L’Agence Nationale de Gestion de l’Environnement (ANGE) a épinglé les responsables de WACEM.
Depuis de nombreuses années, le Gouvernement togolais, dans le souci de préserver la vie des citoyens sur les sites des industries extractives, et d’améliorer leurs conditions de travail et de vie, a recommandé aux responsables de ces grandes sociétés une série de mesures destinées à atteindre qualitativement une certaine performance.
C’est ainsi que difficilement, le Gouvernement a demandé et obtenu que des audits d’impact environnemental, sanitaire et industriel soient faits dans les usines et sur les carrières pour faire l’état des lieux et remédier aux maux. Les résultats sont tout simplement catastrophiques. Il était avéré que nos compatriotes qui travaillent dans le secteur minier, exercent dans des conditions désastreuses voire suicidaires.
En l’espèce, le cas qui nous préoccupe dans cet article, est celui de WACEM. Sur ce plan, il faut préciser qu’il s’agit ici du volet concernant l’audit environnemental et social qui a commencé en 2013 et dont le rapport a été déposé en 2014 après un an de travail. Depuis cette date, dans le but de ménager les responsables de WACEM qui sont des investisseurs indiens, le Gouvernement togolais, par le biais de l’Agence Nationale de Gestion de l’Environnement (ANGE) a fait preuve de discernement pour accompagner en souplesse cette société dans la mise en œuvre effective des mesures préconisées par l’audit. C’est ainsi que plusieurs missions de contrôle ont été envoyées sur place pour le suivi. Le choix étant porté sur le partenariat entre la Société et notre pays.
Il faut surtout souligner que l’explosion mortelle d’une cuve de fuel lourd a eu lieu en juin 2015. Cette explosion a provoqué la mort de plusieurs ouvriers togolais sur place. Et pourtant, le contrôle et la réparation de ces cuves ont été recommandés par l’audit de l’ANGE sur le court terme.
Ce qu’il faut aussi noter, c’est que la mise en œuvre des mesures est repartie sur trois phases :
– la phase de court terme dont la durée prévue est de trois mois au maximum.
– la phase du moyen terme
– et enfin le long terme.
Si les responsables indiens à qui la société CIMAO en faillite a été cédée dans des conditions aléatoires et humiliantes pour le Togo n’ont pas fait fi à toutes les mesures correctives recommandées dans l’audit, on aurait pu faire l’économie des vies humaines qui seraient épargnées parce que dans les mesures de court terme, il a été signalé des fuites dans la tuyauterie. Et le non-respect de ces mesures correctives a conduit au drame de juin 2015.
Après donc plusieurs missions de contrôle sans aucune avancée, l’ANGE a décidé de prendre le taureau par les cornes parce que, selon des informations que nous avons recueillies de sources concordantes et bien informées, les plus hautes autorités de l’Etat ont exprimé leur ras-le-bol et veulent que les choses changent sur le terrain même si c’est progressivement.
Dans le cadre de cette nouvelle orientation, l’Agence Nationale de Gestion de l’Environnement a organisé une visite inopinée de contrôle et suivi de l’audit environnemental et social de WACEM. La délégation pluridisciplinaire qui était sur le terrain était composée des représentants du Ministère de l’Environnement et des ressources forestières, du Ministère des Mines et de l’Energie, du Ministère de la Fonction Publique, du travail et de la réforme administrative, des médias dont Votre journal le Combat du Peuple, d’un universitaire et des cabinets d’études en environnement.
Cette visite inopinée a permis de découvrir que très peu de mesures correctives ont été mises en œuvre et certaines sans aucune efficacité, un service minimum inopérant en quelque sorte. Plusieurs non-conformités n’ont reçu aucune application de mesures correctives.
Pour cette visite, les compartiments les plus sensibles ont été contrôlés notamment.
1- Les cuves de stockage de fuel lourd.
Il a été constaté que le fuel qui s’était déversé après l’explosion de la première cuve en juin 2015 serait resté sous le sol et la latérite répandue par terre sous forme de replâtrage l’aurait simplement emprisonné. En outre, une grande quantité de fuel lourd continue à être actuellement déversée au sol au lieu de dépotage.
2- Magasin de stockage.
La délégation a relevé une absence totale de panneaux de signalisation et de pictogrammes relatifs aux différents types de dangers qui existent au niveau de ce magasin et les précautions idoines à prendre.
3- Magasin de stockage de calcaire.
Il a été constaté une grande insalubrité à l’intérieur de l’usine et ses alentours. Ses abords sont truffés de hautes herbes, de déchets divers et d’eau polluée. Sur ce point, il faut redouter la cohabitation dangereuse des ouvriers avec des vipères qui pullulent abondamment dans le coin d’après nos informations.
Les deux roupelles en activité sont ouvertes et les conducteurs reçoivent en pleine figure des poussières qui se dégagent pendant le convoyage du calcaire en violation des recommandations de l’audit.
Les employés, notamment le conducteur d’une des roupelles n’a pas porté d’EPI adapté.
4- La carrière.
Une absence totale de panneaux de signalisation a été relevée. Il s’agit, entre autres, des panneaux « entrée et sortie » de véhicules et de pictogrannes relatifs aux différents types de dangers qui existent au niveau de la carrière et les précautions à prendre pour les pallier.
5- Le bâtiment de stockage des explosifs.
Il a été constaté que ledit bâtiment est fissuré par endroits, que certaines grilles protégeant les ouvertures d’aération sont défectueuses.
Il y a également absence de pictogrammes sur les types de dangers qui existent à cet endroit et les précautions à prendre. A ce niveau, il a été aussi noté une stagnation d’eau à la devanture du bâtiment.
6- Atelier de mécanique de la carrière.
Dans cet atelier, une insalubrité insupportable règne un peu partout. On y trouve des stocks de déchets divers de grandes quantités d’huiles déversées au sol, des équipements et matériels mal rangés exposant les ouvriers à toutes sortes de risques.
La fosse de collecte des huiles usées est défectueuse et reste en partie ouverte.
La station-service se trouvant dans l’enceinte de cet atelier ne dispose pas d’extincteurs, ni de bacs à sable et de pelles. La toiture servant d’auvent à cette station est en partie endommagée par des conducteurs de véhicules lourds. Les toilettes et vestiaires sont insalubres et présentent une probabilité de risques de contamination très élevée. La partie extérieure de ces toilettes et vestiaires est transformée en dépotoir. Il faut être sur place pour toucher du doigt ce désastre environnemental qui fait de nos compatriotes de véritables parias.
7- L’atelier de mécanique général et son annexe.
Les équipements et matériels sont très mal rangés, marquant un risque élevé de blessures.
Il a été constaté un déversement d’huiles usées et de graisses au sol. Peu d’ouvriers sont dotés d’EPI adaptés. Un grand dépôt d’ordures solides jouxte cet atelier de mécanique général.
8- Stations-service MRS et OANDO.
La station-service MRS ne dispose pas d’extincteurs – OANDO en dispose – mais ces extincteurs sont arrivés à expiration. A cela, il faut ajouter que ces deux stations sont éminemment insalubres. Un fait mérite ici d’être mentionné : il nous a été rapporté qu’au cours d’un récent contrôle, l’équipe a constaté la présence d’extincteurs neufs sur place. L’absence de ces extincteurs est la preuve que les responsables de cette société, préalablement informés, sont allés louer des extincteurs pour les besoins de la cause. Avec la visite inopinée, le pot-aux-roses est découvert. Ceci pour dire que ces responsables ont une énorme capacité de nuisance et ne se préoccupent guère de la vie des Togolais qu’ils emploient.
Dans un tout autre registre, sur le lieu de l’accident survenu le 30 juin 2015, rien n’est fait. Pas de nettoyage. Même les gants des victimes trainent encore par terre créant pour leurs collègues une sorte de frustration. La deuxième cuve qui a reçu le choc d’explosion de la première n’a pas fait l’objet de test de réépreuve. Ainsi donc, l’étanchéité et la résistance de cette deuxième cuve est très aléatoire.
Sur d’autres plans, les risques d’accident de travail et de circulation sont réels. Le problème de santé-sécurité se pose avec acuité.
Une fois encore, une fois de plus, des recommandations pertinentes ont été faites.
Si jusqu’à présent, le statu quo persiste, c’est la preuve irréfutable de la mauvaise volonté des responsables de WACEM qui s’entêtent dans leur refus évident d’améliorer la situation. En comparaison, nous pouvons dire que l’usine de WACEM ressemble plus à une porcherie qu’à autre chose.
Le bradage de la dépouille du CIMAO en faillite, dans les circonstances que nous savons, n’est pas une raison pour ne pas assurer l’entretien et la maintenance de ces coûteuses installations qui, manifestement, sont restées depuis plusieurs années, en l’état sans de nouveaux investissements. Les investisseurs étrangers ne doivent pas se comporter chez nous comme s’ils sont en territoire conquis. Certes, nous avons la tradition de l’hospitalité mais ne perdons pas de vue nos intérêts bien compris.
Nous comprenons les Autorités compétentes de notre pays qui ont, jusqu’à présent, fait preuve de patience et qui ont voulu tester la bonne foi des responsables de cette société en leur laissant le soin d’agir à leur rythme tout en respectant la loi.
Pour notre part, nous pensons que le Gouvernement doit dorénavant réagir fermement pour mettre un terme à la chienlit.
La situation qui prévaut sur le terrain n’honore pas notre pays. Il est insupportable que des Togolais soient traités d’une façon aussi humiliante sur leur propre sol. Les conditions dans lesquelles ils travaillent sont humainement hautement dégradantes. Nous tirons la sonnette d’alarme pour que chacun prenne sa responsabilité parce que les mesures préconisées sur le court terme (3 mois) n’ont pas encore été mises en œuvre après plus d’un an et demi. Quel je m’en fichisme !
Les responsables de WACEM n’ont aucun égard pour nos dirigeants. Ils ont toujours usé de leurs méthodes éprouvées. Car, nous avions appris qu’il y a eu tentative de corruption. Mais cette fois-ci, cela n’a pas fonctionné parce qu’il y a des Togolais honnêtes.
Le Togo doit sortir des sentiers battus et les investisseurs qui débarquent chez nous doivent respecter les lois de notre République. Il sied de rappeler à cet effet, que le Chef de l’Etat a ratifié l’accord de PARIS, le COP 21, en marge de l’Assemblée Générale de l’ONU lors de son dernier séjour à New-York. C’est un signal fort pour ceux qui refusent d’œuvrer pour l’assainissement de l’environnement sur la terre de nos aïeux.