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Togo: Comment le pouvoir en place prépare discrètement les législatives de 2018
Publié le jeudi 19 mai 2016  |  L'Alternative


© aLome.com par Parfait
Premières images de campagne 2015 à Lomé.
Lomé, le 10 avril 2015. Le parti UNIR entame sa campagne présidentielle 2015. Il fait partie des 1ers partis à se lancer dans une opération de charme dans la capitale togolaise.


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Il y a un trait qui décrit le vrai visage du régime cinquantenaire RPT/UNIR malgré les avatars dont le système s’affuble.

Le pouvoir en place veut continuer à régner sur le pays ad vitam aeternam. Ainsi, des plans, fussent-ils inappropriés, sont échafaudés pour parvenir au refus de l’alternance qui, malheureusement, isole le Togo et le rend singulier dans la sous-région ouest-africaine. Pour pérenniser son règne, le parti au pouvoir, dans l’optique des élections législatives de 2018, opte pour le morcellement de certaines entités territoriales. Le plan est déjà mis en branle avec la création de nouvelles préfectures sujettes à polémique.


«Balkanisation» des préfectures à visée électoraliste


« L’organisation administrative du territoire est au centre des préoccupations du gouvernement dont la volonté constante est de rapprocher l’administration des administrés pour une meilleure qualité du service public. (…) Dans cette logique, une nouvelle organisation de l’administration territoriale déconcentrée a eu lieu en 2007 à travers la loi du 08 janvier de la même année, suivie de la loi N° 2009-027 du 26 novembre 2009 portant érection et création de préfectures et d’une sous-préfecture », a évoqué le Premier ministre Selom Klassou comme motif du projet de loi portant création de nouvelles préfectures.

Pour le gouvernement, ces motifs « justifient parfaitement la nécessité pour le gouvernement de procéder, en cette phase de mise en oeuvre de la décentralisation, à la création de nouvelles subdivisions administratives, compte tenu de l’importance de leur assise territoriale, leur démographie et leurs potentialités économiques ». En conséquence, les sous-préfectures de Mô, Oti Sud, Naki-Est ainsi qu’Agoè-Nyivé sont devenues des préfectures.


En réalité, l’émiettement de certaines entités territoriales participe à un but. Celui de conforter le régime dans sa logique de bail à vie sur le Togo. Plusieurs raisons concordent à cela. Il y a une observation sidérante qui se dégage du partage de ces entités territoriales. Elles sont réputées favorables au RPT/UNIR. Et l’idée serait d’engranger beaucoup de députés lors des législatives de 2018 que le pouvoir prépare discrètement. Puisque chaque préfecture devrait fournir trois députés. UNIR dans une anticipation malsaine se voit déjà, avec des fraudes qui ne manqueront pas, attribuer des députés en plus en 2018. Le régime veut augmenter ses représentants à l’Assemblée nationale dans le but de combler son déficit de députés dans le grand Lomé. Le parti UNIR souffre toujours de ne pas avoir un grand nombre d’élus dans la capitale. Et c’est ce qui sous-tend la création de la préfecture d’Agoè.


Le cas de la préfecture d’Agoè-Nyivé illustre parfaitement la volonté du pouvoir de régenter le pays malgré le changement opéré par ses voisins que sont le Bénin, le Ghana et le Burkina Faso. Il n’est d’aucun secret que le quartier Agoè-Nyivé regorge d’un plus grand nombre de partisans du régime. Ils sont de potentiels électeurs du pouvoir lors des prochaines législatives. Adétikopé, une banlieue nord-ouest de Lomé qui présente les mêmes caractéristiques de population, serait aussi dans les plans du morcellement du territoire afin de préparer le terrain aux législatives de 2018. Les élections locales ne sont en réalité que des effets d’annonce, un écran de fumée, une diversion. Faure Gnassingbé n’organisera aucune élection locale avant 2020. La principale préoccupation du RPT/UNIR est d’avoir une longueur d’avance sur l’opposition lors du renouvellement des membres de l’Assemblée nationale.

Les signes tangibles de la préparation discrète des élections législatives

Il convient de faire observer qu’aucune ligne budgétaire n’est prévue cette année pour les élections locales. Les agitations du pouvoir sur la question de la décentralisation ne sont qu’une théâtralisation qui vise à flouer les partenaires économiques qui sont très regardants dans l’organisation des élections locales. En réalité, le régime RPT/UNIR songe plutôt à 2018 et fait tout pour retarder la décentralisation. Les rares sorties du gouvernement sur la question de la décentralisation sont des effets de brouillard. La manoeuvre consiste à jouer au chrono pour repousser les élections locales à l’année prochaine. En 2017, il prétextera des difficultés financières pour les reporter et donnera la priorité aux élections législatives. Toutes les sorties du gouvernement sur la décentralisation visent à entraîner l’opposition sur une fausse piste et la prendre au dépourvu au moment opportun.

Mais cette tactique du pouvoir en place est loin de produire son effet. L’opposition veille au grain et semble comprendre le manège du régime cinquantenaire obtus à l’alternance. En effet, l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) veut voir clair dans cet éclatement de certaines préfectures. Mieux, il trouve qu’il faut apporter des correctifs au « morcellement » de la capitale Lomé voulu par le régime RPT/UNIR. A cet effet, les députés ANC proposent des amendements aux articles 2 et 3. Les membres du parti de Jean-Pierre Fabre trouvent que les motifs qui ont sous-tendu la création de la préfecture d’Agoè-Nyivé sont valables d’une part pour Baguida, Avépozo, Adamavo, Kpogan, Devego, Agodeke, et pour les populations d’Amadahomé, Yokoè, Ségbé, Akato, Sagbado, Lankouvi, Gakli, Teshi, Adidogomé, Awatamé, Wonyomé, Gblinkomégan, Apedokoè, d’autre part. Fort de cette proposition, ils « sollicitent en application des articles 11 alinéa 3 et 38 de la Constitution, pour cause de justice et d’équité, la création de la préfecture du Golfe-Est avec chef-lieu Baguida regroupant les localités de Baguida, Avépozo, Adamavo, Kpogan, Devego et d’Agodelè ; de la préfecture du Golfe-Ouest avec chef-lieu Sagbado regroupant les localités d’Amadahomé, Yokoè, Segbé, Akato, Lankouvi, Gakli, Teshi, Adidogomé, Awatame, Wonyome, Gblinkomégan et d’Apedokoè ».

L’ANC souhaite également que les raisons qui militent pour la préfecture de Kpendjal soient les mêmes pour Zio-Nord. Cependant, le parti trouve inopportune l’érection en préfecture de l’Oti-Sud. « Avec la création de la nouvelle préfecture, le canton de Koumongou se retouve à plus de 100 km du chef-lieu de la préfecture de l’Oti-Sud. Ce qui est en contradiction avec la « nécessité de réduire les distances à parcourir par les populations ». Pour cela, les députés « souhaitent que le canton de Koumongou reste dans sa situation antérieure, c’est-à-dire dans la préfecture de l’Oti ».

Toutes ces propositions sont bottées en touche par le régime cinquantenaire. Ce qui confirme sa volonté manifeste de décider comme il veut, au grand dam de la classe politique tout entière. Car, depuis qu’il a lancé son ballon d’essai sur la décentralisation, le processus est conduit unilatéralement. Malgré les interpellations du CAP 2015 et de l’ANC, le parti UNIR fait la sourde oreille. Une attitude solitaire que déplore l’opposition qui annonce une marche dans les rues de Lomé le samedi prochain. On s’achemine ainsi après un temps d’accalmie vers des jours mouvementés.

Anani GALLEY

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