« Une prostituée est rentrée au palais et la justice a fui par la fenêtre ». Cette belle phrase caricaturale de Me Gbati Tchassanté, avocat à la cour, membre de la CNDH et un des dix-huit avocats de Pascal Bodjona, résume tout le mal que l’on constate aujourd’hui au sein de notre corps judiciaire.
A tout point de vue, le Togo va au plus mal et personne ne saurait objectivement le nier.Ni la justice sociale, ni celle des magistrats n’est effective dans le pays.
Nous venons de lire sur sa page facebook, l’appel de Mme Nana Ingrid Awadé qui invite tous les togolais à prier pour le Togo car dit-elle, le pays va mal.
Que faut-il de plus pour que l’on comprenne tout le danger qui guette ce petit pays de l’Afrique de l’Ouest ?
C’est vrai que certains esprits blasés, réduits à la quête quotidienne de la pitance, s’amusent à vanter, sans convaincre naturellement, la vision du Chef de l’Etat, son pragmatisme, ses grands chantiers etc.
Mais pour ceux qui ont un œil assez pointu, pour ceux qui suivent de près les différents défis qui se posent au Togo, il est évident que la classe dirigeante actuelle aura du mal à sortir la tête de l’eau au regard des multiples problèmes qui s’agglutinent et s’entassent au fur et à mesure que les jours passent.
Retenons juste que l’on est au 25 novembre aujourd’hui, et aucune trace du budget 2014 n’est encore passée au conseil des ministres ne serait-ce que pour une première lecture.
D’autre part, les enseignants et les médecins n’arrêtent pas de faire planer l’épée de Damoclès sur le pouvoir de Faure Gnassingbé. Il nous revient d’ailleurs qu’à Dapaong, tous les élèves étaient dans les rues ce jour et d’autres se préparent pour des mouvements similaires dans d’autres villes du pays.
La tension sociale va donc crescendo, sans répit. Alors qu’au même moment, les ressources de l’Etat se raréfient et tarissent dangereusement.
Il ne saurait en être autrement dès lors que le pouvoir de Faure Gnassingbé rechigne à opérer les réformes préconisées par les partenaires et l’ensemble de la classe politique togolaise.
Les élections locales qui étaient annoncées pour le dernier trimestre de cette année 2013 sont rangées aux calendes grecques.
La raison est toute simple, tout ce que le pouvoir n’est pas sûr de remporter, il ne l’organise pas. C’est un peu cela l’état mental qui anime nos dirigeants.
Sinon comment peut-on s’expliquer que le Mali, pays en crise qui est déchiré en morceaux, a pu organiser des élections législatives trois mois seulement après la présidentielle pendant que le Togo traîne paresseusement dans la latence et les procrastinations ?
Bien pire encore, nos dirigeants ont fait de la culture de la médiocrité, de l’amateurisme et de la fuite en avant, des coups bas, de la délation, du mensonge leur style de gouvernance.
Comment penser objectivement, dans un tel contexte, que Dieu pourrait bénir le Togo si manifestement, ses dirigeants sont autant réduits à une telle logique de survie ? S’ils s’adonnent à autant de légèreté pour enfin s’accrocher au pouvoir comme à une Planche du Salut ?
Ingrid Awadé a donc raison de demander à tous les togolais de prier pour notre pays, elle qui est dans les secrets des dieux au Togo et qui connait très bien son niveau actuel de décadence.
Mais que vaudront bien nos prières si ceux qui ont le gouvernail ont bouché oreille et cœur au point où rien de raisonnable ne peut les traverser ?
L’être humain a ceci d’avantageux qu’il se diffère fondamentalement des animaux par sa raison et son bon sens.
Quel qualificatif faut-il alors trouver à un être humain qui a décidé de mettre sous éteignoir ces deux facultés qui le diffèrent réellement des animaux ?
Le comble de la bestialité dont nous faisons allusion est bien perçu par les togolais dans les dossiers judiciaires.
Il est universellement établi qu’un juge instruit toujours et en tout temps, à charge et à décharge, c’est-à-dire qu’il se positionne en arbitre et décortique les éléments d’une enquête avec neutralité et objectivité dans le strict respect de l’éthique et de la déontologie de son métier afin de pouvoir protéger les innocents et de faire condamner les coupables.
Mais que constatons-nous au Togo ? Une descente systématique aux enfers avec des magistrats qui sont réduits aux rôles de simples larbins et qui se confondent en courbettes sous "l’autorité" et ratifient tout ce que cette autorité ordonne.
Une petite anecdote pour poursuivre cette réflexion. Un ami avocat m’a raconté une histoire assez révélatrice de la manière dont fonctionne notre justice.
Il y a nombre d’années de cela, un des hauts cadres de la justice avait convoqué une réunion des juges du nord à son domicile et il leur dit ceci :
« Toutes les fois que vous aurez sous la main un dossier et que l’on vous appelle pour évoquer une raison d’Etat, je vous demande formellement de mettre de côté votre conscience de magistrat pour agir dans le sens que vous dicte l’autorité ».
C’est vrai que ces propos ont fait froid au dos de l’avocat dont la mission est de défendre les justiciables. Mais que peut-il dire ou faire quand ce genre de propos sont tenus par un magistrat haut gradé qui a la mainmise sur la quasi-totalité du corps judiciaire ?
La mentalité des magistrats togolais est donc conditionnée et paramétrée pour absorber les injonctions du pouvoir sans coup férir.
Et donc malheur à tout justiciable dont le sort est déjà scellé par « l’autorité ». La cochonnerie que l’on note dans le dossier des incendies ou dans celui de Pascal Bodjona, vient justement de là.
Une prostituée est réellement rentrée au palais et la justice a fui par la fenêtre.
Le jour où elle videra les lieux, la justice pourra se faire et les prières des togolais de voir le Togo se bâtir dans le bon sens pourront être exaucées.