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Liberté N° 2069 du 12/11/2015

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Faure Gnassingbé a-t-il vraiment gagné 80,46% des voix dans l’OTI?/ Entre plébiscite factice et ingratitude, les derniers échos de la localité
Publié le vendredi 13 novembre 2015  |  Liberté


© Autre presse
Le président Faure Gnassingbé


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La répression barbare des populations de Mango continue d’occuper la une de l’actualité sociopolitique.

C’est un branle-bas de combat au niveau du gouvernement pour expliquer les circonstances de sa survenue et chanter l’apaisement. Mais pendant que l’on appelle au calme, c’est un Etat de terreur qui est imposé à la population de Mango et une véritable chasse à l’homme qui est enclenchée contre les meneurs de la contestation. Au-delà de ces violences et du projet de restauration de la faune, la cruauté dont a fait preuve le pouvoir remet en question la sincérité du plébiscite supposé dont aurait été l’objet Faure Gnassingbé dans le milieu lors de l’élection présidentielle du 25 avril dernier.


La traque des meneurs après la répression

La répression barbare dont ont été l’objet les populations de Mango ne laisse personne indifférent. Ce ne sont pas seulement les victimes ou natifs de Mango qui se sentent concernés. « Je suis Mango », tel est le message de soutien improvisé sur certaines plateformes de réseaux sociaux. La désapprobation est totale au sein de l’opinion en général.

Même les députés d’habitude impassibles devant les différents événements, ont été émus et ont interpellé mardi dernier les ministres Yark Damehame de la Sécurité et de la Protection civile et André Johnson de l’Environnement et des Ressources forestières. Acculé de partout, et sans doute sous les pressions intenses aussi des partenaires du projet, le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) qui ne voudraient pas entacher leur notoriété, le gouvernement a dû faire marche arrière et suspendre l’exécution du projet.

Apaisement, dialogue, c’est l’état d’esprit dans lequel l’Exécutif feint d’être depuis la survenue de la répression qui aura coûté la vie, aux dernières nouvelles, à non plus cinq (05) personnes, mais à sept (07) selon certaines sources. « (…) Le Gouvernement présente ses sincères condoléances aux familles éplorées et sa compassion aux blessés.

Il invite la population de Mango au calme, à la retenue et réaffirme son entière disponibilité au dialogue permanent comme voie idéale de règlement de problèmes quelle que soit leur nature », dixit le communiqué officiel rendu public dans la soirée de ce vendredi noir, après les arguties avancés pour justifier la sauvagerie à l’égard des populations. « Connaissant la nature du pouvoir, la traque devrait continuer, loin des regards indiscrets et les meneurs poursuivis jusqu’à leur dernier retranchement, même si on joue à l’apaisement », pressentions-nous dans la parution de lundi, connaissant la versatilité légendaire du pouvoir en place. Les faits semblent nous donner raison, selon les derniers échos qui nous parviennent de Mango.

Pendant que les émissaires du gouvernement sillonnent les radios privées pour appeler à l’apaisement et le pouvoir quémande l’intervention des députés et autres cadres natifs de Mango pour aller calmer la colère des populations, c’est une véritable chasse à l’homme que le régime a enclenchée au même moment. A en croire les informations, les meneurs réels ou supposés du mouvement de contestation sont l’objet d’une traque résolue. La consigne serait de les « cueillir un à un ». C’est ainsi que trois jeunes dont Moussa Kanidjamé et un certain Mama ont été enlevés ce mardi. D’autres personnes visées sont obligées de vivre dans le maquis. Connaissant l’efficacité (sic) de la soldatesque du pouvoir en matière de traque de ses contestataires, ils seront poursuivis jusqu’à leur dernier retranchement. C’est un état de terreur qui est décreté sur la localité de Mango quadrillée par des militaires, des bérets rouges notamment. Dans la droite ligne de cette disposition d’esprit, les blessés dont on a promis de prendre soin, sont abandonnés à leur triste sort. La plupart atteints par balles tirées en l’air, selon les explications métaphysiques de Yark Damehame ou écrasés par le blindé dont le conducteur aurait fait une simple fausse manœuvre, sont livrés à eux-mêmes à l’hôpital de Mango. Une façon de les soumettre à une mort lente.

Faure Gnassingbé a-t-il vraiment gagné 80,46 % des voix dans l’Oti ?

La répression de Mango n’est pas la première sauvagerie de la soldatesque envers les populations depuis l’avènement de Faure Gnassingbé au pouvoir. Lomé avec les manifestations de l’opposition, Dapaong et Gléï lors de celles de soutien des élèves aux enseignants, entre autres, sont des cas précédents. Mais il urge d’appréhender cette barbarie à l’encontre des contestataires du projet de faune à l’aune des chiffres prétendument obtenus par Faure Gnassingbé dans la circonscription électorale de l’Oti lors de l’élection présidentielle du 25 avril 2015.

80,46 %. C’est la proportion de voix obtenues par le candidat de l’Union pour la République (Unir) sur les suffrages exprimés lors de ce scrutin, selon les résultats officiels définitifs proclamés le 3 mai 2015 par la Cour constitutionnelle. Ce n’est pas son score record au cours de cette élection, il a récolté presque 100 % dans certaines circonscriptions. Mais ce chiffre n’est pas moins un plébiscite du candidat du pouvoir par les populations de la préfecture de l’Oti. C’était le même adoubement dans toute la région des Savanes. 49,51 % ; 65,11 % ; 80,9 % et 82,89 % ; ce sont les scores obtenus respectivement dans les circonscriptions de Tandjoaré, Tône, Cinkassé et Kpendjal. Avec de pareilles voix obtenues, Faure Gnassingbé se devait d’être reconnaissant à l’égard des populations de cette région, notamment de Mango. A défaut de les bichonner avec des cadeaux, projets communautaires et autres gestes forts de gratitude, le bon sens aurait voulu qu’il les épargne certains mauvais traitements. Mais sa soldatesque n’a pas hésité à dégainer sur ses électeurs qui ne réclament qu’un mieux-être, hantés par les affres vécus avec l’existence de la faune de par le passé.

Faut-il le rappeler, ce sont au total trente-huit (38) villages qui devront être délogés pour les besoins de la cause. Ces populations étant à plus de 90 % rurales, ce sont donc autant de proportions de paysans qui devront être dépossédées des terres qu’ils cultivaient pour subvenir aux besoins de leurs familles, dans une région où la pauvreté a fait son lit. Cela pose un véritable problème social. La norme aurait voulu que ces populations soient suffisamment consultées et que des moyens de compensation de ces pertes soient trouvés. Ce serait aussi une façon pour Faure Gnassingbé d’être reconnaissant du plébiscite dont il a été l’objet de leur part en avril dernier. Mais les choses ne se sont pas passées de cette façon.

Le pouvoir a préféré acheter le consentement de certains individus présentés comme leurs représentants, à ce projet de restauration de la faune qui fait craindre les misères du passé aux populations. Certains auraient juste encaissé 10 ou 15 000 FCFA pour signer des procès-verbaux de réunions tenues dans le cadre de l’exécution de ce projet. Ce n’est rien d’autre que mépris et cynisme de l’heureux élu du 25 avril à l’égard de ses bienfaiteurs. Cette attitude repose donc la question de la sincérité des chiffres présentés comme obtenus par Faure Gnassingbé dans l’Oti. Les populations lui ont-elle vraiment accordé 80,46 % des suffrages exprimés ou est-ce un chiffre inventé par la machine à hold-up de Taffa Tabiou ?

Déjà on a toutes les raisons de s’étonner que des populations adoubent le candidat d’un régime qui ne leur a réservé pour tout héritage de la gestion du pays depuis un demi-siècle que la pauvreté et de se demander si elles étaient par hasard atteintes du syndrome de Stockholm. C’était quasiment la même tendance lors des législatives du 25 juillet 2013. Alors que deux fils du milieu, Anselme Sinandaré, 12 ans et Douti Sinalengue, 21 ans, ont été fauchés à Dapaong par la soldatesque trois mois auparavant lorsqu’ils réclamaient simplement leur droit à l’éducation, les électeurs ont encore plébiscité les candidats du pouvoir. Sur douze (12) sièges mis en jeu, ils en ont donné huit (08) à l’Union pour la République. La question reste au demeurant posé.

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