A Lomé la capitale, certains petits malins ont une curieuse boule de cristal qui leur permet de prédire les événements…après coup ! « On le savait ! On savait que toutes ces rodomontades allaient finir en piteuse capitulation », entend-t-on dire ici et là au lendemain du curieux virage qui a conduit l’opposition togolaise à officialiser sa participation aux élections législatives de juillet prochain. Piteuse capitulation, la terminologie est sévère, mais dans les rangs d’une opposition au sein de laquelle les postures auront été aussi résolues ces derniers mois, comment caractériser autrement une volte-face aussi soudaine ? Un demi-tour que pas le moindre avertisseur n’avait signalé à des militants toujours aussi mobilisés derrière les revendications claironnées ces derniers temps…mercredi dernier, il a fallu, malgré tout, se rendre à l’évidence : L’Alliance nationale pour le changement (ANC) de Jean-Pierre Fabre, et l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (OBUTS) sont habituellement les deux grosses cylindrées d’un front de refus d’un scrutin verrouillé de longue date par le pouvoir. Au sein du Collectif « Sauvons le Togo », les deux hommes politiques rivalisent d’ailleurs de dynamisme pour en vilipender les modalités d’organisation et demander la tenue d’un dialogue crédible avec le camp présidentiel ainsi que la libération de militants de leurs partis respectifs détenus dans le cadre d’une sordide affaire d’incendies survenus il y a quelques mois dans le pays. Avec Zeus Ajavon, le coordinateur du collectif, ils ont énormément capitalisé sur l’assainissement de l’environnement politique comme préalable à l’organisation des législatives.
Les raisons d’un changement de cap
Que s’est-il passé dans le secret des Etats-majors de l’opposition entre les récentes dénégations outrées des principaux leaders quant à leur participation au scrutin et ce soir fatidique du 19 juin où leurs dossiers de candidature sont arrivés à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ? La remise, à point nommé, en liberté provisoire d’une dizaine de personnes détenues dans le cadre de l’affaire des incendies suffit-elle à crédibiliser le revirement ? De nombreux militants restent pourtant détenus dont des responsables de partis, potentiels candidats au scrutin en préparation. L’ultime mission de bons offices de Mgr Barrigah archevêque de Lomé, en fin de semaine dernière justifie-t-elle le changement de cap ? A moins que les divergences apparues entre les leaders de l’opposition ces dernières semaines autour du scrutin aient précipité l’improvisation d’une participation au mépris de légitimes revendications…les pistes se multiplient et les regards se tournent aussi inexorablement vers la coalition Arc-en-ciel constituée principalement du Comité d’action pour le renouveau (CAR), de la Convention démocratique des peuples Africains (CDPA) et de l’Union pour la démocratie sociale Togo (UDS-Togo). En dépit de son rapprochement avec le Collectif « Sauvons le Togo », tenu pour plus radical, la coalition Arc-en-ciel aurait allumé la première mèche en faveur d’une candidature de l’opposition aux élections et fait prévaloir ce point de vue dans la dernière ligne droite.
Précipitation et improvisation dans le « money time »
Mais la théorie qui tient la corde est celle d’une décision prise dans la cacophonie d’un « money time » politique qui a mis en lumière les divergences parmi les opposants. Jusqu’au bout, son aile dure a fait croire qu’elle ne prendrait pas part aux législatives dans leur configuration actuelle. Jusqu’au bout elle a laissé prospérer l’idée d’une confiance absolue dans la pression de la rue comme arme fatale pouvant faire évoluer les choses. On apprend aujourd’hui qu’en coulisses, pourtant, l’orage grondait depuis longtemps…Au sein des partis de l’opposition, de nombreux candidats potentiels tapis dans l’ombre avaient fait passer le message depuis des mois : « nous sommes prêts ! Il vaut mieux préparer dès maintenant l’opinion dans ce sens ! » Au sommet, on a fait le mort et continué de clamer que TOUT PEUT ARRIVER. Même lors de leur dernière tournée européenne les responsables du CST et leurs amis n’ont pas manqué d’enfoncer le clou : « Si ça ne bouge pas réellement niveau dialogue, il n’y aura pas d’élections », sous les applaudissements d’une diaspora souvent encline à avaler des couleuvres. Résultat des courses, de nombreux militants ont globalement l’impression de « s’être fait avoir »….Dans ce contexte, la machine à vomir les noms d’oiseaux reprend du service sur les sur les réseaux sociaux et sur les forums dédiés à l’actualité togolaise.
« Ils (les opposants) portent l’entière responsabilité de l’impression de désordre qu’ils donnent en ce moment », constate Emile qui a assisté aux dernières sorties du CST à Paris et à Bruxelles. Entre les responsables de l’opposition eux-mêmes, on est loin du compte en matière de franches accolades en ce moment. Si certains feignent d’assumer sereinement la situation, d’autres ne font aucun effort pour masquer leurs états d’âme. Retour des vieux démons ? Ambiance de cour de récréation à l’horizon ? La gestion des lendemains de cette décision et surtout l’atmosphère des débuts de campagne électorale permettront de mesurer l’étendue des répliques sismiques de la volte-face…