Comme annoncé, Rost, président du collectif « Banlieues Actives » et auteur-compositeur en France, a honoré de sa présence la cérémonie de remise de prix littéraire à Mme Thérèse Karoue-Atchall pour son roman « La saison des amours », à l’institut français de Lomé. Très heureux de fouler le sol de ses origines, l’ « Enfant banni » des cités françaises (NDRL, allusion faite à son roman autobiographique, « Enfants des lieux bannis », sorti aux éditions Robert Laffont) s’est confié à L’Alternative, a livré quelques pans de sa vie et donné des conseils à la jeunesse togolaise.
Qu’est-ce que cela vous fait de retrouver votre pays que vous avez quitté il y a longtemps ?
Je suis très heureux de retrouver mes racines. Tout arbre qui tient bon, tient grâce à ses racines. Donc quand on est en harmonie avec ses origines, avec ses racines, on est en harmonie avec tout et on peut tout affronter dans la vie. Retrouver de temps en temps ses racines, retourner aux sources, ça nous permet de nous ressourcer et de repartir au combat avec plus d’énergie. J’avais huit (08) ans quand j’étais parti et je pense que l’énergie que je trouve dans le combat en France vient aussi de ce que j’ai pu vivre au Togo et j’essaie de mettre cette rage dans mes combats en France. Cette rage vient aussi de mes origines.
Vous êtes très impliqué aux côtés de la jeunesse française, votre pays d’adoption. De loin, quel regard portez-vous sur la jeunesse de votre pays d’origine ?
Il serait malhonnête intellectuellement de dire que je connais très bien la jeunesse togolaise parce que je suis parti très longtemps du pays. Depuis que j’ai quitté le pays, je suis revenu une seule fois, il y a seize (16) ans pour quelques jours seulement. Et donc je n’avais pas eu le temps de voir ce qui se passait réellement dans le pays, et c’est pourquoi cette fois-ci j’ai envie de pendre un peu le temps pour voir ce qui se passe. Mais je suis quand même de loin tout ce qui se passe, des évolutions qui se font ou qui ne se font pas. Il y a toujours au fond de moi cette envie de faire changer les choses, cette envie de faire bouger les choses, cette envie de contribuer à améliorer la situation de notre jeunesse (NDRL, il parle ici de la jeunesse togolaise), pour nos enfants, pour la génération future. On peut aujourd’hui faire en sorte que la génération nouvelle prenne le flambeau, prenne le combat et se dise qu’elle va faire évoluer ce pays dans le bon sens, avancer dans le bon sens. Qu’on ait des routes qui soient dignes de ce nom. Parce que comme l’a dit quelqu’un, « La route du développement passe par le développement de la route ». C’est une belle phrase parce que j’ai vu des infrastructures qui évoluent, mais il y a encore du boulot. On a besoin d’une jeunesse qui se bat. Mais, ici. Pas celle qui met sa vie en danger en allant traverser la Méditerranée et qui finit au fond de la mer. Donc on a besoin d’apporter notre expérience, notre concours, les moyens en mettant en place les initiatives pour que les choses changent. Le changement ne passera que par la contribution de nous tous.
Concrètement, comment comptez-vous aider cette jeunesse togolaise tentée par l’immigration clandestine ?
Il s’agit d’informer que les images qu’on véhicule à la télévision, les images que certains expatriés, lorsqu’ils reviennent au pays, montrent en donnant l’impression qu’ils vivent là-bas comme des rois, ne traduisent pas la réalité. Là-bas, ils vivent parfois dans des cages à poule. Il faut casser ces images-là. La France, ce n’est pas facile. Les choses sont difficiles. C’est un combat de tous les jours qu’on mène là-bas. Il faut que notre jeunesse le sache, il faut qu’elle sache que son avenir se trouve ici. L’Afrique est en pleine expansion. On dit que l’avenir du monde est en Afrique. Et il faut que cela profite aux Africains et non à ceux qui en ont profité depuis des centaines d’années, depuis des décennies. Aujourd’hui, il faut que ça change. Il faut que notre jeunesse comprenne que son avenir est ici et qu’elle peut le construire. Il ne tient qu’à elle ; son avenir est dans ses mains.
Parlez-nous un peu de votre roman « Enfants des lieux bannis »?
Mon roman est une autobiographie. Il parle de mon enfance au Togo, mon arrivée en France, ma jeunesse très mouvementée. C’est pourquoi j’ai dit en haut que les choses ne sont pas faciles en France. J’ai atterri dans un quartier difficile de la France où c’étaient des guerres entre les bandes. J’ai des amis qui en sont morts, mais j’en ai échappé. Cela m’a forgé, m’a donné de la force, de l’envie de me battre autrement et de construire quelque chose de positif pour la jeunesse française et celle de mon pays d’origine aussi. Cette expérience me permet de me mettre aux services des hommes politiques français. Aujourd’hui, je peux apporter mon expérience à mon pays d’origine parce que c’est chez moi avant tout ; je serai toujours plus chez moi au Togo qu’en France quoi qu’on veuille. Personne n’aurait jamais pensé que d’où je suis parti, François Hollande aurait pris une de mes chansons pour sa campagne des primaires ; personne n’aurait cru que j’aurais travaillé sur sa campagne présidentielle, que j’aurais pu le conseiller sur certaines choses ; que je serais nommé au Conseil économique et environnemental par François Hollande…Voilà. Et c’est cette énergie-là que j’ai envie de transmettre à mes frères togolais.