L’affaire d’évasion fiscale à la Panama Papers, plus précisément le cas des sociétés WACEM et ATS, a été ce samedi à Lomé au cœur d’une conférence publique, au cours de laquelle l’association organisatrice dénommée « Veille économique » a tenté de démontrer l’impact économique de l’évasion fiscale pratiquée par ces deux (2) sociétés implantées sur le sol togolais dans l’économie du pays.
Selon Nettey Koumou, président de « Veille économique », il s’agit d’un cas d’évasion fiscale « avérée ». La preuve, selon lui, c’est que cette affaire entraine la corruption et des flux financiers illicites, la faiblesse des recettes fiscales, la faiblesse des recettes non fiscales, l’injustice sociale, fiscale, l’inégale répartition des richesses et l’aggravation du déficit budgétaire.
S’agissant des recettes non fiscales, les organisateurs ont indiqué qu’en 2015 et 2016, ces recettes représentent respectivement 6,23% et 5,73% du budget de l’Etat alors que pour avoir une émergence dans un pays, ces recettes doivent occuper entre 25 et 30% du budget.
Les flux illicites, selon eux, sont de l’ordre de 22.293 millions de dollars américains, soit 11.146 milliards de francs CFA. Le déficit budgétaire en 2016, ont-ils poursuivi, représente moins 371 milliards, soit environ 14% du Produit intérieur brut (PIB) alors que la norme au sein de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) est de moins de 3% du PIB.
Pour prouver l’inégale répartition des richesses, « Veille économique » part des dividendes distribués à l’Etat togolais et aux actionnaires principaux par WACEM. On apprend qu’en 2015 l’Etat togolais a bénéficié de 412,5 millions de francs CFA, ce qui représente 55 francs par habitant par an. Pendant ce temps et au cours de la même année, Kenelm Limited, une société « introuvable » qui se trouve être l’actionnaire principal avec 223.250 actions sur un total de 555.000 s’en est sortie avec 1,674 milliard de francs CFA ; Prasad Motaparti, le n° 1 de WACEM, avec ses 129.260 actions, fait 969 millions de francs CFA, Kazitom Limited, une autre société fictive selon « Veille économique », puisque introuvable, avec 94.000 actions a fait 705 millions de francs CFA, Quartz Limited, le 4ème actionnaire avec 23.500 actions obtient en 2015 167 millions et le 5ème actionnaire, Clément Ahialey, président directeur général de la société ATS, du haut de ses 6.188 actions fait 46 millions de francs CFA.
Pour résoudre ce cas, « Veille économique » demande aux gouvernants de faire l’audit général des sociétés comme WACEM, ATS, Togo rail, Diamond Cement, mais aussi l’audit fiscal et technique. Ce n’est pas tout. L’organisation demande que les gouvernants prennent des dispositions nécessaires pour suspendre la convention de concession liant le Togo à WACEM, « en attendant que les audits soient exécutés ».
« Dans un souci de réduction de notre déficit budgétaire et d’augmentation de nos ressources non fiscales, il faut que dans les brefs délais, le nombre d’actions détenues par l’Etat togolais soit porté à 50% de l’actionnariat total de cette société », a ajouté M. Koumou.
Les organisateurs de cette conférence trouvent importants que les rapports annuels des sociétés WACEM, ATS, Togo rail, Fortia, Diamond Cement doivent être faits.
« Ce n’est que le début de cette affaire. Nous avons la conviction qu’il y a des gens dans ce pays qui sont derrière les deux sociétés actionnaires précitées et qui sont introuvables. Si on n’arrive toujours pas à révéler qui sont les vrais tenants de ces deux sociétés, il va falloir que l’Etat nationalise leurs actions », a conclu Ferdinand Ayité, Directeur de publication du journal « L’Alternative ».
Un débat a suivi la présentation des révélations et propositions. Dans son intervention, Brigitte Améganvi, actionnaire à WACEM dit avoir trouvé de « fausses informations » et des « imperfections » dans la présentation, notamment en ce qui concerne la présentation de WACEM comme une société d’exploitation minière, sa présence dans les sociétés de la zone franche, WACEM et le transfert à l’extérieur des dividendes des Indiens qui n’est interdit par aucune législation au Togo.
D’autres organisations comme le Collectif des associations contre l’impunité au Togo (CACIT) et la Synergie des travailleurs du Togo (STT) se sont prononcés au cours de la rencontre à travers leurs représentants. Spéro Mahoulé, président du Conseil d’administration du CACIT a affirmé son soutien aux organisateurs. Dr Gilbert Tsolenyanu de la STT a quant à lui annoncé une prochaine sortie de son organisation sur cette même affaire.