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Transport maritime en Afrique, comment le Togo s’est retrouvé au coeur du scandale du carburant toxique
Publié le mercredi 21 septembre 2016  |  L'Alternative


© aLome.com par Parfait
Visage actuel de la plage de Lomé, section centre-ville et hôtel PALM BEACH
Lomé, le 23 juin 2015. Petit tour d`horizon de la plage de Lomé, lieu privilégié de détente et de repos pour plusieurs Loméens.


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Sans surprise, le Togo se retrouve au coeur du nouveau scandale du business de carburant sale déversé en Afrique. La version anglaise du récent rapport de l’ONG suisse Public Eye décrit avec précisions le rôle que joue Lomé dans le business du carburant toxique. C’est en effet depuis les côtes togolaises, sous bonne garde des Forces armées togolaises que le carburant toxique en provenance de la zone portuaire Amsterdam-Rotterdam-Antwerp (ARA) se manipule, se mélange et est réparti dans d’autres petits navires avant que ces derniers ne prennent la direction des « petits ports » africains.


« En dehors de l’Europe, les mélanges se font aussi sur les côtes ouest-africaines. La plupart des ports africains étant trop petits pour les grands (navires) pétroliers, la plupart de ces derniers en provenance de la région ARA traversent l’océan atlantique pour se retrouver dans le Golfe de Guinée, particulièrement dans les eaux togolaises. Ils transfèrent les produits d’un navire à un autre dans une opération dénommée « De Navire à Navire » (ship-to-ship, STS). De là, les petits navires pétroliers se dirigent vers les autres pays de la région. Les opérations STS servent aussi à mélanger les produits (ndlr : avec des matières toxiques)», indique le rapport de l’ONG suisse.


Le Document de 164 pages révèle qu’entre août 2014 et aout 2015, plus de 70% des navires qui ont mouillé dans les eaux togolaises proviennent de l’Europe du Nord-Ouest et plus de 80% de ce trafic vient exclusivement de la zone Amsterdam-Rotterdam-Antwerp (ARA).

Si le Togo constitue un point de départ, au niveau maritime, des produits vers d’autres pays, le rapport note qu’il importe plus de carburant qu’il n’en a besoin, parce qu’il sert de transit pour les pays enclavés comme le Mali et le Burkina. Le Togo « importe » une quantité de produits évaluée à plus de 20 fois sa consommation.


Les auteurs du rapport ont été surpris qu’en 2014, un aussi petit pays sans soit devenu la destination principale, en Afrique de l’Ouest, des produits pétroliers provenant de la zone ARA. Ils ajoutent que si les navires qui sillonnent les eaux ouest africaines viennent principalement de la zone ARA, il y en a également en provenance de la Russie et du Golfe américain qui font presque toujours un crochet via le Togo avant de poursuivre éventuellement vers d’autres pays. En 2014 par exemple, les USA sont le 3e pays d’origine de produits pétroliers destinés au Togo, après la Belgique (Antwerp) et les Pays-Bas (Amsterdam et Rotterdam).

Opération risquée

Les opérations de transfert de Navire-à-Navire ne se déroulent pas sans risque. Et ces risques ont justement conduit plusieurs pays à les interdire sur leurs côtes. Elles peuvent être à l’origine même des accidents de collision entre navires, mais elles peuvent aussi polluer les eaux. Mais si les négociants préfèrent faire des mélanges via ces opérations, c’est parce qu’ils sont moins coûteux pour eux que de le faire sur des installations portuaires sur des continents. Et si le Togo est prisé, c’est parce qu’il offre un certain nombre de services sécuritaires, mais aussi demande une contrepartie financière faible. On voit bien que les opérations ne se déroulent pas forcément à l’insu des autorités togolaises, puisqu’elles ont lieu à une distance visible depuis la plateforme portuaire, surtout après autorisation des responsables portuaires.

Ainsi, les côtes togolaises sont devenues une sorte de « paradis maritime » où opèrent chaque jour, 30 à 50 navires pétroliers. Une telle activité autour de produits inflammables n’est pas sans risque. On se rappelle, il y a quelques mois, l’explosion d’un navire sur nos côtes. Jamais les autorités n’ont situé l’opinion sur les causes ni sur les conséquences pour nos eaux. Avec un tel niveau d’activités relatives à des produits pétrolier, on est en droit de penser que cette explosion serait peut-être due à des transferts de navire à-navire. Il faut aussi faire remarquer que la présence de tous ces navires sur nos côtes n’est pas conséquence sur la pêche maritime. Les poissons s’éloignent davantage et les pêcheurs sont obligés d’aller loin, sans compter la concurrence des navires de pêche industrielle qui sont toujours aux aguets, profitant des failles pour s’incruster et vider nos fonds marins.

Cas de transactions douteuses décrites par Public Eye


L’ONG Public Eye a décrit plusieurs transactions et mouvements suspects de navires fantômes sur nos côtes. Voici ci-après un récent cas, de 2015 à 2016, traduit en français par nos confères de Liberté. « Chargé avec l’essence mélangée, le Conger mouille au large de Lomé, sa destination finale, le 1er août 2015. Il y reste pendant trois semaines, protégé par des gardes armés, alors qu’il mène des opérations de STS avec au moins deux autres pétroliers, tous plus petits, nous supposons, pour décharger son essence.

D’abord, le Conger transfère le 3 août de l’essence au navire Elohim, en provenance de la Namibie, qui décharge sa cargaison à son tour à Lagos et retourne à Lomé. En second lieu, les 19 et 20 août, le Conger effectue un autre STS avec Winter Oak qui met le cap sur Cotonou, au terminal pétrolier d’Oryx Energies. Après cela, Winter Oak poursuit sa route vers la Sierra Leone, où Oryx Energies est presque le fournisseur exclusif.


Le Conger transportait plus d’essence qu’il a pu en décharger sur Elohim et Winter Oak, ce qui suppose que d’autres opérations de STS ont eu lieu au cours de ces trois semaines en mer au large de Lomé. Nous n’avons pas pu localiser précisément le Conger pendant cette période, parce que son AIS a été perdu à certains moments. Il a été donc difficile de le suivre en utilisant le suivi direct par logiciel, mais nous pensons qu’elle a mené des opérations de STS avec au moins deux navires-citernes supplémentaires.

Après près de trois semaines, le Conger quitte Lomé, dans la nuit du 20 au 21 août. Sa prochaine destination est Las Palmas de GranCanaria dans les Îles Canaries, où Oryx Energies dispose aussi d’une importante installation de stockage, stratégiquement située sur la principale route commerciale entre l’Europe, l’Afrique de l’Ouest et les Amériques.


A Las Palmas, le nom du Conger est effacé de sa coque et remplacé avec « Eagle Ray». Son nouveau propriétaire est inconnu, mais il continue d’être administré par Prime Marine Management et navigue sous le pavillon des Îles Marshall.

Sous son nouveau nom, Eagle Ray demeure sur la route ARA- Afrique de l’Ouest, chargeant de la cargaison d’Anvers à Lomé et Luanda en octobre. De retour en Europe, ST Shipping – une filiale de Glencore – affrète Eagle Ray en décembre pour charger 60.000 tonnes de produits pétroliers à Rotterdam pour la décharge à Lomé. Ce sera son dernier voyage en tant qu’Eagle Ray.


Exactement cinq mois après avoir reçu un nouveau nom à Las Palmas, Eagle Ray a vu son nom lavé de nouveau, cette fois à Gibraltar début février 2016. Son nouveau nom, «Wembley», est peint sur la coque. Son opérateur commercial est Union Maritime Limited basé au Royaume-Uni et son nouveau directeur technique est la société allemande Bernard SchulteShipmanagement. De même sous ce nouveau nom, le pétrolier navigue entre l’Ouest de l’Europe et l’Afrique de l’Ouest durant la première moitié de 2016. Il charge des cargaisons à Ventspils (Lettonie) et Klaipedia (Lituanie) pour Lomé et Luanda »

En moins d’un an, le même navire a navigué sous trois différents noms et propriétaires. Seul son objectif est demeuré inchangé: livrer des carburants en Afrique de l’Ouest. Sur au moins une occasion, ces combustibles étaient sales.


Conclusion, les autorités togolaises ont érigé le Togo au rang de pays grossistes en matière de carburant toxique. Ensuite, il y Marianne Kirk dont les mouvements sont rapportés par Public Eye : « Marianne Kirk est un pétrolier de 51.000 DWT transporteur du mélange produits chimiques-pétrole. En automne 2014, il est affrété par Litasco pour fournir 37.000 tonnes de « gasoil », probablement du diesel, en Afrique de l’Ouest. En provenance de Sköldvik (Finlande) et Riga (Lettonie), le navire-citerne fit un arrêt à Amsterdam pour quelques jours début novembre pour charger le produit. Son prochain arrêt est Lomé.

Alors que la Marianne Kirk et son équipage philippin attendent de nouvelles commandes de décharge à l’ancrage de Lomé, elle dérive loin du littoral pour réduire au minimum le risque de piraterie. Des navires du genre de Marianne Kirk, dérivent souvent pendant plusieurs semaines comme des réservoirs flottants jusqu’à la décharge complète de sa cargaison. Pour ce cas, la Marianne Kirk reste huit jours dans l’ancrage de Lomé et ses environs avant de mettre le cap sur Luanda. Ce ne sera pas la dernière fois que la Marianne Kirk livre des produits pétroliers à l’Afrique de l’Ouest. Elle est régulièrement affrétée par ST Shiping (filiale de Glencore), Mercuria, et Sahara Energy ».

Il faut donc désormais le savoir, une autre ville très animée, s’est installée sur nos côtes. « Il y a encore quelques années au moins quatre navires pétroliers qui quittent Amsterdam à destination de l’Afrique de l’Ouest jettent l’ancre à Lagos. Mais depuis, tous les navires sont destinés à Lomé, quelques rares fois Tema, mais presque plus jamais Lagos », a confié un travailleur au port d’Amsterdam aux rapporteurs, de Public Eye. On voit bien qu’aussi petit qu’il est, le Togo est arrivé, avec ses 50 kilomètres de côtes, à supplanter le grand Nigeria. Mais, au Togo, à qui profite le «crime » ? Question !

Mensah K.


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