Le forum est organisé à l'avant-veille de l'ouverture à Paris du Sommet de l'Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique, qui réunira près de 40 dirigeants du continent. Le forum est organisé à l'avant-veille de l'ouverture à Paris du Sommet de l'Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique, qui réunira près de 40 dirigeants du continent.
Les 6 et 7 décembre, 42 représentants de pays africains dont de nombreux chefs d'Etat et de gouvernement participeront à Paris au sommet consacré à la paix et à la sécurité en Afrique. Mais, comment promouvoir la paix lorsque la simple idée d'alternance politique fait défaut dans la majorité des pays du continent ?
Il y a une vingtaine d'années, lors du discours de La Baule, prononcé par François Mitterrand, la France avait fait du respect de la démocratie un critère essentiel pour l'octroi de l'aide au développement en Afrique. Afin de bénéficier de cette aide, la plupart des pays africains avaient alors limité à deux le nombre de mandats présidentiels autorisés par leurs constitutions.
Depuis, de nombreux chefs d'Etat sont revenus sur leurs engagements, notamment au Cameroun, à Djibouti, au Gabon, au Tchad, au Togo, en Ouganda, et se sont fait réélire dans le cadre de processus électoraux peu démocratiques. D'autres, notamment au Burundi, au Burkina-Faso ou au Rwanda envisagent de les imiter en prétextant une soi-disant volonté parlementaire ou populaire.
MANQUEMENTS À LA DÉMOCRATIE
Dans la majorité des pays du continent, les élections s'apparentent davantage à un outil de préservation du pouvoir qu'à une réelle possibilité d'alternance politique. Depuis le discours de La Baule, dans vingt pays du continent, tous ceux qui ont organisé des élections les ont gagnées. En Erythrée, le régime en place ne prend même pas la peine d'en organiser.
La France s'est accommodée de ces manquements à la démocratie et a continué à soutenir des chefs d'Etat qui s'accrochaient au pouvoir pour certains depuis plusieurs décennies : 1979 pour José Eduardo dos Santos (Angola), 1982 pour Paul Biya (Cameroun), 1990 pour Idriss Déby (Tchad). Il existe même des pseudo-monarchies où des fils ont succédé à leurs pères décédés : Ali Bongo (Gabon), Faure Gnassingbé (Togo), Joseph Kabila (République démocratique du Congo)…
Les grands perdants sont les principaux partis d'opposition. Impuissants à changer le cours des choses par les urnes, ils perdent peu à peu leur légitimité auprès de leurs électeurs lassés par tant d'élections frauduleuses. La conviction que seuls la révolution ou un changement de pouvoir par la force sont susceptibles de déboucher sur une alternance politique se renforce au sein des populations, particulièrement au sein de celles qui sont marginalisées et délaissées par les pouvoirs publics.
Ce désenchantement profite aux mouvements de rébellions ou favorisent les coups d'Etat. Les conflits internes qu'ont connus ces dernières années le Tchad, la République centrafricaine (RCA) ou le Soudan ont été en grande partie provoqués par l'absence de démocratie.
ARRÊTER LA MONOPOLISATION DU POUVOIR
Cela favorise également des mouvements extrémistes, notamment djihadistes comme dans le Sahel et le nord du Nigeria. Ils fondent leur propagande en mélangeant les ressentiments nés de la pauvreté, de la corruption et de la prédation des ressources avec le fantasme selon lequel l'Occident est toujours complice de pouvoirs népotiques et de chefs d'Etats qui s'accrochent à leur poste malgré leur âge.
La peur de l'expansion du terrorisme et des mouvements djihadistes sur le continent africain change aujourd'hui la donne. La France doit prendre conscience de l'échec de sa politique de développement et de démocratisation prônée dans les années 1990, qui privilégiaient la stabilité politique pour préserver ses intérêts.
Le chef de l'Etat français va prononcer un nouveau discours. François Hollande doit dire à ses homologues africains qu'il est important que tous s'engagent dans une véritable refondation de la démocratie basée sur l'arrêt définitif de la pérennisation et de la monopolisation du pouvoir, sur une lutte globale et continue contre la gabegie, le clientélisme, la corruption et la mal-gouvernance.
Le président de la République devrait prévenir que si tel n'était pas le cas, le risque est grand de voir les processus électoraux être davantage boycottés et de nouveaux mouvements radicaux émerger sur le continent. Un tel sommet doit être également le point de départ d'une réflexion plus globale sur la politique de développement et de démocratisation de la France en Afrique. Il est temps de faire le bilan des engagements pris à La Baule en 1990 et d'associer les ONG africaines et françaises à cette réflexion et non les seuls parlementaires. Le maintien de la paix et de la sécurité en Afrique est à ce prix.
Clément Boursin (Responsable des programmes Afrique à l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture)