David Ourna Gnanta, l’un des disciples de Maurice Dahuku Péré de l’Alliance affirme qu’ «on ne vit pas de la politique » et s’est résolument engagé dans la création de sa propre entreprise. Depuis 2 ans, M. Gnanta est le directeur général adjoint d’une maison de production de Cinéma au Togo, «Wilisicom MEDIA » qui produit des courts métrages diffusés en boucle sur LCF, TV2, RTDS. Dans cet entretien exclusif à l’Agence Afreepress, M. Gnanta révèle qu’il est sur un terrain vierge et convie la jeunesse en quête d’emploi à s’organiser pour occuper le terrain car les affaires dans le domaine prospèrent. Pour lui, les jeunes doivent cesser de penser que certains domaines sont verrouillés ou monopolisés alors qu’il y en a d’autres qui sont complètement vierges. «Je n’ai pas commencé avec un héritage, mais je vis quand même. Pour y arriver, il faut commencer avec des idées et la volonté », a-t-il recommandé.
Afreepress.info : D’où est né l’idée de création d’une maison de production cinématographique dont vous êtes le directeur général adjoint ?
David Ourna Gnanta : Nous sommes une maison de production cinématographique. Vous savez que le Togo est tellement absent de tous les rendez-vous de présentation cinématographique. Et c’est pour pallier cette absence que nous avons fait venir ici un Togolais qui a passé plus de 20 ans en Allemagne dans le domaine de la cinématographie pour nous apporter son expertise et son savoir-faire pour une véritable éclosion d’une industrie cinématographique au Togo. L’activité principale de «Wilisicom MEDIA », c’est la production des films : la conception, la réalisation, le montage et autres jusqu’à la sortie du film. Nous faisons tout, de la production à la post-production.
Afreepress.info : Comment en êtes-vous arrivé au point où vous êtes aujourd’hui ?
David Ourna Gnanta : Nous sommes partis de nos propres moyens ensemble avec le compatriote Samuel Akpénè. Nous sommes partis avec des moyens de bord et aujourd’hui nous avons tout l’équipement qu’il faut pour produire des films professionnels. Nous avons déjà fait certaines productions qui sont passées sur des chaines de télévision comme LCF, la TV2 et la RTDS. Actuellement, une petite série de 3 minutes est diffusée sur la Chaîne du Futur (LCF) avant toutes les éditions de journal. Cette série intitulée «chansonnette » plaît beaucoup aux téléspectateurs.
Afreepress.info : Dites-nous comment ont été vos débuts et vos réelles motivations en se lançant dans l’industrie du cinéma ?
David Ourna Gnanta : Nous avions pris du temps pour mettre sur pied la structure, et nous avons ici quelqu’un qui a de l’expertise et qui est revenu pour apporter sa petite contribution au développement de notre pays et ceci dans le secteur de la cinématographie. La première des choses c’est qu’il a passé à la formation de l’équipe qui doit y travailler. Nous avons des jeunes ici bien formés, qui ont fait des expériences avec nos productions. Aujourd’hui, ils sont vraiment bien aguerris pour conduire des productions de taille. Revenant à la motivation, avant la création de cette structure, nous avons fait le diagnostic de la situation du cinéma au Togo et tous ces aspects ont été explorés. Nous voulons à terme pouvoir créer une chaine de valeur de production cinématographique au Togo. On ne peut pas produire et ne pas penser à mettre en place des salles de diffusion, on ne peut pas produire et ne pas avoir des médias qui achètent les productions. On ne peut pas produire et ne pas susciter l’intérêt du marché national. Donc nous pensons à tous ces aspects. Notre structure compte vraiment aller plus loin pour promouvoir une chaine de valeur.
Afreepress.info : Quelles sont vos différentes réalisations depuis le démarrage de vos activités ?
David Ourna Gnanta : ça fait déjà 2 ans que nous avons démarré et nous avons déjà produit un long métrage intitulé « Je me suis noyé ». Nous avons produit un court métrage intitulé « il était une fois en Afrique » et aussi un court métrage qui passe actuellement sur LCF intitulé le « retour » qui traite de la problématique de l’immigration. Nous avons produit une série intitulée « chansonnette » qui passe également sur la LCF avant les éditions de journaux. Nous avons produit une série humoristique qui est passée sur la TV2 et la RTDS intitulée « capitaine Tapioca » qui a vraiment intéressé le public togolais. C’est pour dire que nous ne dormons pas. Chaque semaine nous produisons, il y a des productions qui sont là, qui ne sont pas sorties et qui doivent être vendues ailleurs. Nous continuons et nous pensons y arriver.
Afreepress.info: Avez-vous des partenaires qui soutiennent votre initiative ?
David Ourna Gnanta : Nous travaillons pour le moment avec les chaines de télévision locales : LCF, la TV2 et puis RTDS qui par moment diffusent les productions que nous mettons à leurs dispositions. Il y a des fonds d’appui au cinéma sur le plan international, mais le Togo malheureusement ne bénéficie pas de ces fonds parce qu’un travail n’est pas fait dans ce sens. Et donc, nous sommes en train de nous y atteler. Nous attendons d’avoir un accompagnement local pour que ces initiatives aboutissent. Nous avons une pile de projet et si nous arrivons à mettre en œuvre ces projets, nous parviendrons à nos fins.
Afreepress.info : Autrement dit, vous comptez sur vos propres moyens pour y arriver ?
David Ourna Gnanta : Nous avons les moyens humains, nous avons les moyens techniques, mais les moyens financiers, nous les cherchons. C’est ensemble que nous les cherchons. Il faut d’abord faire du bon travail. C’est d’ailleurs ce que nous voulons présenter aux Togolais, leur dire qu’on peut faire du bon au Togo et que les partenaires locaux s’y intéressent réellement, et qu’à terme les partenaires internationaux aussi puissent s’y intéressés.
Afreepress.info : Donc, pas de sponsors ?
David Ourna Gnanta : Pas du tout ! Pour l’heure nous n’avons pas encore de sponsors, les télévisions aussi peinent à rassembler des sponsors. Nous voulons d’abord présenter du bon aux consommateurs du cinéma, parce que pendant longtemps les Togolais ne croient plus en la production togolaise. Parfois quand on joue des films togolais, les gens sont déçus. Nous avons présenté un court métrage la dernière fois et quelqu’un a été surpris de voir que c’est au Togo qu’on l’a produit. Donc, il y a l’effet de surprise et nous voulons multiplier ces effets de surprise pour amener les Togolais vers la consommation des films de chez nous. Nous sommes aujourd’hui dans le contexte de la mondialisation et tout ce que notre pays peut vendre, c’est sa culture, c’est son image. Le cinéma est aussi un débouché d’emploi. Autour d’un film, nous mobilisons un personnel, et ce personnel est payé. Le cinéma peut apporter une plus-value au PIB national, c’est ce que nous voulons démontrer et nous allons le démonter par des actes.
Afreepress.info : Des difficultés particulières dans l’atteinte des objectifs ?
David Ourna Gnanta : Oui nous avons des difficultés, des difficultés liées à la recherche des moyens financiers, des sponsors, à la formation des acteurs du cinéma parce qu’il n’y a pas des écoles spécialisées dans la matière et donc le réalisateur est obligé de prendre plus de temps pour produire parce qu’il doit initier les acteurs, les amener à mieux cerner les concepts, donc c’est pas du tout aisé. Nous tenons toutefois à préciser que malgré ça, nous sommes sur un terrain vierge, un terrain porteur et nous sommes conscients que ça prendra un peu de temps pour avancer.
Afreepress.info : A cœur ouvert, combien avez-vous en poche pour démarrer cette maison de production ?
David Ourna Gnanta : D’abord, il serait difficile de vous le dire. On est parti d’abord avec de la volonté, avec un engagement à travailler au développement culturel dans notre pays et parce qu’on est engagé, on est arrivé à chercher les moyens de gauche à droite pour mettre en place cette structure. Au bas mot, nous avons commencé avec un minimum de 500 milles francs CFA et petit à petit on est arrivé à s’équiper avec les relations. Nous sommes arrivés à recevoir l’adhésion de certaines personnes qui aujourd’hui nous ont accompagnés. Nous sommes bien installés maintenant et nous sommes prêts à produire de bons films. Nous attendons tout simplement qu’au niveau local, il y a un accompagnement, pour que nous puissions allez vers les fonds extérieurs.
Afreepress.info : 500 mille c’est beaucoup, mais où avez-vous trouvé tout cet argent ?
David Ourna Gnanta : Il faut dire que c’est par des économies. Des économies de Mr. Samuel Akpénè, d’une part et pour ma part, j’y ai également contribué à travers les revenus générés dans la gestion de mon établissement commercial et mes nombreuses activités dans les ONG.
Afreepress.info : Peut-on dire donc que vous tournez à perte ?
David Ourna Gnanta : Dire que nous tournons à perte, c’est une exagération, nous fonctionnons selon un plan donné. Nous voulons produire et présenter, et pour le moment nous ne pouvons pas dire que nous tournons à perte parce que quand on commence une affaire, surtout dans un secteur aussi vierge qu’est le cinéma, il faut avoir des projections à court, à moyen et à long terme , donc nous ne pouvons pas dire aujourd’hui que nous tournons à perte. Nous arrivons quand même à couvrir nos charges avec de petites activités de reportages vidéo, reportages photos, archivages de photos, livres d’entreprises. Nous avons de petites activités qui nous permettent de maintenir la structure.
Afreepress.info : En termes de perspectives, quelle est votre vision pour cette maison de production ?
David Ourna Gnanta : Nous voulons devenir une référence en Afrique francophone surtout, et ne pas faire de la production cinématographique « calebasse » comme certains, c’est-à-dire produire un film financé par des partenaires européens à diffuser sur TV5 et ça s’arrête là. Nous voulons faire du cinéma industriel, développer un véritable circuit de distribution des films togolais et voir les Togolais s’intéresser uniquement aux productions locales et voir le Togo rayonner à l’extérieur à travers ces productions cinématographiques.
Afreepress.info : On vous connaissait en tant qu’homme politique mais aujourd’hui en tant que patron de plusieurs entreprises, qu’est-ce qui vous pousse vers la création des entreprises ?
David Ourna Gnanta : J’entreprenais avant d’être un homme politique. On fait la politique pour contribuer à la construction de la nation, mais on ne vit pas de la politique. Avant donc de faire la politique, nous avions des activités et ces activités contribuent à améliorer d’une manière ou d’une autre à la condition de vie de la population. Dès le départ, j’ai toujours eu envie de travailler pour moi-même, de développer des projets qui pourront faire travailler d’autres personnes. J’ai vu ensuite qu’on ne peut pas travailler seul, et si on peut se mettre ensemble autour d’une entreprise, ça peut permettre de prospérer. C’est ce que nous avons fait ici, pour apporter quelque chose dans le monde du cinéma. Outre cette maison de production, nous faisons la promotion de l’engrais biologique qui n’est pas encore connu au Togo. Nous importons aussi des intrants agricoles, pour d’autres pays de la sous-région. Le secteur des intrants est verrouillé au Togo, et je lance un appel au chef de l’Etat pour ouvrir le marché pour que d’autres prestataires puissent émerger.
Afreepress.info : Votre plaidoyer à l’endroit de tous les acteurs pour l’émergence du cinéma à travers ce que vous faites ?
David Ourna Gnanta : Je félicite d’abord le gouvernement pour avoir mis en place un fond d’appui pour la culture, même si c’est insuffisant. Nous avons soumis des projets et nous attendons. C’est déjà un début d’avoir pensé à mettre sur pied un fonds, cela veut dire que le gouvernement a conscience que le développement culturel peut apporter une plus-value à l’économie nationale. Je lance d’avantage un appel pour que ce fonds soit revu à la hausse et qu’il y ait vraiment une réflexion sur comment promouvoir l’industrie cinématographique, et en plus grand l’industrie culturelle togolaise qui est un secteur pourvoyeur d’emploi. J’espère que le gouvernement saisira l’occasion de travailler à fond sur ces secteurs vierges. Aux jeunes, je veux leur dire qu’il y a d’autres secteurs entièrement vierges, et qu’en prenant des initiatives, ils peuvent prospérer et avoir des appuis au plan local et international. Ils n’ont qu’à entreprendre, c’est la meilleure voie pour s’auto-suffire. J’invite donc la jeunesse togolaise à demeurer dans l’espérance, à ne pas céder au désespoir. Il y a toujours de l’espoir, notre pays a de l’avenir, il faut savoir s’orienter et je crois qu’avec le temps, chacun pourra se réaliser.
Afreepress.info : Pensez-vous qu’on peut commencer son entreprise à partir de zéro franc ?
David Ourna Gnanta : Oui, je crois qu’on peut le faire. Je n’ai pas commencé avec un
héritage mais je vis quand même. Pour y arriver, il faut commencer avec des idées et la volonté.