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Ayassor: Pourquoi tant de haine?
Publié le dimanche 14 aout 2016  |  Focus Infos


© aLome.com
M. ADJI OTTET AYASSOR, Ministre des Finances.


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Jamais un départ du gouvernement n’aura fait couler autant d’encre. L’annonce le 1er août dernier du remplacement d’Adji Otèth AYASSOR au ministère de l’Economie et des Finances et son remplacement par Sani YAYA fait les choux gras de la presse et alimente les conversations dans tous les milieux, de la rue au politique, en passant par l’économique ou encore le très feutré diplomatique.

Elles saluent à une très large majorité ce remaniement. Dans ce concert de dénigrements, de torrents de critiques si ce n’est de boue pas toujours légitimes, difficile de relever trace de quelconques succès de l’homme de Défalé pour les neuf (9) années passées comme argentier du Togo. Et pourtant, il en a eu !



Hormis deux (2) à trois (3) journaux, la presse a presque à l’unisson salué le départ du gouvernement de monsieur AYASSOR. Elle a servi plusieurs raisons pour l’expliquer, allant des plus fumeuses aux plus possibles. Quelle que soit leur nature, elles avaient toutes un point commun : le rapport du ministre à l’argent, aux marchés publics, mais également à son caractère, décrit comme cassant et arrogant. Plusieurs médias ont allégué de la situation de ses biens, certains estimant même qu’il « serait plus riche que l’Etat togolais. » En toute hypothèse et plusieurs journalistes se disent en être convaincus, l’ancien secrétaire général du ministère de l’éducation nationale serait à la tête d’une fortune de plusieurs milliards de francs, fruit de détournements de financements venus de l’extérieur et de partenaires dans le cadre de la réalisation de différents projets ; mais également de rétro-commissions dont le ministre s’en serait fait la spécialité.



La rumeur devenue clameur raconte que le juriste roulerait dans des voitures blindées, disposerait de plusieurs biens immobiliers y compris dans les villes les plus prisées de la planète et pour faire bonne mesure, de comptes off shore dans des paradis fiscaux. Elle prétend que sa fille, déjà accusée il y a quelques années d’avoir dépensé une fortune lors de la célébration de son anniversaire auprès d’une des meilleures tables de la capitale (l’addition payée varie selon les journaux de 10 millions à 32 millions), ferait le shopping à travers le monde, à bord du jet privé d’un des plus gros attributaires de marchés publics d’infrastructures au Togo. A cela, s’ajouterait le mépris du ministre pour ses collègues qu’il considérerait comme de simples collaborateurs si ce n’est ses obligés ; ou encore ses relations tumultueuses avec certains partenaires techniques et financiers du pays. Toutes choses qui auraient fini par lasser le Chef de l’Etat et vaincre sa patience, « dépassé par la gloutonnerie » du numéro 2 de son gouvernement, pour reprendre les termes d’un confrère. Dans ces conditions, son départ serait devenu inéluctable. D’autant plus que, rapporte le plus sérieusement du monde un directeur de publication dans une émission de grande écoute, « le fétiche par lequel il tenait Faure GNASSINGBE était devenu moins efficace ; ce qui a ouvert les yeux au Président de la République et lui a rendu toute sa lucidité. »



Sauf qu’aucune de ces allégations, aussi intéressantes et crédibles qu’elles fussent, n’est étayée par un quelconque élément probant, ou un début de preuves : pas de titres de propriétés, pas de relevés de comptes, pas de traces de virement, aucun document ou fac-smilé etc. produit pour soutenir l’une de toutes ces accusations ou présomptions portées contre lui. Ni de témoignages ou toute autre chose établissant les pratiques occultes qui auraient « marabouté » Faure GNASSINGBE pour expliquer la longévité de monsieur AYASSOR au gouvernement.



Bien évidemment, pendant presque une décennie à la tête d’un des plus importants ministères régaliens du pays, il serait grandement risqué de prendre le pari que le professeur de droit n’ait, jamais, à aucun moment, effectué de sorties de route, de quelque manière que ce soit. Il serait tout autant hasardeux de prétendre qu’aucune des allégations portée contre lui n’est fondée. Il s’agit simplement de relever l’absence abyssale d’éléments pouvant davantage les crédibiliser. Parce que d’ailleurs, s’il est sorti du gouvernement c’est bien qu’à un moment donné, il lui fut reproché quelque chose, même si son départ était dans l’air du temps depuis l’élection présidentielle ; beaucoup y compris parmi les amis du Togo, demandant sa tête.

A preuve, malgré sa promotion de ministre d’Etat au lendemain de la présidentielle de 2015, la charge du Budget lui a été retirée et confiée à un ministre délégué Sani YAYA aujourd’hui son successeur, tandis que la Planification et le Développement étaient assurés par Kossi ASSIMAIDOU, également ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances.


Ces signes étaient annonciateurs selon certains observateurs de son départ programmé et imminent du gouvernement. « Sa succession se prépare ainsi » avait commenté un diplomate à l’annonce de la liste du gouvernement en 2015.

Selon de bonnes sources, le remaniement technique du gouvernement serait motivé par les choix douteux, les imprudences et sans doute plus de monsieur AYASSOR dans le dossier ANTASER, du nom de cette société de droit togolais dont la maison mère est située à Anvers en Belgique. Elle a depuis le 1er août 2015 la gestion du Bordereau électronique de suivi des cargaisons (BESC) ou Electronic Cargo Tracking Note/Advance Shipment Information (ECTN/ASHI), un document d’information d’embarquement avancée, exigé pour toute marchandise en provenance ou à destination du Togo. Instrument dont l’une des finalités est de maîtriser de manière absolue le flux des marchandises arrivant ou sortant, le BESC devrait aussi faciliter les analyses croisées entre les bases de données de l’OTR (Office togolais des recettes) et celles de la Société d’exploitation du Guichet unique du commerce extérieur (Seguce).

Sauf que très rapidement les conditions d’attribution de ce marché ANTASER ont été remises en cause, mais surtout les activités de celles-ci se sont révélées préjudiciables à la performance du Port Autonome de Lomé dans un secteur très concurrentiel. Conséquence : une partie importante d’usagers et de clients du PAL ont plié bagages pour se retrouver dans les ports voisins, entraînant un fort manque à gagner pour les finances togolaises. A cela, s’ajoutait l’incapacité de la société à payer à l’Etat les redevances telles que prévues dans la convention de concession. (Lire par ailleurs l’encadré sur ANTASER).


UN REFORMATEUR :

Malgré tout, il est difficile de passer presque une décennie à la tête du ministère de l’Economie et des Finances d’un pays en sortie de crise et engagé dans une relance économique, sans avoir un minimum de qualités, de compétences et surtout la confiance du Chef de l’Etat. En effet, lorsqu’il prenait la tête de ce département il y a 10 ans, le Togo sortait à peine d’une élection traumatisante et était toujours considéré comme un paria par la communauté internationale. Les investissements, les financements extérieurs n’étaient pas légion, les partenaires techniques et financiers ne se bousculaient pas non plus aux portes de notre pays.

Le pari fut donc au redressement à travers une série de réformes. Beaucoup furent engagées, parce que relevant de son domaine de compétences, sous la houlette de celui qui a été fait Chevalier de la Légion d’Honneur française. Ce fut le cas dans des secteurs stratégiques mais en souffrance tels que le secteur du coton avec la Société Togolaise du Coton ( SOTOCO) devenue la Nouvelle Société Cotonnière du Togo (NSCT), l’Office Togolais des Phosphates ( OTP) devenu la Société Nouvelle des Phosphates du Togo (SNPT) etc ; sans oublier les réformes du secteur financier, avec la privatisation ou le rapprochement de certaines institutions bancaires.



A son crédit également, l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés), ouvrant ainsi la voie à l’annulation d’une grande partie de la dette du pays, avec aujourd’hui une croissance en progression. Tout comme les efforts engagés par tout le gouvernement dans le cadre de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l’Emploi (SCAPE) qui assurent une certaine stabilité du cadre macro-économique, avec une croissance économique prévisionnelle de 6% pour 2016. Sur la période 2016-2018, le gouvernement envisage d’atteindre un taux de croissance d’au moins 6,2% en 2017, en maintenant cette stabilité et, surtout, en réduisant sensiblement la pauvreté par le biais de l’amélioration des conditions de vie de la population.

Il a été également l’artisan de la mise en œuvre d’une politique budgétaire axée sur l’amélioration dans la mobilisation des ressources et la maîtrise des dépenses publiques. De fait, depuis presque dix ans le visage de l’économie togolaise a considérablement changé. Le pays est redevenu fréquentable. Sa confortable position sur le marché obligataire démontre à suffisance la solidité et la qualité de sa signature. Sur le plan de l’endettement, il n’est pas inutile de rappeler que la norme préconisée par l’UEMOA est de 70% du PIB. Le Togo tourne autour de 57% . Ce ratio dégage ainsi une bonne marge et sur les huit pays de l’UEMOA à fin septembre 2015, le Togo était classé en 5ème position en ce qui concerne les obligations et les bons de trésor avec 479,4 milliards d’encours, derrière le Mali 514,5 milliards, le Bénin 606,9 milliards, le Sénégal 1061,7 milliards et la Côte d’Ivoire 2405,0 milliards.

La plus emblématique de ses réformes reste tout de même celle de la fusion des douanes et des impôts. Quoique présentée comme l’une des raisons de son départ, elle est cependant une inspiration du Chef de l’Etat et les couacs relevés sont consécutifs à la volonté du gouvernement de s’entourer de toutes les précautions pour réussir cette expérience, la première dans la zone UEMOA. Aujourd’hui, tous les partenaires sont unanimes autour du succès de cette réforme majeure qui se traduit par la meilleure pression fiscale de la sous-région.


Ce qui justifie l’accompagnement technique et financier dont bénéficie l’OTR. La fusion des deux régies est une réussite pour notre pays dont les recettes ont augmenté avec 515, 2 milliards de FCFA mobilisés en 2015, face aux 480, 3 prévus. Elle est donc saluée comme un exemple à suivre pour le monde francophone, puisque jusque-là seuls des pays anglophones l’avaient adopté. La très sérieuse et suivie émission Réussites diffusée sur Canal+ lui a ainsi consacré une rubrique dans une de ses éditions.

C’est cette politique réformatrice, faite d’assainissement des finances publiques et de rigueur dans la gestion qui expliquent en partie la progression du Togo dans le classement du rapport Doing Business faisant du pays l’un des meilleurs réformateurs de ces dernières années. Ou encore le gain de 19 places dans le rapport de Transparency International sur la corruption dans le monde qui est le résultat de l’option du Togo à se tourner résolument vers l’assainissement de ses finances publiques en éliminant petit à petit les poches de corruption.


Tout cela contribue à disposer de ressources pour investir dans les domaines sociaux de base qui font passer le Togo en tête des pays par rapport à l’indice de développement humain dans l’espace UEMOA. Des mesures sociales comme la gratuité de l’école primaire, le déplafonnement de la grille indiciaire ou son relèvement, l’amélioration des traitements des fonctionnaires ou la politique des grands travaux sont au prix de la rigueur et des réformes tous azimuts menées par le désormais ancien ministre.



LONGUE LISTE D’ENNEMIS :

L’emballement politico-médiatique qui a suivi le départ de monsieur AYASSOR du gouvernement prouve à suffisance qu’il a une longue liste d’ennemis. Rien d’étonnant en soi puisqu’il est difficile de tenir le cordon de la bourse d’un pays pendant presque 10 ans sans s’en créer, en piétinant des intérêts établis, en générant des frustrations ou encore en alimentant des aigreurs. L’homme à qui tout le monde reconnaît une certaine rigueur voire du rigorisme, qui peut se targuer d’avoir la confiance et surtout l’oreille du Président de la République ne pouvait bien évidemment pas plaire à tout le monde.


En commençant par ses collègues dont certains lui reprochaient « son arrogance, son caractère distant et sa propension à les mettre en difficultés en refusant parfois le décaissement de fonds à leur bénéfice ». A ceux-ci se sont alliés, des pontes du pouvoir ou des personnalités y gravitant, qui ont beaucoup perdu de leur influence et surtout beaucoup de ressources financières, dans les différentes réformes intervenues sous l’ère AYASSOR. Ils auraient juré sa perte et ont sablé le champagne à son départ, jusqu’au lever du jour.

Surnommé le « boxeur » par la presse parce que considéré comme peu généreux, l’ancien ministre était l’un des seuls dont on ne peut dire qu’il entretenait une écurie dans le milieu : difficile en effet d’identifier tel média ou journaliste proche de lui. Une erreur, presqu’une faute dans un contexte où l’opinion publique se forme et se déforme au gré des articles plus ou moins étayés ou des émissions-débats quotidiens sur les radios.

Où également la rumeur s’érige rapidement en vérité biblique parce que relayée sur les médias. De fait, décrit par le milieu médiatique comme avare et pingre, il ne s’en est jamais trouvé presque aucun pour commenter positivement ses actions qui l’étaient ; ni équilibrer le débat en usant de la mesure aujourd’hui qu’il a quitté le gouvernement. Il était tellement détesté par les professionnels de la communication au point où une organisation des patrons de presse a cru devoir organiser une conférence de presse pour réagir à son départ ; sans doute une première mondiale.

QUEL AVENIR ?

Pour l’heure, nul ne sait ce que veut faire l’ancien ministre. S’il assure en privé vouloir profiter d’une retraite méritée, il n’est pas sûr qu’il n’ait pas envie de rebondir prochainement au Togo comme à l’extérieur, ne serait-ce que pour faire le pied de nez à ses détracteurs. Un de ses proches rappelle opportunément que le scénario de son départ rappelle celui de son prédécesseur qui a quitté seul le gouvernement un soir de 2007, pour rebondir quelques mois après à l’assemblée nationale comme président de la Commission des Finances, puis Commissaire à la Commission Electorale Nationale Indépendante ( CENI) avant d’occuper aujourd’hui le portefeuille de l’Administration Territoriale.

A terme, la Cour Constitutionnelle serait une destination possible pour ce professeur de droit, selon toujours ce proche. Ou alors une fin de carrière à l’international comme consultant ou à la tête d’une institution régionale pour celui que ses homologues ministres des Finances surnommaient affectueusement « le doyen. »

Quant à son successeur, ce qui frappe en premier est son inexpérience à un moment charnière dans la relance économique. A peine un an dans une équipe gouvernementale et surtout en lien avec l’administration, lui qui vient du privé. Mais l’entourage de l’ancien directeur de l’audit d’Ecobank Transnational Incorporated ( ETI) et ex administrateur de la Banque Togolaise pour le Commerce et l’Industrie (BTCI) assure qu’il saura relever le défi : un professionnel de qualité assure un dirigeant d’entreprise qui le côtoie.

Il le compare à Emmanuel MACRON, un banquier devenu ministre également en France, qui a su rapidement s’imposer et imposer son style. Le discret et taciturne Yaya rêve-t-il cependant d’un destin à la MACRON ? Rien n’est moins sûr. Lui qui déteste les combines et autres intrigues partage cependant deux choses avec son prédécesseur : la rigueur ( ses collègues et collaborateurs aussi bien à ETI qu’à la BTCI en parlent abondamment) et sa non proximité avec la presse. Dans ces conditions, lui souhaiter bonne chance ne serait certainement pas de trop.
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