L’Union Européenne attache du prix à l’organisation des locales au Togo, porte d’entrée dans la décentralisation effective. Hier encore, au cours de la quatorzième session de dialogue tenue dans l’enceinte du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération avec les dignitaires du régime Faure Gnassingbé, elle a insisté sur la nécessité d’organiser lesdites élections.
Ouverte aux environs de 10h30, cette rencontre d’environ deux heures d’horloge était l’occasion pour la délégation gouvernementale conduite par le ministre Robert Dussey, patron de la diplomatie togolaise, et celle de l’Union européenne représentée par Nicolas Berlanga-Martinez, Chef de la délégation, d’aborder plusieurs questions relevant tout autant de la politique intérieure du Togo que des questions sous-régionales.
Concernant la politique intérieure du Togo, les questions économiques, la situation sociopolitique après les législatives du 25 juillet 2013, la réforme de la Justice, la question de la réconciliation nationale avec en toile de fond la nécessaire question du sort des recommandations de la CVJR ont été épluchées. Sur le plan sous-régional, c’est la sécurité et le commerce illicite dans le Golfe de Guinée qui ont retenu l’attention des deux délégations.
Sur le plan sociopolitique, si le ministre Robert Dussey, visiblement triomphaliste, dit se réjouir “de la bonne tenue des élections législatives et du climat de sérénité et de non-violence qui a caractérisé les lendemains des échéances“, gage, selon lui, de “l’engagement du gouvernement et du peuple togolais à aller progressivement et de manière irréversible vers un ancrage définitif de la démocratie et de l’Etat de droit au Togo“, dans le camp d’en face, les regards semblent plutôt tournés vers l’organisation –bien hypothétique- des élections locales, seules à même de consacrer un transfert définitif des pouvoirs aux élus locaux et de mettre un terme à un régime d’exception devenu la règle depuis bien des décennies au Togo, celui des délégations spéciales qui reste la forme la plus patente de la mainmise permanente et de l’emprise du pouvoir central sur les administrations locales.
Car si les deux parties, à en croire la note d’information élaborée à l’issue de la rencontre à l’attention de l’opinion, “ont souligné l’importance de poursuivre dans toutes ses dimensions le processus de décentralisation en cours“, la partie européenne quant à elle, est allée plus loin sur cette question en suggérant qu’”un calendrier précis avec les dates pour les élections locales – et son niveau d’extension- soit défini en concertation avec les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale“.
Cela permettrait, selon elle, “ d’approfondir l’utilisation des mécanismes démocratiques de dialogue pour la matérialisation des réformes institutionnelles et constitutionnelles décidées tout au long de successifs forums du dialogue politique tenus ces dix dernières années.“
Autre manifestation que l’UE ne semble pas transiger sur la question élections locales, c’est que dans la note d’information, on voit un passage biffé où on peut lire “avant la fin 2013“. Serait-ce un lapsus scriptae? Une erreur de frappe? Cette explication est loin d’être plausible lorsque l’on s’en tient à la solennité de la rencontre. Une telle erreur de frappe n’a pas pu se glisser dans cette note d’information pour que l’on cherche, après coup, à la rectifier en la biffant. Bref, la volonté de l’UE serait de voir le chronogramme pour les élections locales défini avant même la fin de 2013.
Cependant, il semble que poser cet ultimatum au gouvernement togolais ne serait pas diplomatiquement correct. A noter que l’UE est restée très à cheval et constante sur l’organisation des locales au Togo. Sauf que du côté du pouvoir togolais fort concentré, ce message ne reçoit pas un écho vraiment clair et favorable.
En effet, si au départ, le projet était de coupler les législatives avec les locales, très vite après, on changera de cap en remettant les locales après les législatives. Plus tard, de sources officieuses, c’est au dernier trimestre de 2013, plus exactement en novembre. Là encore, c’était un coup de bluff.
D’autres sources parleront de l’organisation des locales au premier trimestre 2014. Et le bouquet, c’est que l’on distille l’idée de coupler les présidentielles avec les locales. L’argument financier et tout le bouleversement structurel et administratif auquel on prétend ne pas être préparé sont brandis à loisir pour donc renvoyer les locales aux calendes grecques. Ce nouveau plaidoyer de l’UE recevra-t-il un meilleur écho auprès des dignitaires du pouvoir hyper concentré du Togo? Question pour un champion.
En rappel, les parties prenantes ont, entre autres choses, convenues également de renforcer la justice par l’augmentation du budget de l’Etat, l’adoption de nouvelles législations telles que le Code pénal et le Code de Procédure pénale ainsi qu’une réponse urgente à la situation particulièrement déplorable de certaines prisons.