Lomé, 30 nov 2015 (AFP) - "Je ne mourrai pas de cette infection, mais je mourrai avec", lance Augustin Dokla, au milieu de ses amis de l'ONG Espoir-Vie, la plus grande association de personnes vivant avec le sida au Togo.
Augustin Dokla est le plus célèbre séropositif du pays: il ne se cache pas et multiplie au contraire les interventions en public, dans des séminaires et des conférences, au service des campagnes de sensibilisation de lutte contre le sida... et accorde des interviews aux médias.
"Je ne sais pas comment j'ai pu attraper ce virus", dit cet homme de 44 ans. Seule certitude: il ne l'a "pas eu de (sa) mère" et se souvient d'avoir "mis le préservatif" lors de son premier rapport sexuel en 1990. Refaire l'histoire l'intéresse toutefois peu: "Je n'ai plus le temps de fouiller dans mon passé. L'important aujourd'hui est de vivre positivement avec cette infection", affirme ce quadragénaire qui oeuvre pour faire tomber les tabous du sida.
Augustin Dokla a appris sa séropositivité en 1999, alors qu'il était cloué à l'hôpital en raison d'une grave pneumonie. Il n'avait pas 30 ans et n'avait "que la peau et les os, après avoir perdu près de la moitié de (son) poids".
Un jour, il accepte d'être testé. "Quand l'infirmière m'a annoncé mon
statut, j'ai poussé un long soupir (...). A l'époque, le sida était synonyme
de la mort, les médicaments étant rares et très chers."
"Ma mère a pleuré toutes les larmes de son corps", dit-il, tout en
expliquant avoir été "soulagé" d'avoir enfin découvert ce qui lui "rendait la
vie difficile".
Soigné pendant deux mois dans un hôpital de Paris en 2000, grâce à des
associations françaises, l'homme est ensuite rentré au bercail et s'est mis au
service de la lutte anti-sida. "J'ai refusé de mourir pour m'engager dans une
lutte contre ce +foutu virus+ qui me pourrit la vie."
- 'Je donne un sens à ma vie' -
Augustin Dokla dirige aujourd'hui le Réseau des personnes vivant avec le VIH/sida (RAS+). Il oeuvre aussi pour l'ONG Espoir-Vie. Tino, comme l'appellent ses amis, est toujours solide, il déborde même d'énergie. Il assure ne pas bénéficier d'un "traitement particulier" - "à part le seul comprimé que je prends tous les jours au coucher".
"J'ai beaucoup voyagé pour de grandes conférences: les Etats-Unis, la France, le Mexique, la Belgique, l'Italie, l'Espagne.... En Afrique, j'ai sillonné une trentaine de pays. Et dans mon Togo natal, j'ai parcouru toutes les préfectures", affirme-t-il.
Aider les autres à ne pas contracter le virus du sida, "c'est le seul combat qui me reste, je donne un sens à ma vie chaque fois que je témoigne à visage découvert et que je sensibilise des jeunes". D'autres n'ont pas un tel courage "parce que les comportements stigmatisant
existent toujours", déplore M. Dokla, vêtu d'un tee-shirt barré d'une inscription "Zéro discrimination".
Au Togo, où le taux de prévalence (pourcentage de personnes infectées) est estimé à 2,5%, on dénombre plus de 110.000 séropositifs, selon un rapport du Conseil national de lutte contre le sida (Cnls). Le nombre de décès liés au sida a chuté ces dernières années, de 10.330 en 2009 à 6.641 en 2014, en raison de la prise en charge des personnes vivant
avec ce virus, souligne ce rapport.
Le nombre de ces personnes (adultes, adolescents et enfants) sous traitements antirétroviraux (ARV) est ainsi passé de 16.225 en 2009 à 37.511 en 2014. "Tino joue un grand rôle dans notre prise en charge au Togo. Il connaît nos problèmes et n'hésite pas à défendre nos intérêts lors des grandes rencontres", confie Amoussou, sous traitement rétroviral depuis 9 ans.
En novembre 2007, Augustin Dokla avait mobilisé plus de 500 séropositifs dans les rues de Lomé pour dénoncer notamment les ruptures incessantes de stocks d'antirétroviraux.
"C'est un infatigable lutteur", lance Afiavi, une ancienne travailleuse du sexe infectée depuis 6 ans. "J'ai toujours espoir, chaque fois que le vois devant le public."