Un régime né du crime ne peut survivre que par le crime ». Cet adage colle à la peau de Faure Gnassingbé depuis qu’il a surgi par effraction sur la scène politique togolaise en 2005 au prix de 1000 morts et des milliers de Togolais contraints en exil. Ce massacre jamais enregistré dans l’histoire politique du Togo, depuis l’indépendance, constitue le crime fondateur d’un régime qui ne cesse de se nourrir, tel un démon, du sang des Togolais.
En 2005, ceux qui n’ont d’autres activités que de répandre la mort ont endeuillé des familles à Lomé, Aného, Atakpamé, etc. Faure Gnassingbé, pour justifier sa prise sanglante du pouvoir, s’est contenté de rappeler aux militants du RPT au Palais des Congrès cette maxime de son défunt père : « Faites tout pour ne jamais laisser tomber le pouvoir, sinon vous ne le retrouverez jamais ». Cette injonction du père aux fils justifie depuis plus de dix ans les crimes, les assassinats qui ne cessent d’endeuiller les familles togolaises du Sud au Nord pour la gloire d’un individu qui rêve d’un pouvoir à vie.
Outre les crimes perpétrés à Lomé par la soldatesque au service de la dictature par la répression sanglante des manifestations des opposants, les incendies des marchés, les bourreaux se sont invités il y a plus de deux ans dans la région des Savanes, précisément à Dapaong où deux jeunes élèves qui ne réclamaient que leurs enseignants ont été fauchés par des balles réelles à la fleur de l’âge.
Le premier magistrat du pays n’a eu aucune compassion, encore moins des remords suite à l’assassinat crapuleux de ces élèves. Quant aux assassins bien identifiés, ils sont toujours libres de leurs mouvements, peut-être même déployés dans d’autres préfectures où fort de l’impunité qui leur est assurée, ils commettront les mêmes crimes. De Dapaong, les criminels se sont délocalisés à Glei dans la préfecture de l’Ogou où, dans une brutalité sans commune mesure, ils se sont rués sur les populations jusqu’à leurs domiciles. Cette expédition punitive a causé morts et blessés. Les bourreaux courent toujours les rues, en toute impunité.
Du sang, il en faut encore et toujours. Depuis bientôt une semaine, les seigneurs de la mort se sont invités dans la préfecture de l’Oti où les populations s’opposent à un projet d’aire protégée qui leur rappelle les périodes atroces de ce qu’on appelle là-bas la faune. Sans aucune retenue ni mesure, les forces de l’ordre, appuyées par les militaires appelés à la rescousse par le colonel préfet Hodabalo Awadé, tirent sans sommation dans la foule aux mains nues. Cette répression barbare et sauvage que tente de justifier le gouvernement de Faure Gnassingbé par un communiqué provocateur a déjà fait cinq (5) morts dont un mineur de 15 ans écrasé par un véhicule blindé lancé dans la foule.
Les images insoutenables font le tour du monde, suscitant colère, indignation et surtout révolte vis-à-vis d’un régime dont les dérives n’ont plus de limite. La préfecture de l’Oti, tout comme toute la région des Savanes, c’est environ 90% de taux d’extrême pauvreté des populations. Ces dernières, dans une posture d’auto flagellation, auraient porté leurs suffrages au parti au pouvoir depuis 50 ans à hauteur de 85%. Pendant qu’elles attendaient les retombées du mandat social qui leur a été promis, c’est la résurrection d’un projet de faune qui rappelle de mauvais souvenirs que le régime leur balance à la figure.
Mango, le mandat social de Faure Gnassingbé et la faune de la discorde
Faune, la seule évocation de ce nom rappelle les pires souvenirs aux populations de la Keran-Oti qui ont eu à subir les pires atrocités de leurs vies. Les populations de cette localité avaient moins de droits que les animaux sauvages. Les témoignages à la Conférence nationale souveraine en 1991 ont révélé au monde entier les dessous macabres de cette entreprise dont les chefs de file à l’époque avaient pour nom le tristement célèbre Narcisse Yoma Djoua et le ministre Samon Kortho. Cette région qui végète dans la misère extrême a même été déclarée zone sinistrée par les forces vives de la nation. La Commission Vérité, Justice et Vérité (CVJR) a également fait des recommandations concernant cette région. 70% des dispositions de la CVJR dans les Savanes concernent la question de la faune qui n’a jamais été suivie d’effet.
Lorsque les populations vivent quotidiennement avec ce passé très lourd, et qu’on envisage un nouveau projet de réhabilitation des aires protégées dans la même zone, il aurait fallu non seulement une approche participative, mais aussi beaucoup de temps pour faire comprendre aux populations du milieu, les toutes premières concernées d’ailleurs, la quintessence du projet et le bénéfice qu’elles doivent en tirer. Visiblement, ce facteur de risque n’a pas suffisamment retenu l’attention des concepteurs et exécutants du projet sans compter ceux qui ont fait dans le sabotage lié aux différends qui opposent les cadres de cette localité.
Qu’on le nomme réhabilitation d’aire protégée ou faune, pour les populations locales, l’accaparement de leurs terres (38 villages à déplacer) pour les besoins de réhabilitation de la biodiversité qui en soi est nécessaire au vu du dérèglement climatique qui affecte la planète, apparaît comme une provocation. Les jeunes pauvres et désœuvrés de cette localité dont la ville jadis valorisée mais réduite à une bourgade sans aucune infrastructure ont plus besoin d’écoles, de forage d’eau, de projets agricoles viables dans le bassin de l’Oti, des coopératives de développement que d’un projet qui rappelle les vieux démons.
Pendant que Mango brûle et pleure ses morts, le régime, dans un cynisme sans précédent, a dépêché dans la localité les cadres de la région pour éteindre l’incendie. Les mêmes qui, à Lomé, ont fait semblant d’adhérer à ce projet tout en soufflant sur les braises. La préfecture de l’Oti, avec à sa tête un potentat local qui a imposé la loi de la force depuis plus de 10 ans vient de s’inscrire sur le tableau noir des localités endeuillées depuis le début du règne sanglant de Faure Gnassingbé. Le préfet militaire Awadé Hodabalo, connu pour ses dérives et ses excès dans la localité n’a pas hésité à recourir à la force brute contre ceux qu’il a proprement nommément cités (Tchokossi, Anufo), selon plusieurs sources, comme des originaires de la Côte d’Ivoire avant d’ajouter qu’ils ne sont pas arrivés au Togo avec les terres.
Une déclaration scandaleuse qui a mis le feu aux poudres. Une méconnaissance gravissime de l’histoire à l’endroit des peuples qui se sont établis dans cet espace géographique depuis la fin du 17e siècle. Cette déclaration assez dangereuse pourrait constituer un précédent préjudiciable à d’autres peuples considérés comme des allogènes dans d’autres préfectures ou régions du Togo. Voilà comment des individus dans une irresponsabilité notoire et chronique cherche à embraser le Togo. La suite, c’est le carnage organisé par les forces de l’ordre qui, finalement, sont devenues des machines à tuer facilement au Togo, en toute impunité. Comment peut-on diriger une voiture blindée en direction d’une foule aux mains nues et écraser comme des chiens des citoyens ?
Ce jeune homme de 15 ans écrasé comme une mouche et dont les images font le tour du monde aurait pu être le fils de Yarkc Damehame, du préfet Hodabalo Awadé, de Faure Gnassingbé ou tout autre personne. Avait-on besoin de mettre fin à sa vie avec une telle barbarie ? Naturellement, au sommet de l’Etat, on cherche par des arguties pour justifier ce qui apparaît aux yeux de tout le monde, même les plus idiots, comme un massacre volontaire des citoyens. Plus loin, et comme il est de coutume, on annonce avoir arrêté les auteurs de ces crimes et qu’ils seront soumis à la rigueur de la loi. Les mêmes seront retrouvés des années plus tard à la tête des unités dans d’autres villes du pays en train de commettre les mêmes crimes. Au Togo lorsqu’on porte un treillis et qu’on se défoule sur le civil jusqu’à lui enlever la vie, on bénéficie d’une impunité totale et le cycle macabre continue.
Pourquoi à ce jour Faure Gnassingbé n’a-t-il pas pris des mesures pour relever ce préfet dont la triste personnalité est au centre de toute la tension qui secoue la préfecture ? Lorsqu’ un individu, représentant du pouvoir central se permet de traiter des populations qu’il administre d’étrangères et donc justifie le sort qu’il leur est réservé, un tel personnage ne peut être que relevé de ses fonctions, surtout que ce potentat local se considère comme le gouverneur de la région, mettant les autres préfets au pas. ... suite de l'article sur L'Alternative