A chaque époque ses mœurs, les dictatures ont vécu, les Royaumes dans un état comateux, la démocratie est présentement le système politique le mieux accepté si la planète compte s’approprier la bonne gouvernance. Mais il n’en demeure pas moins des pays qui restent atypiques. Il se distingue deux Afrique : celle où la démocratie s’enracine progressivement et celle tenue par des régimes démocratiques qui fonctionnent avec les outils de la dictature. Cette Afrique-là est menée par les présidents qui se disent « indispensables ». Le Togo en première place s’illustre au point de devenir le mauvais élève du continent.
Chaque jour qui passe, ce pays se révèle une démocratie qui plonge pendant que les autres sortent la tête de l’eau. De l’atmosphère sociopolitique à l’économie, le vice se banalise et il devient de plus en plus anormal d’être normal. De ces pays sont caractéristiques des discours qui contrastent avec les pratiques. Ce sont eux qui disent être favorables au contrat universel qu’est la démocratie, mais à leur rythme. En réalité, derrière cette ambiguïté, se cache mal une mauvaise volonté qui finit par faire naître des territoires atypiques qui s’isolent et font le lit à l’incertitude.
« Démocrature »
C’est ainsi que sur un registre purement politique, notre pays signe des engagements qu’il ne respecte jamais ou au mieux des cas, il les respecte à demi mot. Le prince national a, entre autre, refusé de faire les réformes constitutionnelles et institutionnelles. Il est en train de rejeter au calandre grecque, les élections locales et les soucis de la décentralisation. Il continue par avoir une lecture villageoise de la gestion des hommes. Les élections sont encore des tournants à haut risque puisque la fin du braquage politique n’est pas pour demain. Les opposants, s’ils existent encore, continuent par tomber l’un après l’autre devant le charme de l’espèce trébuchante.
Le Togo fait bon ménage avec ces pays de plus en plus incertains. Petite bande, pourtant de grande valeur, la terre de nos aïeux s’apparente à un champ qu’un paysan paresseux a refusé de désherber. Tous les voisins ont sarclé leur territoire. Le Bénin, le Burkina, le Ghana, le Niger, même les pays-continents comme le Nigeria, sont sortis de l’incertitude politique. En acceptant la démocratie avec ses principes, ils se guérissent progressivement des tares sociales.
En optant pour l’alternance, les institutions fortes, efficientes et efficaces aux hommes forts et institutions qui pérennisent les pouvoirs, les voisins méritent de plus en plus la confiance des bailleurs. Ils limitent la fraude publique et la dépravation politico-économique. Leurs institutions républicaines sont dépersonnalisées et reflètent une vraie représentation nationale. Leur justice, si elle n’est pas exempte de critiques, fonctionne quand même avec un minimum d’indépendance. Pendent ce temps, au Togo, même au sommet de la République, on distingue à peine les chiffres et les lettres. Le champ n’étant pas désherbé, les mauvaises herbes ayant longtemps cohabité avec les cultures, le paysan commence par avoir du mal à distinguer les chiendents des jeunes pousses de et piétine tout.
De la tête aux pieds, le pays est victime d’une mauvaise volonté politique entretenue à dessein pour faire perdurer une gouvernance. Qui décide de faire compagnie avec l’anormalité doit se préparer à recevoir le choc moral. On dirait alors que les plus grandes victimes ce sont ceux qui croient refuser l’alternance pour garder leurs privilèges en mettant le voisin d’en face au respect. Depuis le sommet, c’est tout un pays qui s’embrouille dans un environnement où l’on ne sait qui fait quoi, où la corruption est en territoire conquis. Dans l’opinion, la Nation est morte, il reste un pays à peine débout. Un pays criblé de dettes que les premiers responsables ne sont pas assez compétents pour évaluer. Le Fond Monétaire International, dans l’un de ses rapports en 2015 stipulait si bien que : « Les trois départements de la république togolaise qui évaluent la dette publique ne travaillent pas assez en synergie pour permettre de connaître la valeur réelle de la dette». Hummm, même au temps du chromagnon, quand une récolte est en deçà des attentes, le paysan savait évaluer les dégâts afin de préparer le prochain labour.
Au Togo, l’autorité publique passe toujours à côté de la plaque. Le pire est qu’elle n’a même pas encore posé les hypothèses pour limiter ce qui s’apparente à un échec national. Qu’est-ce qui se passe au juste pour que tout ce qui est gestion échoue surtout quand elle touche les finances publiques ? Ceux qui gèrent les biens publics sentent-ils venir une fin au point qu’ils ont commencé par préparer un trésor de guerre ? Sont-ils incompétents ou eux-aussi, comme le bas peuple, sont fatigués d’un régime qui a trop duré au point où ils comptent précipiter une fin par les sabotages économiques ? Énigme.
La seule certitude est que, l’Etat échoue partout où passe l’argent. Ce ne sont pas les exemples qui manquent.
Mauvaise gouvernance économique
Entre gestion publique et privatisation, en passant par le fameux projet Contour global, la CEET, est désormais un panier à crabe rempli de dettes que va forcement payer un consommateur résigné.
Le port autonome de Lomé, lui, ne vaut plus que par des vagues violentes qui importent vers le continent tous les trafics et polluent la terre ferme. Jadis poumons de l’économie nationale, le port est essoufflé par le tâtonnement dans la gestion et l’absence de vision.
Même à la SNPT, où l’Etat, depuis le départ du colon, creuse gratuitement l’argile pour vendre sur le marché international, la République s’est endettée. Et la banque de France, un grand partenaire, concluait dans un rapport que le Togo n’a pas su profiter des moments de haute saison pour préparer le remplacement de l’outil de production qui a finit par se planter.
Togotélécom, lui, n’a que faire de sa position de monopole dans les télécom. Entre gestion humaine régionaliste, installation d’une fibre optique teintée de chinoiserie, achat à crédit des outils d’innovation, choix désorientés et détournement en live, l’une des « 500 meilleures entreprises au monde » va bientôt rentrer en fusion avec Togocel pour cacher sa face hideuse.
Mêmes certains hôpitaux publics, en coma, sont rentrés dans un processus de privatisation parce que toutes les formules de la gestion publique n’ont accouché que des centres de santé défigurés où le personnel soignant ne travaille plus avec le matériel médical qu’il faut, mais le matériel disponible.
Plus loin, dans l’histoire récente, la raffinerie du pétrole, à peine née à coup de milliards de FCFA, avait fermé. Les usines textiles de Datcha et de Kara sont présentement un tas de ferraille toxique qui vient d’être évaluée pour être revendu aux exportateurs de fer usé.
Que reste-t-il de Togo-fruit, de SATAL, de BATA, de la SGG, la SONACOM, les grands hôtels publics, pour se contenter de quelques exemples? Même les structures privées, qui étaient parties pour réussir, sont contaminées de ‘’Togolités’’ et obligées de tomber sur la nuque.
N’empêche, la plupart de ces unités qui ferment au Togo continuent par prospérer dans les pays voisins. Même les pays qui ont traversé la guerre n’ont pas atteint un tel niveau de faillite économique. Malédiction ! Existent-ils des pays qui naissent pour sombrer ? Pourquoi est-ce que, à chaque fois qu’une race de Togolais, toujours la même, est invitée à gérer la chose publique, elle y laisse des structures en ruine? Le Togolais prend le coup et sa condition sociale avec. La mendicité devient le vice le mieux toléré, à chaque coin de rue, l’on croisse des bras valides qui quémandent le pain du jour.
Depuis que la démocratie se normalise chez les voisins, le Togo devient de plus en plus le cancre de la classe. Si la décadence économique a accouché d’une paupérisation continue, la décadence politique a aussi ses conséquences. Ailleurs, la reddition des comptes est une réalité. Les populations et les partenaires en développement poussent les dirigeants à rentrer dans les rangs, mais les dirigeants togolais s’en écartent de pire en pire. Tous ces clichés font du pays, une île d’incertitudes politico-sociales.
Corruption, Fraudes
Pour s’approprier cette allégorie d’un analyste politique, le Togo est devenu un champ non désherbé. Puisque les autres paysans ont nettoyé le leur, le togolais ne s’étant pas soumis à cette obligation, le territoire est devenu le repère des cafards, des fauves, des scorpions et serpents qui n’ont plus de logis dans les champs sarclés des voisins. Dans ces genres de situations, il n’est pas rare que le paysan indélicat, lui-même, soit réveillé une nuit par des serpents allongés à une traverse de sa charpente. C’est l’exemple vivant de cet escroc, Jean Yao-Yao, dont nous vous avions parlé il y a peu. Le pays est devenu une République poreuse aussi bien dans ses frontières que dans le fonctionnement de ses institutions.
Actuellement en détention à la prison civile de Lomé, ce mec présenté comme un homme d’affaire à son arrivée, est rentré au Togo par les grandes portes de la présidence de la République. Comme un paysan surpris par un serpent sur les traverses de sa hutte au milieu d’un champ infesté de racailles, le Président togolais, Faure Gnassingbé, a découvert l’escroc ivoirien entrelacé entre les couloirs de sa présidence et de surcroît aux petits soins de certains conseillers. Le monsieur y avait trouvé le soutien d’une dame et une race de conseillers importés de l’Afrique noire. En synergie, ils l’ont aidé et l’ont même signé des documents qui lui permettront d’avoir des prêts bancaires. Tout avait bien commencé et chaque rouage de la machine attendait le retour de l’ascenseur. Mais comme il est de coutume pour les bandes organisées, une partie du réseau se sent floué et vent la mèche. Le monsieur Jean Yao Yao est présentement écroué, le reste de ses complices, une race d’escrocs en cols blancs, continue sa mission à la présidence de la République. Voici à quoi ça ressemble quand une autorité rechigne à préparer un environnement normal pour sa population, à dépoussiérer la vie politique, à moraliser la gestion du pays.
Quand un enfant décide d’empêcher sa maman de dormir, lui aussi ne dormira pas, disent les femmes de nos milieux. La corruption, elle, est en très bonne forme. Le pire est qu’elle accouche de l’insécurité. Avant le choix des bras valides pour rejoindre les camps de formation militaire était très sélectif et exigeant. Ne devient pas militaire ou policier qui veut. Mais de nos jours, le recrutement est corrompu. Chaque personnalité envoie sa liste avec toutes les conséquences que ça implique. Quand par exemple dans une famille on traîne sous les mains un délinquant qui commet toujours des gaffes, on voit un officier proche ou un ministre qui l’inscrit sur sa liste pour le prochain recrutement. Le gars apprend à manipuler les armes et devient tout de suite soit un braqueur ou autre criminel qui finit par se retrouver en cellule et extirpé de l’armée.
Grand banditisme, Insécurité galopante
Un présumé voleur de moto a été brûlé vif dans un quartier de Lomé. Ci-dessus son corps carbonisé gisant au sol. Devant la «démission» des autorités pour combattre le l’insécurité au Togo, la vindicte populaire prend de l’ampleur dans l’indifférence totale des Togolais et leurs gouvernants
Un présumé voleur de moto a été brûlé vif dans un quartier de Lomé. Ci-dessus son corps carbonisé gisant au sol. Devant la «démission» des autorités pour combattre le l’insécurité au Togo, la vindicte populaire prend de l’ampleur dans l’indifférence totale des Togolais et leurs gouvernants
L’insécurité, elle a atteint son apogée. Désormais, les enlèvements suivis de demande de rançons ne sont plus des réalités que le Togolais suit de loin dans les films documentaires ou au journal télévisé, mais une réalité qui cohabite avec le peuple. Nous publions, il y a peu, que dans les deux derniers mois de l’année écoulée, un Hollandais, un Camerounais et un Togolais ont été enlevé sur fond de demande de rançon. Et la solution n’est pas pour demain quand des agents de la force publique se discutent les places dans les prisons avec les civils après avoir revendiqué des faits d’arme dans le grand banditisme.
La dernière fois, le ministre de la sécurité, Yark Damehane, a dû monter au créneau pour communiquer sur le cas de corruption active de 12 corps habillés en poste à l’aviation et présentement détenus. La encore, la situation est communicable. Il existe des cas sur lesquels le ministre ne pourra jamais faire une sortie publique au risque de voir l’image de la force publique traînée dans la boue. Il n’est pas rare de voir au Togo un commissaire de police à la tête de gangs organisés qui volent. Quand le gang ramène le butin de guerre, le très « vertueux » commissaire y choisit ce qu’il y a de précieux et laisse la pacotille à ses hommes de terrain contre sa protection au cas où …
Tout récemment, un autre commissaire de police a déserté les forces au poste frontière de Hilancondji, pour cause. Il est le chef de file d’une importation en grande quantité du carburant frelaté pour lequel l’autorité publique envoie les vendeurs en prison. Monsieur le commissaire s’arrangeait en effet à traverser tous les jours la frontière togolaise vers le Bénin à bord de sa voiture personnelle. Mais à chaque retour, sa voiture est tractée par un gros camion. Pendant ce temps lui-même au volant de sa voiture dite en panne, fait ouvrir les barrières. La scène s’est tellement répétée que, un jour, le grand camion tracteur a dû être soumis à la fouille malgré l’opposition de l’officier en perpétuelle panne. Avant que la fouille ne révèle un camion-tracteur rempli de « boudè », le commissaire a pris le large; sans doute il a quitté le pays. Ceci n’est que quelques petits exemples des mille et un scandales policiers que la hiérarchie gère dans le silence.
Si nous voudrions vous parler de ce qui se passe avec une race de gendarmes, hummm. En tout cas; nous aussi tout comme la hiérarchie militaire ne pensez pas que nous pourrons tout vous dire nous ne sommes pas encore dans un pays normal; la vie est agréable. A défaut de jouer pleinement son rôle, une catégorie de forces de l’ordre et de sécurité se porte en premier partenaire de la corruption et du grand banditisme.
Le pays fait peur, d’en bas, les petits soldats indélicats, formés à la manipulation des armes, ont décidé de polluier l’image d’une armée qui fait la fierté du pays autrefois dans les missions extérieures. Ils entretiennent la terreur en bandes organisées aux côtés des traditionnels bandits civils. D’en haut, de grands réseaux s’organisent pour que chacun puisse avoir sous la main le plus grand pactole possible en attendant qu’il ne soit trop tard. C’est le cas par exemple du braquage de l’aéroport en septembre 2014 qui ressemble beaucoup trop à une sortie d’organisations professionnelles de grosses mains.
Toute l’économie est plombée par un environnement hostile aux affaires. Déjà à 21 heures, c’est le silence radio dans les rues désertes de la capitale. A la même heure, dans les pays voisins, l’on est encore à l’heure de pointe. Le marasme économique au Togo se vit partout. S’il y a un business qui prospère au Togo, c’est celui de la corruption. Et il prolifère même dans la politique nationale des grands travaux.
Il y a un an, nous écrivions, après une visite de terrain, que les routes de contournement de la faille de Bafilo et de Défalé étaient mal construites. Elles flambaient encore neuves à l’époque. Nous étions alors pris pour de petits agitateurs qui décoraient tous les efforts en noir. Dans ce dossier, nos démarches pour rencontrer le bureau contrôle qui a suivi les travaux, afin d’en savoir plus, se sont révélés vaines. Origine malienne, ce bureau de contrôle est basé en côté d’Ivoire, mais c’est lui qui suit une bonne partie des travaux au Togo. Le choix de ce bureau de Contrôle d’Ingénierie Recherche Appliquée (CIRA), participe à coût sur à une volonté d’étouffer la triste réalité sur nos nouvelles routes. Les choix des bureaux d’étude sont donc faits à dessein pour empêcher les petits journalistes, qui ont encore du temps à perdre, d’avoir la tâche facile, s’ils veulent torcher sur des routes en construction.
La formule marche, sauf que l’Etat récolte les dégâts collatéraux. C’est ainsi que le gouvernement vient de constater, un an après nos écrits, que ces contournements sont effectivement mal construits. Ils ne sont mêmes plus réparables mais a reconstruire. Il est demandé à la Société Nouvelle Chinoise des Travaux de Ponts et Chaussées (SNCTPC) de reprendre le travail après que la nouvelle route empruntée juste pour un an ait fait des dizaines de morts et des dégâts matériels pharaoniques. De cette injonction faite à l’entreprise chinoise, le ministre Ninsao Gnofam des Transports en faisait un trophée de guerre. Pendant ce temps, le bureau de contrôle qui a reçu, comme l’entreprise chinoise, des milliards de FCFA pour suivre les travaux, coule en douce entre les capitales de la sous région en attendant qu’il soit encore sollicité pour une autre trouvaille dans les grands chantiers. Le désordre est en terre conquise au Togo.
Fraudes et Conflits fonciers
Le foncier, entre autre, a miné tout le pays. Sur dix dossiers en instance devant les juridictions, 6 à 7 concernent le foncier; les cellules sont remplies de prévenus pour des affaires de terrains. Double vente de terrains, bandes organisées qui vivent de la remise en cause de titres de propriété, pendant que le pays se guérit difficilement des clivages ethniques, s’il existe un mal qui peut exploser le tissus social, c’est bel et bien le foncier. A l’allure où évolue la situation, tout ceci n’est que le début d’une longue série noire. Ainsi va la république !
L’avenir, c’est quoi?
La minorité qui dirige et qui « s’accapare de la richesse des Togolais », n’a pas son intérêt dans un quelconque changement, plus le désordre est maître, plus elle trouve d’arguments pour s’imposer en alternative. Dans un tel contexte, la démocratie est confisquée, les générations avec, l’avenir incertain et toutes les valeurs sociales sont grabataires: détentions arbitraires, injustice, corruption arrosée de l’impunité, justice aux ordres, opacité dans la gestion… etc.
Une chose pour un peuple est de comprendre une situation inconfortable, l’autre chose est de s’organiser pour s’en défaire. Un pouvoir usé ne se rend plus à l’évidence d’un quelconque bilan catastrophique, la fuite en avant devient le maître mot. S’il existe encore, sur le continent noir, des environnements où de telles gouvernances ont encore de beaux jours, le Togo reste un bon exemple. Longtemps nourri à la source de l’injustice, de tels environnements sont des foyers de tensions futures et des fins violentes. Quelle attention la communauté internationale, si elle existe, accorde-t-elle à cette île d’incertitude dans une sous région qui se normalise ? Aucune, et c’est de bonne guerre car la communauté internationale n’aide que ceux qui sont aidables.