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Togo/Derrière les murs de prison, les femmes, une minorité privée de leurs droits
Publié le lundi 1 aout 2016  |  Togo top news


© aLome.com par Parfait
La 5ème édition de la semaine du détenu appartient à l`histoire.
Lomé, le 11 août 2015. Prison civile de la capitale du Togo. Clôture de la 5ème édition de la semaine du détenu dans la plus grande maison d`arrêt de la République togolaise.


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Taille des cellules restreintes, mauvaise alimentation, détentions préventives trop longues, manque des soins médicaux appropriés, les conditions de détention précaires dans les lieux privatifs de liberté au Togo n’épargnent pas les femmes dans ces institutions carcérales. Leurs conditions de vie et de détention y sont pour le moins exécrables. Et pourtant, leur situation retient peu d’attention. Diagnostics!


Dettes, trafic de stupéfiants, homicides, tels sont entre autres les délits souvent commis par ces femmes qui s’agglutinent à longueur de journée au « quartier de femme », provenant de divers pays. Malgré qu’elles soient une minorité, elles sont aussi exposées à la surpopulation carcérale. A la prison civile de Lomé, le « quartier de la femme » prévu pour quarante (40) personnes, compte parfois jusqu’à plus de cent (100) détenues, avec seulement quelques deux W.C douches.

« Nos conditions de vie et de détention ne sont pas du tout facile sur presque tous les plans. Nos cellules ne sont pas dignes. Ici, on a de petites cellules qui contiennent parfois jusqu’à trente (30) femmes. On se couche à même le sol. On n’a pas de cuisine adéquate. Quand il pleut parfois, notre petite cour est inondée. Nous n’avons pas suffisamment de W.C et douches. Quand on arrive ici, la punition qu’on nous donne nous dépasse. Nous sommes soumises à des corvées», confie sous l’anonymat, une femme détenue à la prison civile de Lomé dans une affaire de drogue.

A ces mauvaises conditions carcérales, s’ajoute la question peu reluisante des détenus où la plupart, jetés en prison pour ne plus commettre de nouveau les mêmes erreurs, deviennent à la surprise générale de véritables divorcés sociaux, une fois libérée.

« La prison ne nous apprend rien. Il n’y a pas des activités de loisirs, ni des ateliers. On a arrêté de jeunes filles pendant plusieurs années, quand elles vont sortir de la prison qu’est-ce qu’elles vont devenir, si elles n’ont rien appris ici ? La plupart récidive. A titre d’exemple, il y a une fille qui était libérée, elle est revenue environ trois (3) mois après, parce qu’elle a encore commis le même délit. Elle avait passé un an ici. Durant ces douze (12) mois, si on l’avait mis en apprentissage, si on l’avait obligé à faire quelque chose, à sa sortie, je crois qu’elle ne reviendra plus ici. Les femmes sont celles qui éduquent la société, éduquent les enfants mais elles n’apprennent rien de bon ici », a relevé une autre femme arrêtée pour cause d’entêtement.

Un enclavement insupportable

Nombre des femmes détenues sont abandonnées par leurs proches et familles. Elles n’ont pratiquement pas de visites. Ce qui les affecte moralement, psychologiquement et même physiquement. Selon le blog Femmes et prison, « la prison affecte différemment les femmes par rapport aux hommes » puisque les femmes souffrent beaucoup plus du « manque de contact avec leurs familles, de l'abandon de leur partenaire ». Les séquelles de la rupture avec la famille et l’isolement sont donc davantage constatées chez les femmes incarcérées que chez les hommes.

La délicate question des droits à l’alimentation et à la santé

Cités comme les droits les plus fondamentales, les droits à l’alimentation et à la santé des femmes détenues sont malheureusement violés au grand dam de ces dernières. Tout comme les hommes, les femmes détenues à la prison civile de Lomé vivent dans des conditions sanitaires déplorables. Bien plus, elles souffrent de la malnutrition.

«Des femmes sont dans des conditions vraiment terribles. Certes, nous recevons des vivres de la part de l’administration pénitentiaire mais ces vivres sont souvent composés d’un peu d’haricots, de Doèvi (ndlr poisson fumé), de sel, un peu de piment, d’huile de palme, de gari, puis c’est tout. Nous ne consommons pas de légumes. Vous comprenez que dans nos milieux, quand quelqu’un est en prison, il est souvent rejeté par la société. Il y a des femmes qui n’ont pas du tout de visites et donc elles se contentent de ces choses-là. Nous sommes sur place, nous ne faisons pas du sport et nous ne mangeons pas non plus de manière équilibrée. C’est regrettable. Je me rappelle, un jour une femme a pris trois (3) Doèvi, je ne dis pas trois tas de Doèvi mais trois Doèvi pour tout le mois. Vous imaginez ? », s’est interrogée une autre femme arrêtée, depuis plusieurs mois.

Evoquant les questions sanitaires, elle poursuit : « quand on tombe malade, on a les premiers soins. Mais ce n’est vraiment pas ça. On nous donne souvent du paracétamol quels que soit les maux dont nous souffrons », a-t-elle indiqué avant de continuer : « il y a des femmes ici qui sont déprimées et tombent parfois en syncope et on les amène au cabanon. Là, on te demande de payer le bon et si tu n’as pas d’argent, on te ramène dans ta cellule. »

Aussi, les femmes enceintes sont-elles souvent laissées à leur triste sort. Faute de soins certains enfants meurent à la naissance. C’est le cas d’une dame du nom de Agouze Kafui, qui a accouché et perdu ses deux jumeaux. « Quand la dame était à terme, on n’est pas vite venu pour l’évacuer à l’hôpital. Enceinte de jumeaux, elle a accouché le premier bébé à même le sol, avant qu’on ne l’emmène au cabanon. Malheureusement les deux enfants étaient morts », confie une détenue, témoin des faits.

Jeunes filles, femmes enceintes, condamnées, détenues toutes confondues

A la prison civile de Lomé, les femmes détenues sont toutes mélangées dans les cellules : jeunes filles, femmes enceintes et les mères (avec leur enfant). Cette mixtion est aussi observée entre les nouvelles arrivantes, celles déjà jugées et les détenues qui devraient être placées en isolement.

Une détenue raconte : «moi, j’ai fait trente (30) mois, il reste quelques mois pour que je boucle mes trente six (36) mois. J’étais jugée. Mais il y a beaucoup de gens qui ne sont pas jugés. Il y a aussi des gens qui viennent ici avec leur enfant et des femmes enceintes. On nous a tous mélangées. Or il y a certaines détenues qui sont très agitées, violentes, ce qui fait qu’il y a parfois des bagarres».

Les ONG de bienfaisance à la rescousse

Ces femmes sont souvent aidées par les ONG surtout les associations féminines et religieuses dont les dons se limitent souvent aux savons, sacs de riz, habits, rouleaux de papier-toilettes, brosses à dents, eau de javel, huiles, sucres, bols de gari et de maïs au grand bonheur de ces dernières.

Somme toute, les conditions de vie et de détention des femmes au Togo sont peu enviables. Or, la déclaration universelle des droits de l’Homme exige que les droits des êtres humains soient respectés quels qu’ils soient et quel que soit le lieu où ils se trouvent. C’est dire que tout être humain, qu’il soit en liberté ou en détention, doit jouir de ses droits. Toute personne privée de liberté doit être traitée en tout temps avec humanité, avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine.

«La privation du droit à la liberté d’aller et de venir n’inclut pas la privation des autres droits » a indiqué M. Asseham Kawana, un étudiant en droit. Pour le juriste, « il est plus qu’important que les droits de tous les détenus y compris les femmes soient respectés et que la prison forme les prisonniers à devenir de meilleurs hommes et non à développer un caractère récidiviste. ».

Pour des femmes détenues, M. Kawana plaide non seulement pour une amélioration de leurs conditions de détention mais aussi le recours à de peines alternatives pour les mères et des peines moins longues pour des jeunes femmes qui n’ont pas encore d’enfants car dit-il «dans la vie d’une femme, il faut un temps pour procréer. »

Par ailleurs, le jeune juriste interpelle les défenseurs des droits de l’homme à mieux assurer leur mission de défense des droits et valeurs des citoyens togolais, qu’ils soient prisonniers ou non.

M. Yves AMOUZOU, membre de la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme, de son côté demande à l’Etat d’agir afin que soient respectées les textes nationaux et les normes internationales en matière des droits de l’Homme auxquels le Togo a adhéré. « Il urge d’attirer l’attention des autorités togolaises, surtout celles en charge des pénitenciers de prendre leurs responsabilités pour éviter aux prisonniers ces traitements inhumains et dégradants », a-t-il insisté.

Au niveau des services pénitentiaires, on affirme que d’importantes mesures sont en train d’être prises pour améliorer de manière générale les conditions de détention au Togo. Au nom de la politique de modernisation de la justice enclenchée par le gouvernement que les efforts soient donc redoublés pour que ces mesures améliorent les conditions de détention et particulièrement celle des personnes vulnérables comme les femmes. Comme l’avait déclaré le ministre de la justice Puis Agbétomey, au Togo «l’amélioration des conditions de détention et la réinsertion socioprofessionnelle des détenus s’imposent désormais.»

Hélène Doubidji
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