Intervention de la Présidente du Groupe Parlementaire ANC
à l’adoption du projet de loi de finances pour la gestion 2016
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,
Chers Collègues Députés,
Mesdames, Messieurs,
Une fois encore, comme les autres années depuis l’installation de la présente législature, notre assemblée se rend aujourd’hui aussi complice du vote de la Loi de finance en violation flagrante des dispositions pertinentes de l’article 91 alinéa 2 de la constitution et de l’article 83 de la Loi organique N°2008-019 du 29 décembre 2008 relative aux Lois de Finances qui prescrivent un délai minimum de 45 jours pour l’examen du projet de budget de l’Etat avant son adoption.
Ensuite, l’analyse approfondie des différentes rubriques du projet de budget de l’Etat gestion 2016 déposé sur la table de l’Assemblée Nationale courant Décembre 2015 révèle l’insincérité des prévisions et l’opacité constatée dans la gestion des ressources de l’Etat à travers les institutions, les sociétés d’Etat et les départements ministériels.
En effet,
1 – s’agissant des recettes :
Il est constaté dans le projet de budget soumis à l’adoption des députés, une augmentation des recettes extraordinaires de 16% alors que lors de l’adoption de la Loi de finance rectificative, il y a à peine quelques semaines plus précisément en novembre dernier, nous avions exprimé notre doute sur la capacité du gouvernement à mobiliser les ressources extraordinaires surtout les dons-projets, et, lors de l’étude du présent budget en commission, comme pour nous donner raison, le commissaire du gouvernement a reconnu lui-même que le taux d’exécution à fin novembre 2015 des recettes extérieures destinées au financement des investissements en dons-projets et emprunt-projets n’est globalement que de 54,6¨%.
Non moins grave, contrairement aux Lois des finances 2014 et 2015 votées en équilibre, les prévisions budgétaires pour la gestion 2016 dégagent un GAP de 39,4 milliards de Francs CFA que financeraient, aux dires du commissaire du Gouvernement, les partenaires financiers notamment les fonds arabes sur lesquels compterait le Gouvernement alors même que les négociations pour ce faire n’ont même pas encore commencées.
Plus grave, plusieurs sociétés qui devraient contribuer aux recettes de l’Etat à travers les impôts sur les sociétés et les dividendes affichent malheureusement des déficits inacceptables. C’est le cas :
* du Port Autonome de Lomé dont les contributions en dividendes n’ont point évolué malgré les énormes investissements engagés notamment le 3ème quai et Lomé-Container-Terminal,
* de la CEET qui affiche un déficit en trésorerie de 42 milliards dû aux dettes des services publics et para publics dont les collectivités locales et les hôpitaux et surtout de Contour Global qui se révèle aujourd’hui une véritable arnaque politico-économique,
* De la Société Togo Télécom qui quant à elle continue allègrement sa descente aux enfers avec un déficit cumulés de 8 milliards depuis 2014, malgré le coût exorbitants des redevances téléphoniques tant filaires que mobiles et internet appliqué aux consommateurs…
2 – s’agissant des dépenses :
Il est constaté une grave opacité dans la gestion des ressources mises à la disposition de certains ministères qui, en violation du principe de l’universalité des comptes publics, violation d’ailleurs dénoncée par le FMI dans son rapport d’Août 2015, gèrent les emprunts de l’Etat en dehors du Trésor Public. Il s’agit entre autres :
* du Ministre du Développement à la Base, de l’Artisanat, de la Jeunesse et de l’Emploi des Jeunes qui à travers le fond National de la Finance Inclusive (FNFI) financé par des ressources internes et des emprunts de l’Etat, gère ses dotations sous forme d’actifs circulants à travers des comptes privés ouverts dans les livres d’Ecobank, Orabank et UTB, sans aucun contrôle du Trésor Public.
* Du Ministre de l’Agriculture de l’Elevage et de l’Hydraulique qui gère les fonds mis à sa disposition par l’Etat Indien pour le développement du secteur agricole, par l’’intermédiaire d’un compte spécial qu’il affirme avoir ouvert dans les livres de l’UTB sans signataire, ce, sur autorisation du Ministre de l’Economie et des Finances.
Nous continuons de nous interroger sur le nombre de ministres qui gèrent les ressources de l’Etat suivant cette curieuse procédure contraire à l’orthodoxie budgetaire, et quel serait à ce jour le montant total exact des actifs circulants ainsi gérés en dehors du Trésor Public ?
Sur un autre chapitre, nous sommes tous aussi consternés de constater qu’aucune dotation n’est prévue dans le budget de l’Etat exercice 2016 pour l’organisation des élections locales pour lesquelles le gouvernement s’est pourtant engagé depuis 2004 devant la Communauté Internationale au travers des 22 engagements, lesquelles élections locales sont exigées depuis belle lurette par les populations et promises par le Premier Ministre, il y a à peine quelques mois, dans son programme d’action devant cette même représentation nationale.
3 – S’agissant de la dette de l’Etat :
Il est constaté une augmentation de l’amortissement de 117% de 2014 à 2015 sans que l’on puisse comprendre les raisons. Selon le document intitulé « stratégie de gestion de la dette publique de l’année 2016 » publié en septembre 2015 par le Ministère de l’Economie et des Finances, il est mentionné à la page 5 tableau 1 portant évolution de la dette publique qu’en 2010 la dette publique du Togo était évaluée à 1262,17 milliards de FCFA et le Togo a atteint l’initiative de Pays Pauvre Très Endetté (PPTE) avec une réduction de 80% de sa dette extérieure évaluée à 740,51 milliards.
En 2015, soit 5 années plus tard la dette publique du Togo drastiquement augmentée et est aujourd’hui évaluée à 1336,8 milliards. Que dire alors ? Bientôt un nouveau PPTE au Togo ?
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,
Chers Collègues Députés,
Mesdames, Messieurs,
Le groupe Parlementaire ANC a toujours exprimé sa disponibilité à soutenir le gouvernement chaque fois que l’action gouvernementale aura pour finalité, notamment :
* la collecte transparente et la juste allocation des ressources de l’Etat ;
* la rationalisation des dépenses publiques et la suppression des dépenses fantaisistes et des dépenses hors budget ;
* l’assainissement de la gestion des sociétés d’Etat ;
* l’intérêt général, la sécurité et la protection des populations ;
* l’amélioration des conditions de vie des populations togolaises et l’amélioration des conditions d’études et de travail des élèves, des étudiants, du corps enseignant, du corps médical ainsi que des fonctionnaires et des autres travailleurs.
Nous constatons avec regret que le gouvernement fait fi des mesures qu’appelle la situation sociopolitique et économique tourmentée que vit notre pays. En outre, il n’apporte à travers le budget 2016, aucune réponse aux attentes légitimes des populations à la base qui depuis plus d’une vingtaine d’années sont contraintes de vivre, faute d’élections locales, sous la coupole de délégations spéciales qui n’ont d’autorités locales que leur titre usurpé.
Nous constatons de surcroît :
* que le projet de loi de finances qui nous est soumis, ne respecte aucune stratégie claire de développement ;
* que ce projet ne respecte pas les règles élémentaires de procédures prescrites par les lois togolaises et les directives communautaires ;
* qu’il viole la Constitution ainsi que les engagements internes et externes du gouvernement en matière de bonne gouvernance, de saine gestion des finances publiques et d’allocation transparente et optimale des ressources nationales ;
* que l’étude et l’adoption de ce projet intervient alors que la Loi de règlement exercice 2014 qui devrait préalablement être votée, n’est même pas encore déposée sur le bureau de l’Assemblée Nationale ;
* que le projet prévoit des sanctions pécuniaires injustes et disproportionnées qui risquent de pénaliser outrageusement les PMI et PME ainsi que les personnes physiques intervenant dans le secteur informel ;
En raison de tout ce qui précède, le projet de loi de finances 2016 ne saurait recevoir la caution du Groupe Parlementaire ANC.