Dix ans et dix mois de solitude pour un palais où poussent désormais les herbes folles. Lomé II, à la périphérie de la capitale togolaise, ne s'est jamais remis de la disparition du grand baobab de Pya.
Le silence, la nostalgie et les sortilèges ont envahi les pièces sombres et glacées entre lesquelles nomadisait Gnassingbé Eyadéma, d’audiences en réunions, de l’aube au crépuscule. Évanouis les courtisans inutiles, disparus les ministres en souffrance encombrant les salons pour d’interminables attentes sur les canapés, envolés les serviteurs muets de champagne rosé et de brochettes pimentées.
Lomé II est désert et sa déco kitsch, mi-Gbadolite, mi-Yamoussoukro, n’est plus qu’un souvenir. Faure Gnassingbé, successeur depuis une décennie, n’a jamais aimé l’endroit. Non loin de là, il s’est fait construire un nouveau palais par les Chinois, et la géographie intérieure des lieux en dit long sur la différence de personnalité entre le père et le fils. Tapis rouge, marbre gris, mobilier sobre, toiles de maîtres togolais, climatisation aussi discrète que ses visiteurs triés sur le volet et silence feutré, à peine interrompu par le pschitt régulier des désodorisants.
Arrivé au pouvoir à l’instar d’un Joseph Kabila, c’est-à-dire comme une balle de ping-pong posée sur un jet d’eau dont l’éjection paraît à court terme inéluctable, Faure Gnassingbé a été élevé à l’ombre tutélaire écrasante d’un chef omnipotent dont il se dit fier, mais qui l’a contraint à se forger une personnalité invisible jusqu’à son accession à la présidence. Elle s’est, depuis, révélée et, conformément à un processus classique que Mohammed VI ou Ali Bongo Ondimba ont aussi expérimenté, il lui a fallu reconquérir le fauteuil suprême, au grand dam de ceux qui pensaient pouvoir le contrôler.
Faure a mis à l’écart ses parrains, ses « tontons » et sa famille. Il a totalement refondé l’ex-parti unique, sorti le Togo de l’orbite exclusivement française, remis l’armée dans ses casernes et fait naître une nouvelle classe de gestionnaires de l’État.... suite de l'article sur Jeune Afrique