent la latitude aux juges de mettre en prison les journalistes en cas de publication d’informations jugées fausses. Quelle est votre appréciation sur cet état de chose ?

Kofi YAMGNANE (K.Y.) : En effet, j’ai lu les informations et les commentaires concernant ce nouveau « code pénal moderne » dont le Togo s’est doté. À n’en pas douter, le régime de Faure Gnassingbé a peur de la presse togolaise et souhaite la maintenir en détention ou à tout le moins, « en résidence surveillée ».

Jusqu’à présent, la presse écrite pouvait être interdite sans justification (on connaît des exemples nombreux et Lawson Bonero mis aux arrêts venait d’être libéré) ; les radios pouvaient être fermées par la fameuse HAAC ou bien encerclées par la junte militaire ; les télévisions privées pouvaient être bâillonnées à tout moment ; l’internet et le téléphone fermés et même RFI interdite de diffusion...

Tous ces actes anti démocratiques pouvaient être constatés, répertoriés et signalés sur le plan international...ce qui n’était pas sans effet sur un pouvoir dictatorial qui veut nier jusqu’à son identité.

Aujourd’hui avec ce nouveau code, la « démocrature » togolaise veut clairement signifier à qui le veut qu’elle a « légalisé » le contrôle des médias et que donc elle fera désormais ce qu’il lui plaira pour les faire taire « légalement ».

Il faut en prendre acte et se battre pour que cela cesse ; que cessent les violences ; que finisse l’impunité ; qu’advienne une société de justice, de paix et de développement. N’est-ce pas là la quintessence même de notre combat, le combat des vrais démocrates, le combat des Justes ?

Togo Breaking News : Depuis l’élection présidentielle d’avril dernier qui s’est soldée par la réélection de Faure Gnassingbé, on constate que l’opposition togolaise n’arrive pas à taire ses divergences pour aller de l’avant. Que préconisez-vous pour l’unité de l’opposition ?

K. Y. : Question difficile et équation impossible ! Si j’avais su comment faire pour amener ce cartel des oppositions à l’unité, il y a longtemps que je l’aurais fait ! Mais je « m’y suis cassé les dents » comme bien d’autres avant moi ! Comme disent les Français : « … on n’oblige pas à boire un âne qui n’a pas soif ! »...et l’opposition togolaise ressemble fort à un âne qui n’a pas soif. Le cartel des oppositions fait mal au cœur partout dans le monde : il se satisfait de « grappiller » ici et là les miettes des prébendes du pouvoir dont celui-ci parsème son chemin. Ses responsables constituent aujourd’hui une véritable « classe », classe dominante étroitement associée à l’exercice du pouvoir ou prospérant sous sa protection ! N’est-ce pas la raison pour laquelle elle est prise à partie par la masse, en particulier sa frange militante, et subit par conséquent les prémices de la vengeance en période de troubles...C’est le temps de la défiance, en attendant celui de la révolte...interne.

Oui j’ai parfaitement identifié les raisons de ces divisions, mais pour y trouver un remède, encore faut-il que les protagonistes soient convaincus du diagnostic et soient prêts à en accepter la prescription ! Nous n’en sommes toujours pas là, après 25 ans de combat vain : nous en sommes même bien loin et plus le temps passe, et plus nous nous en éloignons !

Togo Breaking News : Jean-Pierre Fabre a lancé le 10 octobre dernier un appel au rassemblement des forces démocratiques. Que vous inspire cet appel ? Allez-vous vous joindre à M. Fabre et son groupe ?

K. Y. : Oui j’ai entendu l’appel du « leader de l’opposition parlementaire », ainsi promu par le pouvoir en place. M. Fabre excelle dans ce genre d’exercice où il croit pouvoir cacher ses vraies intentions : « ...suivez tous mon panache clair : en dehors de moi, point de salut... ». C’est ce qu’il faut lire entre les lignes de tous ses appels.

Son péché originel est d’avoir accepté de partir aux élections en reniant le combat pour les réformes indispensables à un scrutin juste et équilibré. C’est dans ce revirement de dernière minute qu’il a perdu toute crédibilité en capitulant ainsi en rase campagne exactement comme son mentor il y a 4 ans.

Il peut toujours continuer à lancer ses appels, j’ai bien peur qu’il soit devenu inaudible... exactement comme son mentor.

Togo Breaking News : La question des réformes constitutionnelles et institutionnelles et celle des élections locales sont oubliées depuis un temps par l’opposition. À votre avis, comment faire pour arracher et les réformes et les élections que réclament d’ailleurs les partenaires du Togo ?

K. Y. : Oui le vrai mot, c’est bien « arracher » car, par nature, une dictature ne partage pas le pouvoir : donc pour lui, pas question ni de porter des réformes ni d’organiser des élections locales, toutes choses qui l’obligeraient à accepter l’idée du partage du pouvoir ! Faure Gnassingbé ne fera jamais de lui-même ces réformes. Il faut l’y contraindre. C’est ce travail de conviction que je mène ici où je suis et auquel j’appelle les Togolais, tous les Togolais.

Un scrutin à 2 tours, la limitation du nombre de mandats présidentiels, la décentralisation pour une gouvernance de proximité...sont des éléments qui font partie intégrante d’un régime démocratique. C’est pourquoi tous les partenaires du Togo appellent ce pouvoir à mettre en oeuvre ces réformes et ce faisant, personne ne peut les accuser d’ingérence, comme Faure Gnassingbé tente de le faire croire.

Se battre pour cette cause, une fois de plus trahie par M. Fabre, est une obligation humaine pour tous les Togolais et pour chaque Togolais. Ce que d’autres peuples ont fait, nous devons être capables de le faire aussi : nous battre et mourir, s’il le faut, pour que demain les Togolais vivent mieux.

Togo Breaking News : Lors des derniers évènements qui ont secoué le Burkina Faso, vous avez indiqué dans une tribune que vous êtes prêt à conduire une transition au Togo. Le Togo peut-il connaître une transition alors qu’il y a un président élu ?

K. Y. : En effet, le président s’est autoproclamé élu pour un 3e mandat(!), mais il n’est pas reconnu par son peuple avec qui il n’entretient que des relations de défiance, occultées par une atmosphère de violence inouïe et de peur permanente. Depuis plus de 50 ans, le pouvoir politique et économique ainsi que celui des armes sont détenus par la même ethnie, pour ne pas dire le même village, la même famille. Dès lors, la vie politique togolaise est négativement marquée par une multitude d’exclusions, de conflits d’intérêts et de luttes intestines à connotation régionaliste, ethno-centriste, voire clanique, le tout aggravé par un antagonisme structurel croissant des classes sociales, symptomatique d’un mal-vivre explosif illustré par 2 constats :

 les intérêts d’une infime minorité de riches et très riches contre ceux de l’écrasante majorité de pauvres, très pauvres ;

 une structuration sociale dépourvue de classes moyennes pour faire tampon entre ces deux extrêmes et qui bloque toute idée d’évolution sociale.

Nier que la vie politique de notre pays s’est structurée autour de l’attente plus ou moins avouée d’une "revanche politique", c’est tenter de se cacher derrière son petit doigt ou alors jouer à l’autruche.

Or ce que je veux, moi, c’est absolument écarter du Togo le spectre rwandais : voilà ce qui rend incontournable une transition dont le rôle sera de réconcilier, rassembler, pacifier et « civiliser » les relations afin de mettre le pays sur les rails de cet incontournable changement démocratique tant attendu.

C’est parce que cette transition est indispensable et c’est parce que je m’en sens capable que je le dis.

Togo Breaking News : Si vous aviez un message à adresser aux Togolais, que leur diriez-vous...

K. Y. : Peuple togolais,

Selon moi, en accord avec le pouvoir togolais, l’opposition s’évertue à te cacher l’essentiel du combat politique à mener au Togo. Mais toi, tu connais ces questions sans réponse auxquelles, tous les jours, tu sacrifies tes enfants :

. la question de la sécurité des citoyens : pour quelle cause exacte Étienne Yakanou a-t-il été arrêté et torturé à mort en prison ?

. la question de la violence politique, de l’arbitraire et de l’impunité : pour quelle cause 2 jeunes lycéens sont-ils morts récemment à Dapaong ?

. la question du rôle de l’armée : pourquoi les yeux fermés, l’armée togolaise accepte-t-elle, depuis 50 ans, de tirer sur un peuple sans défense ?

. la question de la démocratie : libertés collectives et individuelles, limitation du nombre de mandats présidentiels, scrutins à 2 tours, décentralisation, reconnaissance de la citoyenneté à la diaspora(première Région du Togo, sans droit de vote, sans droit à l’éligibilité!), justice républicaine...

. la question de la gestion économique du pays et de la juste redistribution des ressources nationales

. la question du développement (école, santé, infrastructures, énergie, agriculture, pêche...) et surtout la question de la vision pour le Togo dans 30 ou 50 ans et enfin celle de la fin de la navigation à vue en cours depuis 50 ans.

Le scrutin présidentiel est passé depuis 8 mois et...comme vous voyez, tout cela est "passé à l’as" sans que plus personne ne soit choqué, ni les institutions religieuses représentées par Mgr Barrigah soi-même, ni la Communauté internationale représentée par ce fameux et fumeux Groupe des 5, ni surtout l’opposition togolaise qui, loin de s’atteler à une analyse sérieuse et intelligente de la vraie situation des Togolais, se fait volontairement balader et « n’y voit que du feu ».

Peuple togolais, l’heure est venue de ne plus sous-traiter ni ton sort, ni ton avenir à personne, mais de te lever en masse pour t’en occuper toi-même ! Le peuple frère burkinabé ne t’a-t-il pas montré le chemin de la liberté ?

Propos recueillis par D. A.

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