Le Délégué national aux affaires intérieures du Parti des Togolais, Gnimdéwa Atakpama analyse le processus de décentralisation tel qu’enclenché par le gouvernement togolais. Dénonçant une posture unilatérale des autorités, le responsable du parti d’Alberto Olympio estime que le gouvernement devrait communiquer les conclusions des travaux du Comité technique à ces partenaires de l’opposition.
M. Atakpama aborde également la question des réformes constitutionnelles et institutionnelles et fustige les dernières déclarations du président togolais, Faure Gnassingbé. Il appelle le Chef de l’Etat à respecter la parole donnée et à respecter l’opinion du peuple togolais qui a décidé dans sa grande majorité de limiter le mandat depuis 1992.
Pour parvenir à arracher la mise en œuvre effective des réformes, Gnimdéwa Atakpama demande à l’opposition de s’organiser et avoir une position ferme et tenace pour contraindre le pouvoir à céder.
«L’opposition doit comprendre que l’issue de la crise politique togolaise ne se trouve pas dans les consensus et les dialogues », a-t-il dit dans cette interview exclusive ci-après accordée à Togo Breaking News.
Togo Breaking News: Le gouvernement togolais a enclenché le processus de décentralisation et vient de créer quatre nouvelles préfectures. Quelle appréciation faites-vous au Parti des togolais ?
Gnimdéwa Atakpama: Permettez-moi de vous faire remarquer que créer de nouvelles préfectures n’a rien à avoir avec la décentralisation. Comme d’habitude, le gouvernement actuel fait de la diversion. Il cherche des subterfuges pour détourner les Togolais des questions essentielles : Ces questions sont la mise en accord des lois et recommandations portant sur une véritable décentralisation qui va permettre un transfert des pouvoirs et des compétences à des élus locaux et non des personnes nommées par le pouvoir central.
La seconde question principale qui est contournée est celle des conditions d’organisation des élections. Quelles soient locales, législatives ou présidentielles la transparence, l’audit du fichier et la neutralité politique de la CENI sont des préalables qui ne pourront plus faire l’objet de consensus par des politiciens sérieux. Toutefois il faut noter que dans la création de la préfecture d’Agoe Nyivé le gouvernement affiche sa volonté de casser le statut particulier de Lomé en tant que capitale. Alors qu’une capitale doit être traitée administrativement avec beaucoup d’égard et de mise en valeur. C’est la vitrine du pays. Ce découpage de Lomé cache mal des objectifs électoralistes du régime. C’est contre-productif.
Togo Breaking News: La création des nouvelles préfectures devrait être suivie par la création des communes urbaines et rurales. Pensez-vous, tout comme les autres que le gouvernement agit de façon unilatérale ?
Gnimdéwa Atakpama: Le gouvernement avait bien commencé en mandatant une commission technique. Cette commission a fait un rapport. Malheureusement ce rapport est devenu une sorte de secret-défense que seul le gouvernement détient. Tout le monde, les Partis politiques, les organisations de la société civile, tout le monde, dis-je, doit connaître les recommandations de cette commission technique et pourvoir donner son avis.
Togo Breaking News: Quelle est la position du Parti des togolais par rapport au processus de décentralisation en cours?
Gnimdéwa Atakpama: La décentralisation est une préoccupation essentielle des populations togolaises. Et si on veut respecter les standards démocratiques, il faut discuter avec toutes les parties prenantes. Il faut discuter avec les principaux concernés. Le gouvernement doit mettre à disposition des Partis politiques et des organisations de la société civile le document produit par le comité technique. Ensuite, il doit engager des discussions avec l’opposition et la société civile pour harmoniser les points de vue dans l’intérêt supérieur de la Nation. Sans transparence, sans consensus sur des règles et des principes clairs, nous allons tout droit dans le mur. Nous devons nous démarquer de cette culture de « consensus » quand des accords existent déjà. Il y a déjà une loi sur la décentralisation et une requête de redécoupage électoral en fonction de critères démographique et géographique. C’est cette loi qu’il faut appliquer. Si des choses doivent changer, alors effectivement, il faut un comité technique et non politique. C’est autour d’une proposition du comité technique que la classe politique peut se retrouver pour discuter.
Sans les citer, je vous donne l’exemple de trois préfectures situées respectivement dans les régions de la savane, centrale et du Golfe. Ces préfectures comptent chacune six cantons. Mais la première a une population de 286 029 habitants, la deuxième 137 658 habitants et la dernière 1 570 285 habitants. Comment on va procéder dans ce cas d’espèce ? Ces préfectures doivent-elles être traitées de la même façon ? Je pose la question.
Togo Breaking News: Comment avez-vous accueilli les déclarations du Président togolais Faure Gnassingbé selon lesquelles il se pose encore des questions sur la limitation des mandats présidentiels à deux tours ?
Gnimdéwa Atakpama: A ce sujet, je voudrais faire quelques remarques.
Primo, Monsieur Gnassingbé a choisi un média étranger pour parler de questions d’intérêt national. Alors qu’il ne l’a jamais abordé devant ses concitoyens. Cela montre bien qu’il ne s’adresse pas aux Togolais mais aux Allemands. Il va même jusqu’à dire que les dernières élections n’ont pas été contestées par la communauté internationale. C’est la preuve qu’il reconnaît lui-même qu’il ne tire sa légitimité que de l’étranger. L’avis des Togolais ne l’intéresse pas. C’est du mépris pour le peuple.
Secundo, je remarque qu’il n’a pas parlé en tant que Président de la République mais en tant que président du parti Unir. Il n’a pas été au-dessus de la mêlée. C’est vraiment dommage !
Troisième remarque Monsieur Gnassingbé dit que ce n’est pas aux politiques de trancher la question sur la limitation des mandats. Il voudrait que les intellectuels s’expriment. Le problème c’est que le peuple s’est déjà exprimé. Le peuple a déjà tranché la question de puis 1992 en votant la constitution à plus de 98%. Même les intellectuels et les politiques du RPT avaient fait campagne pour la limitation des mandats à l’époque. Je rappelle que c’est en 2002, qu’un certain Monsieur Faure Gnassingbé, député à l’Assemblée monocolore a voté avec ses collègues RPT contre la volonté du peuple, en modifiant unilatéralement la Constitution. Pourquoi en ce moment-là, il n’a pas dit : « Stop les gars. Consultons d’abord les intellectuels. »
En 2005, Monsieur Gnassingbé a effectué en une nuit, trois coups d’Etats. De ministre, il est redevenu député, président de l’Assemblée et Président de la République. Pourquoi en ce moment, il n’a pas jugé nécessaire de consulter le peuple ?
Le seul Togolais qui ne veut pas des reformes, c’est Monsieur Faure Gnassingbé qui veut mourir au pouvoir comme son père. Et pour cela, il est prêt à toutes les compromissions. Quand il parle du respect des traditions et spécificités africaines, je voudrais qu’il commence par respecter la première tradition africaine qui est celle du respect de la parole donnée !... suite de l'article sur Autre presse