Rappeler que le foncier au Togo est une bombe à retardement n’est qu’un euphémisme. Face au jeu trouble des tenants du pouvoir, les incidents liés au litige foncier se multiplient un peu partout sur l’ensemble du territoire. La circulation sur la route internationale N°1 a été bloquée toute la journée de mercredi suite à des affrontements entre deux communautés, notamment les Lamba de Défalé et les Nawda (Losso) de Baga.
Le litige découle d’une portion de terre qui a pris de la valeur depuis la réalisation de la route de contournement. Les natifs de Baga accusent leurs frères Lamba de nourrir non seulement des velléités expansionnistes mais aussi de leur interdire l’accès à leurs terres situées de l’autre côté du contournement.
Depuis le début de la semaine, les natifs de Baga multiplient les manifestations de protestation et exigent la présence du ministre de l’Economie et des Finances, natif de Défalé, sur le terrain. Les affrontements entre les deux communautés ont causé un mort par arme blanche, selon des sources locales et plusieurs blessés. Les bérets rouges du camp Landja ont été dépêchés sur les lieux pour rétablir l’ordre et libérer la route afin de permettre aux centaines de véhicules bloqués de reprendre le chemin vers leur destination.
Ces affrontements suivis de morts et de blessés relancent le débat sur l’orientation que certains cadres aux affaires donnent à des projets dans leurs localités. Le fait que les natifs de Baga exigent la présence du ministre Adji Otèth Ayassor avant tout règlement du litige donne une idée de ceux qui sont impliqués dans ce litige foncier.
Ce jeudi en fin d’après-midi, les forces de l’ordre quadrillaient toujours la localité et un calme précaire semble être revenu, mais la tension persiste.
Le nom du ministre Adji Otèth Ayassor est fréquemment cité par les manifestants. Le problème est complexe et plus profond qu’on ne l’imagine. L’histoire du contournement qui, selon certains manifestants, permet aux Lamba de mettre la main sur une partie des terres des Nawda n’est que le prétexte qui a mis le feu aux poudres. Selon une source contactée par la Rédaction de L’Alternative depuis Niamtougou, les affrontements de ces derniers jours ne sont que la résultante d’une politique d’exclusion et de mépris pratiquée envers les Nawda par le ministre Ayassor qui manoeuvre depuis pour créer une sous-préfecture regroupant uniquement les cantons de son ethnie.
La préfecture de Doufelgou compte 14 cantons avec une population d’environ 45 mille habitants. Les Nawda occupent 5 cantons notamment Niamtougou, Koka, Baga, Ténéga et Siou pendant que les Lamba sont repartis dans 9 autres à savoir Léon, Alloum, Kadjalla, Tcharè, Défalé, Kpaha, Pouda et Massedena. Selon notre source relayée par une autre, tout a commencé à Lomé où le choix du président des ressortissants de Doufelgou dans la capitale a été une source de conflit. Les Nawda communément appelés Losso, bien qu’occupant 5 cantons sont plus nombreux dans la préfecture que les Lamba.
Ce malentendu a pris une autre tournure avec l’arrivée aux affaires du ministre Ayassor de l’ethnie Lamba. Selon toujours nos sources, il est accusé d’avoir mis en place une politique de mépris et d’exclusion des Nawda de tous les postes de responsabilité au profit uniquement des siens. On évoque les deux députés UNIR de la préfecture qui seraient tous de la même ethnie que le ministre. Le but ultime de ces manoeuvres serait, à en croire, nos sources la création d’une sous-préfecture de Doufelgou-Ouest regroupant les 9 cantons Lamba.
Pour y arriver, des cantons artificiels ont été mis en place, une étude commandée pour un schéma directeur du canton de Défalé alors que Niamtougou n’en dispose pas. Plus grave, les Losso de Baga dénoncent un accaparement de leurs terres. Pour certains, l’usage des armes à feu lors des affrontements par une des communautés prouve que les choses ont été planifiées, selon un témoin.
Les violences de ces derniers jours à Niamtougou relancent non seulement l’épineuse question du foncier, mais aussi de la création artificielle de préfectures à des fins de propagande politique. L’ensemble du territoire togolais constitue un brasier qui pourrait exploser à tout moment. Les gouvernants sont invités à trouver une solution durable à ce conflit au risque de voir les affrontements continuer. Une enquête doit être diligentée pour connaître le rôle des protagonistes et surtout de ceux qui depuis la capitale au nom de leurs intérêts et projets hégémoniques tirent les ficelles de la division.