Combat pour l’Alternance Politique en 2015 (CAP 2015) suit avec intérêt l’évolution de la crise postélectorale au Gabon.
Il estime que seuls le recomptage des voix ainsi que la proclamation des résultats, bureau de vote par bureau de vote, tels qu’exigés par l’opposition gabonaise et soutenus par la communauté internationale, notamment les Nations Unies, la France, les USA et l’UE, permettront de lever les contestations à l’origine des violences et des tensions, depuis la publication, par le Ministre de l’Intérieur, le 31 août 2016, des résultats provisoires de l’élection présidentielle du 27 août 2016. Ces résultats donnent gagnant le président sortant, Ali Bongo Ondimba, avec 49,80% des suffrages, contre 48,23% pour son principal challenger, Jean Ping.
CAP 2015, tout en notant que les rapports des missions d’observation électorale font état du déroulement normal du scrutin, demeure vivement préoccupé par le manque de transparence relevé dans la phase des résultats. Cette situation a jeté un grave discrédit sur l’ensemble du processus et entrainé de très vives contestations réprimées dans la violence et dans le sang.
CAP 2015 exprime sa compassion aux victimes des violences et reste solidaire des forces démocratiques gabonaises dans leur lutte pour préserver et faire restituer la vérité des urnes. Il salue tout particulièrement la mobilisation des populations gabonaises tant de la diaspora que de l’intérieur du pays, pour faire échec à la tentative de coup de force électoral en cours.
Les graves événements du Gabon posent encore une fois la problématique des élections en Afrique. Les peuples africains, à l’instar du peuple togolais, n’ont de cesse de démontrer leur volonté inébranlable de s’affranchir des méthodes désuètes et caricaturales, caractéristiques, à de rares exceptions près, des processus électoraux en Afrique, considérés par les pouvoirs en place comme de simples formalités sans enjeu d’alternance.
En effet, notre pays le Togo s’est, à plusieurs reprises, distingué par des mascarades d’élections marquées notamment par :
la fraude au fichier électoral et aux taux de participation, le bourrage d’urnes, l’achat de votes, la falsification de résultats et le refus de tout recomptage des voix à toutes les élections,
le refus de publication des résultats, bureau de vote par bureau de vote, malgré la loi électorale et les accords signés, notamment celui du 24 avril 2015, sous l’égide de la communauté internationale : UA, CEDEAO, OIF, CIP-UEMOA, etc.
le harcèlement, l’intimidation et même l’assassinat des représentants de l’opposition dans les bureaux de vote. Lors de la présidentielle de 2003, trois militants de l’opposition, dont Egbla Kossi, qui s’interposaient pour empêcher la fraude, dans la préfecture de Zio, ont été abattus par les forces de l’ordre,
la saisie de tous les procès-verbaux et du matériel de compilation des résultats dans les centres informatiques de l’opposition, notamment lors de la présidentielle de 2010, au CESAL, en présence du Président de la CVJR, Mgr Nicodème Barrigah, invité pour assister à l’opération qui comportait l’arrestation et la détention du personnel informatique à la gendarmerie nationale,
l’attaque aux fusils d’assaut et la destruction, le 24 avril 2005, jour du scrutin présidentiel, du centre informatique mis en place par la coalition de l’opposition dans l’immeuble de la Librairie Centrale pour le traitement des résultats,
le saccage et l’incendie du siège du principal parti de l’opposition, le 24 juin 1998, lors de la présidentielle du 21 avril 1998, après avoir sauvagement passé à tabac et grièvement blessé la cinquantaine de personnes qui s’y trouvaient, notamment plusieurs femmes et le 1er Vice-président,
la ‘’disparition’’ de Mme Awa Nana, Présidente de la CEN, laissant ainsi le Ministre de l’Intérieur publier des résultats provisoires de la présidentielle de 1998 en lieu et place de l’institution chargée des élections, en violation de la loi. Ce qui a conduit l’UE à déclarer que le scrutin est sorti de son cadre légal,
l’attaque à la roquette et aux fusils d’assaut du domicile du Secrétaire Général du principal parti de l’opposition par les Forces Armées Togolaises, (FAT), lors de la présidentielle de 1998,
le vol et la destruction des urnes dans les bureaux de vote par les forces de l’ordre. Comme en témoigne une image qui a fait le tour du monde lors de la présidentielle du 24 avril 2005, montrant un militaire en train de courir une urne sous le bras,
la destruction du matériel électoral par un commando des FAT, au cours de son transport vers les préfectures de l’intérieur du pays, dans le cadre de la préparation de la présidentielle de 1993,
l’incendie par un commando des FAT, du Centre National d’Etude et de Traitements Informatiques (CENETI), en vue de la destruction du fichier électoral pour le scrutin présidentiel de 1993,
l’incendie de l’Institut Goethe (Centre culturel Allemand au Togo), dans la nuit du 28 avril 2005, par un commando des FAT, en représailles à l’asile accordé par l’ambassade d’Allemagne au Ministre togolais de l’intérieur, M. Akila Esso Boko, en fuite après avoir annoncé l’impossibilité de tenir un scrutin apaisé en raison d’informations en sa possession concernant les actes de violence planifiés par le parti au pouvoir pour écraser toute contestation de la fraude électorale de 2005,
la répression sanglante des contestations populaires et les massacres de populations, les 26 et 27 avril 2005, occasionnant au moins 1.000 morts selon diverses sources nationales lors de la présidentielle du 24 avril 2005. Selon le rapport de la mission d’établissement des faits des Nations Unies conduite par Doudou Dienne, cette répression a fait au moins 500 morts,
les décisions partisanes de la Cour Constitutionnelle, de la CENI et de la HAAC, systématiquement favorables au pouvoir en place, et l’instrumentalisation absolue de toutes les institutions, notamment celles impliquées dans les processus électoraux,
l’invalidation abusive par la Cour Constitutionnelle de candidatures et de listes de candidats de l’opposition aux élections présidentielles et législatives,
l’invalidation abusive de scrutin par la Cour Constitutionnelle aux législatives de 1994, dans 4 circonscriptions électorales, considérées comme des bastions de l’opposition et reprise du scrutin deux (2) ans plus tard au lieu de soixante (60) jours conformément à la loi,
la publication par la CENI, de résultats provisoires non vérifiés et non validés, par conséquent sans aucune base légale, notamment lors de la présidentielle de 2015, comme le relève le rapport de la mission d’expertise électorale (MEE), de l’UE,
la proclamation par la Cour Constitutionnelle de résultats incohérents et falsifiés, notamment lors de la présidentielle de 2015, comme le relève la mission d’expertise électorale de l’UE dans son rapport, surtout en ce qui concerne les régions supposées acquises au pouvoir en place et dont les votes sont utilisés comme variables d’ajustement des résultats pour forcer la ‘’ victoire’’.
Bref, un tableau apocalyptique, autrement plus exécrable que la situation qui prévaut actuellement au Gabon. Curieusement, dans le cas du Togo, la communauté internationale se mure dans un silence contrit, malgré le cri des populations, malgré les dénonciations de l’opposition, malgré la publication de preuves matérielles tangibles établissant la réalité de fraudes électorales massives, planifiées et mises en œuvre par le parti au pouvoir.
Et pourtant, des experts électoraux commis par l’UE, d’une part, l’OIF, d’autre part, ne manquent pas de relever, d’analyser et de commenter dans leurs rapports de mission, les nombreuses fraudes et irrégularités qui caractérisent les différents scrutins au Togo.
CAP 2015 saisit l’occasion pour rendre un hommage appuyé au peuple togolais meurtri, martyrisé et exsangue, mais résolument debout et engagé dans un combat âpre contre le régime de dictature du RPT/UNIR, usurpateur du pouvoir d’Etat au Togo depuis des décennies, et qui se maintient au travers de coups de force répétés.
En considération de ce qui précède :
- CAP 2015 appelle les acteurs politiques africains, la société civile notamment les confessions religieuses à tout mettre en œuvre pour éviter que des hommes ou des femmes sans aucune légitimité, s’accrochent au pouvoir, comme c’est souvent le cas sur le continent, notamment au Togo ;
- CAP 2015 demande à la communauté internationale dans son ensemble d’être plus rigoureuse, plus exigeante et plus ferme dans les accompagnements qu’elle apporte aux pays africains, en vue de la mise œuvre des réformes nécessaires à l’organisation d’élections justes et transparentes, de la promotion de l’éthique républicaine et de l’enracinement de la culture démocratique.