A l’occasion de la COP-21 à Paris, Reporters sans frontières (RSF) publie un rapport intitulé Climat hostile contre les journalistes environnementaux, dans lequel l’organisation révèle les difficultés parfois tragiques des journalistes en charge des questions d’environnement.
Alors que la question de l’environnement s’impose de plus en plus comme un enjeu majeur, Reporters sans frontières (RSF) appelle à prêter une attention particulière aux journalistes qui couvrent à leurs risques et périls ces sujets souvent sensibles. Dans son rapport Climat hostile contre les journalistes environnementaux, publié le 26 novembre, l’organisation constate que la situation de ces journalistes spécialistes empire chaque année, confrontés à de multiples pressions, menaces et violences.
“Avant 2015, jamais un tel niveau de violence à l'encontre de ces femmes et ces hommes qui enquêtent souvent seuls sur des terrains reculés n'avait été atteint, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. A l'heure de la COP21, il est urgent de rappeler que l’environnement est un sujet hautement sensible qui vaut trop souvent de sérieux ennuis à ceux qui lèvent le voile sur les pollutions et autres dégradations en tout genre dans le monde. Pourtant ce méticuleux et dangereux travail de collecte et de diffusion de l’information est la condition sine qua non d’un sursaut général contre les dangers qui menacent notre planète."
Depuis 2010, dix d’entre eux ont été assassinés, selon les chiffres établis par RSF. Au cours des cinq dernières années, la quasi-totalité des homicides de journalistes environnementaux (90%) se concentrent en Asie du Sud (Inde) et Asie du Sud-Est (Cambodge, Philippines, Indonésie). En 2015, deux reporters indiens Jagendra Singh et Sandeep Kothari ont été tués, brûlés.
En raison de leurs enquêtes, certains ont été menacés, agressés, voire même emprisonnés. Au printemps 2015, au moins six journalistes péruviens se sont dit “harcelés et violentés”. En Ouzbékistan, le freelance Solidjon Abdourakhmanov croupit derrière les barreaux depuis huit ans. Tous ont un point commun : avoir enquêté sur des sujets environnementaux sensibles, comme l'exploitation illégale de ressources naturelles, la déforestation ou la pollution.
Certains États n’hésitent pas à dégainer l’arme de la censure, dès lors que des sujets environnementaux engagent leur responsabilité. En Chine, après le succès fulgurant d’un documentaire sur la pollution à Pékin, “Under The Dome”, le Parti communiste chinois a décidé en mars dernier de suspendre sa diffusion. En Equateur, les journalistes sont bridés par un lourd arsenal législatif les empêchant de traiter de l’exploitation minière dans le parc naturel de Yasuni, mondialement reconnu pour sa très grande bioversité. Au Canada, les scientifiques sont, eux, de plus en plus muselés par les autorités afin de ne pas évoquer le sujet des sables bitumineux avec les journalistes.
Certains reporters environnementaux ont aussi été approchés par des entreprises engagées dans des projets peu soucieux de l’environnement. Tous les moyens sont bons pour améliorer leur image. Des journalistes de la République démocratique du Congo racontent avoir été soudoyés par une entreprise britannique en charge d’explorer du pétrole dans un parc naturel des Virunga, qui voulait acheter leur silence. Le reporter canadien Stephen Leahy s'est vu proposer de l'argent par une entreprise canadienne pour qu’il arrête d’enquêter sur ses activités.
Face à ces multiples obstacles, de plus en plus de journalistes environnementaux ont choisi de se regrouper en associations. Si elles ont avant tout vocation à améliorer la qualité des sujets des journalistes, elles offrent aux reporters une opportunité de travailler en collaboration et de partir plus aguerris et mieux protégés sur le terrain.