Chers Frères et Sœurs,
Et vous tous, hommes et femmes de bonne volonté,
Temps de l’Avent, temps d’espérance,
Au moment d’entrer dans le temps liturgique de l’Avent, vos Pères Evêques se tournent vers vous pour vous adresser ces mots de réconfort que l’Apôtre Paul écrivait aux chrétiens de Rome : « Réjouissez-vous en espérance. Soyez patients dans l`affliction. Persévérez dans la prière. » (Rm 12,12).
En effet, l’Avent est, par excellence, le temps de l’espérance, un temps qui nous rappelle que Dieu est toujours à l’œuvre au cœur de notre histoire et qu’il accompagne mystérieusement de sa grâce paternelle chacun de nos pas. C’est lui le fondement de notre foi et la garantie de notre espérance.
En lisant ce mot d’espérance de vos Pasteurs, certains d’entre vous se demanderont peut-être si un tel message a vraiment un sens au moment où ils s’interrogent avec angoisse sur leur avenir.
Est-il réaliste de parler d’espérance alors que tant d’interrogations assaillent les esprits et que les signaux sociopolitiques semblent plutôt inquiétants ?
Comment parler d’espérance à un peuple accablé de soucis et qui a l’impression d’avancer vers un lendemain chargé d’incertitudes ? A quelle espérance osons-nous vous exhorter ?
Quel en est le fondement et quelles attitudes concrètes doit-elle déclencher en nous ?
Dieu est notre espérance
Lors des Journées Mondiales de la jeunesse qui se sont tenues à Rio de Janeiro en juillet dernier, le Pape François s’adressait en ces termes aux milliers de pèlerins, en commentant le passage du dragon et de la femme de l’Apocalypse 12 : « une femme – figure de Marie et de l’Église – est persécutée par un Dragon – le diable – qui veut dévorer son enfant.
Toutefois, la scène ne porte pas à la mort, mais à la vie, car Dieu intervient et sauve l’enfant (cf. Ap 12, 13a.15-16).
Que de difficultés dans la vie de chacun de nous, dans l’existence des personnes, dans nos communautés, mais pour aussi énormes que ces difficultés puissent sembler, Dieu ne nous laisse jamais en être submergés.
Face au découragement qui pourrait être dans la vie et qui pourrait gagner ceux qui œuvrent pour l’évangélisation ou qui font l’effort de vivre la foi en tant que père et mère de famille, je voudrais dire avec force : ayez toujours dans vos cœurs cette certitude : Dieu marche à vos côtés, il ne vous abandonne en aucun moment !
Ne perdez jamais l’espérance ! Ne l’éteignez jamais dans vos cœurs ! Le « dragon », le mal, est présent dans notre histoire, mais il n’est pas le plus fort. Dieu est le plus fort ! Dieu est notre espérance ! »
L’espérance chrétienne
Comme l’affirme avec foi le Pape François « Dieu est notre espérance ! ».
Cela signifie que l’espérance chrétienne n’est pas un simple sentiment d’optimisme en un avenir meilleur. Elle ne consiste pas à se répéter stoïquement que ça ira mieux demain, comme si le simple fait d’y croire pouvait tout changer. Elle n’est pas un espoir forcé ni une douce rêverie qui rend la vie plus acceptable.
L’espérance chrétienne est fondamentalement une attitude de confiance et d’assurance en Dieu qui accomplit ses promesses en Jésus-Christ. Ainsi entendue, l’espérance chrétienne concerne d’abord le salut apporté par le Christ à tout homme, à l’Eglise, à l’humanité, à la création tout entière.
Voici notre assurance : puisque Jésus a triomphé de la mort par sa souffrance sur la croix et sa résurrection, il ouvre à tout croyant les portes du bonheur éternel et définitif avec Dieu et en Dieu (Rm 8,24). Ainsi, l’objet premier de l’espérance est la résurrection et la vie éternelle, c’est-à-dire la participation au salut que Dieu nous a promis et qu’il a réalisé en Jésus-Christ.
Une telle espérance ne peut pas être totalement comblée sur cette terre, car son accomplissement plénier ne se fera que dans la vie éternelle auprès de Dieu. Par ailleurs, un tel salut n’est pas tout simplement le résultat des efforts de l’homme mais un don de la grâce de Dieu.
Voilà pourquoi l’espérance chrétienne s’entretient par la prière.
C’est à une telle espérance que nous invite le temps de l’Avent lorsqu’il nous fait méditer sur la fidélité de Dieu : « Mais ceux qui espèrent dans le Seigneur retrempent leur énergie : ils prennent de l’envergure comme des aigles, ils s’élancent et ne se fatiguent pas, ils avancent et ne faiblissent pas » (Is 40,31).
Espérance et conversion
En vous exhortant avec insistance à garder en vous l’espérance chrétienne, nous n’avons nullement l’intention de vous détourner de vos attentes légitimes et de vos préoccupations face à l’avenir de notre Pays. En réalité, l’espérance chrétienne que nous annonçons donne force et consistance aux nombreuses espérances qui tissent notre vie quotidienne.
De fait, parce qu’il croit fermement à la victoire du Christ sur la mort et à la promesse d’une terre nouvelle où règneront la justice et la paix, le chrétien s’engage, dès ce monde, à construire de toutes ses forces cette civilisation nouvelle où régneront la vérité, la justice et l’amour.
Luttant contre toute résignation et tout fatalisme, il est appelé à s’investir corps et âme dans la transformation des réalités humaines conformément au projet de Dieu (Cf. Gaudium et Spes 39).
L’on comprend, dès lors, pourquoi l’espérance est indissociable de la conversion sans laquelle aucune transformation qualitative des réalités de ce monde n’est possible. Une conversion qui touche à la fois les cœurs, les esprits, les mentalités et les comportements.
Au cours de ce temps de l’Avent, les lectures qui nous seront proposées nous inviteront inlassablement à aller à la rencontre du Seigneur qui vient, en veillant dans la vigilance et en convertissant nos cœurs :
« c’est le moment, l’heure est venue de sortir de votre sommeil. Car le salut est plus près de nous maintenant qu’à l’époque où nous sommes devenus croyants. La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les activités des ténèbres, revêtons-nous pour le combat de la lumière. Conduisons-nous honnêtement, comme on le fait en plein jour, sans ripailles ni beuveries, sans orgies ni débauches, sans dispute ni jalousie, mais revêtez le Seigneur Jésus Christ » (Rm 13,11-14).
Espérance pour notre peuple
Nous en sommes convaincus : si nous demeurons dans cette disposition d’espérance et que nous nous engageons dans une démarche sérieuse de conversion, alors notre Pays pourra connaître un avenir plus serein.
C’est ici le lieu de vous exprimer notre gratitude pour le calme et la maîtrise de soi dont vous avez fait preuve lors des récentes élections législatives du mois de juillet 2013. Grâce à votre pondération, ce scrutin s’est déroulé dans un climat assez paisible et serein. Nous en rendons grâce à Dieu.
Toutefois, nombreux sont ceux qui, en scrutant l’horizon, s’interrogent sur les divers défis auxquels nous sommes encore confrontés : que nous réserve l’avenir ? A quand les élections locales ? A quand la mise en œuvre des réformes institutionnelles et constitutionnelles ? A quand la vérité sur les incendies des marchés de Kara et de Lomé ?
Qui en sont les auteurs et pourquoi une telle barbarie ? Les grèves des enseignants et les revendications sociales vont-elles se poursuivre au cours des prochains mois ?
Le cri silencieux de tant de familles qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts peut-il nous laisser indifférents ?
Pour rendre possible l’avènement du Togo nouveau auquel nous aspirons tous, nous, vos Pères Evêques, n’avons pas de solutions-miracles ni de recettes magiques à proposer.
Cependant, nous avons le devoir moral d’exhorter chacun de nous à poser des gestes qui construisent l’avenir, renforcent la confiance mutuelle, créent de meilleures conditions de vie et nous rapprochent davantage les uns des autres.
En ce qui concerne les incendies barbares qui non seulement ont porté un coup fatal à notre économie mais aussi aggravé le climat de méfiance entre les Togolais, nous recommandons vivement que les autorités judiciaires, en toute indépendance et impartialité, conformément aux exigences déontologiques de leur noble mission, poursuivent avec célérité l’examen de ce dossier afin que les responsabilités soient bien dégagées et que, par voie de conséquence, les citoyennes et citoyens en soient informés.
Ainsi prendront fin les plaintes de détention arbitraire formulées par les uns et les accusations de diffamation avancées par les autres.
Au sujet des élections locales et des réformes institutionnelles, nous rappelons les engagements pris à diverses reprises par le Gouvernement ; ces engagements ont été rappelés solennellement par le Premier Ministre lors de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée le 18 septembre 2013.
Le temps passe ; le temps presse ; les délais sont assez brefs. Il importe d’enclencher rapidement le processus pour éviter la précipitation et les tensions inévitables que celle-ci génère.
Quant aux mouvements de grève qui secouent l’enseignement public et confessionnel ainsi que divers secteurs d’activités de notre Pays, ils ne sont que l’expression du malaise social et des inquiétudes éprouvées par des milliers de travailleurs et de jeunes qui s’interrogent sur leur avenir.
Tout en reconnaissant la complexité des situations en cause, nous invitons tous les protagonistes à les prendre au sérieux et à rechercher ensemble les solutions appropriées.
Pour sa part, l’Eglise poursuit ses discussions avec le Gouvernement et les Institutions concernées afin de trouver les réponses adéquates à l’épineuse question de l’enseignement confessionnel.
Que la bienheureuse Vierge Marie, l’Etoile du matin, la Reine de la paix et le Modèle par excellence de l’espérance, nous soutienne par sa maternelle intercession !