Les Africains veulent s’affirmer. Pas seulement sur le plan continental, mais surtout au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. 50 ans après la création de l’Organisation de l’unité africaine, l’OUA, le bilan reste mitigé et il est temps de mettre de l’ordre dans le bric-à-brac de la maison africaine. C’est ce que suggère le séminaire de haut niveau sur la paix et la sécurité en Afrique, qui se tient du 8 au 10 décembre à Alger. Cette rencontre, qui a vu la participation des ministres des Affaires étrangères des pays africains, devait plancher sur une thématique longtemps abandonnée et qui s’articule autour de ce que le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, qualifie de « renaissance africaine ». Le panafricanisme, comme toile de fond, plane sur la rencontre. Cette dernière cherche les instruments d’une unité efficace au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Plus de 60% des conflits que traite l’organisation onusienne sont localisés en Afrique. Et deux tiers des missions sont envoyées sur le continent noir où stationnent quelque 16 000 Casques bleus. L’Afrique n’est représentée au sein de l’ONU qu’avec 20% d’Etats et sans droit de véto. Ceci dans l’attente d’une réforme qui tarde à venir et qui sans doute risque de ne plus jamais voir le jour. D’où l’importance de la nouvelle architecture qui ambitionne d’aller vers une « unité qui résiste à toutes les pressions », comme le souligne la ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Mme Louise Mushikiwabo, qui, au passage, fera remarquer « la communion de pensée africaine » partagée avec. l’Algérie. L’unité recherchée par les Africains en vue de peser au sein du Conseil de sécurité passe, d’abord et avant toute autre chose, par l’harmonisation des outils de l’union au niveau du continent.
A ce sujet, le Conseil de paix et de sécurité de l’OUA, architecte de cette nouvelle politique depuis déjà quelques années, ne doit pas se limiter dans le traitement des conflits au seul aspect militaire. Le ministre algérien des Affaires étrangères parle du besoin d’aborder les autres dimensions des conflits, à savoir la gouvernance, les droits de l’Homme, ainsi que les problèmes socioéconomiques.
En d’autres termes, des réformes politiques et économiques importantes sont à engager pour aller vers la démocratisation des pays africains. La question des droits de l’Homme ne peut être exclue de l’équation et les derniers démêlés du président kényan avec le CICP en sont la preuve. Sans oublier l’importance de la mise sur pied d’une force africaine d’intervention. Des chantiers énormes attendent les Africains pour sortir du sous-développement et la dépendance aux pays occidentaux.
La rencontre d’Alger cherche à construire un consensus qui permettra à l’Afrique de parler d’une même voix dans le concert des nations, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il s’agit de « défendre nos intérêts ensemble au service des Africains et de l’Afrique », dira Louise Mushikiwabo, qui notera aussi « la difficulté » que rencontrent « les Etats africains face aux grandes puissances ». Cette unité dans la résistance à toute sorte de pression reste tributaire de l’abandon de certains pays africains de leur arrimage aux ex-colonisateurs. Aller d’une même voix au Conseil de sécurité de l’ONU en s’appropriant la résolution des conflits sur le continent africain requiert une coordination efficace sur deux fronts. Celui de la rédaction des résolutions par les Etats, et celui des opérations de maintien de la paix. Ce dernier ne peut se faire sans le soutien logistique de l’ONU. Les questions à aborder par le séminaire de haut niveau sur la paix et la sécurité en Afrique, qui se tient à Alger depuis hier, sont tellement urgentes et d’actualité qu’elles ne laissent pas indifférents l’ensemble des acteurs tant sur la plan régional qu’international. Si les ministres des Affaires étrangères africains présents à la rencontre d’Alger cherchent à développer les moyens d’une prise en charge africaine des conflits, de l’autre côté de la mer, dans l’Hexagone, la démarche, même habillée du sceau de l’ONU, ne vise qu’à pérenniser la mainmise de la France sur son pré-carré. Dans l’état actuel des choses, les Africains ne font que relever les premières strates d’un chantier qui reste immense. Sans le soutien de l’ONU, de ses Casques bleus et surtout des milliards d’aides, l’Afrique n’est pas encore en mesure d’endiguer les maux qui rongent le continent.
Le séminaire de haut niveau sur la paix et la sécurité en Afrique, entamé depuis hier à Alger, aura à se pencher sur des questions cruciales qui recommandent des examens lucides, sereins et surtout douloureux. Par ailleurs, le séminaire d’Alger a été aussi l’occasion pour les chefs de la diplomatie des pays africains de rendre hommage à Madiba, qui avait lutté sans relâche pour la paix et la réconciliation, avec l’espoir que l’œuvre de Mandela puisse animer les Africains.