La transformation des matières premières est présentée depuis plusieurs décennies comme la solution idoine pour la diversification économique et la création d’un tissu industriel africain à vocation globale. Qu’en est il réellement ?
De prime abord, l'idée est séduisante : l'Afrique dispose de matières premières qu'elle exporte le plus souvent sous une forme brute, avant que les produits transformés ne lui soient revendus. L'idée sous jacente de la promotion d'une industrie de la transformation est à ce titre très populaire au sein des classes politiques africaines, car elle implique une dimension de captation de la valeur ajoutée additionnelle, souvent dévolue aux multinationales occidentales.
Le discours qui accompagne cette idée est tout aussi efficace : Si l'on produit du Cacao, pourquoi ne pas produire du chocolat et l'exporter ? Si l'on extrait des diamants, pourquoi ne pas créer des ateliers de taille avant de les revendre ? Pourquoi ne pas raffiner le pétrole brut au lieu de le vendre en l'Etat ? Pourquoi exporter du bois lorsque l'on peut fabriquer des meubles ? Les déclinaisons de ces aphorismes sont nombreuses et tout aussi séduisantes.
L'unique voie de création de richesse ?
Pour certains hommes politiques africains, la transformation constituerait même l' « Unique voie pour la création de richesses sur le continent ». D'autres vont même plus loin en en faisant un projet de société. Pour la commission économique pour l'Afrique (UNECA), dépendante des Nations Unies, « Une telle politique (d'industrialisation basée sur les matières premières) doit être menée si le continent veut devenir une puissance économique mondiale en mesure de relever les défis du chômage des jeunes, de la pauvreté et de l'inégalité des sexes ». Tout un programme...
La réalité économique autour de l'impact de la transformation est beaucoup plus nuancée, quoique politiquement incorrecte.
Une réalité nuancée
Dans certains cas, il peut être pertinent de se lancer dans une industrie de la transformation, à condition que le bénéfice économique ultime soit avéré, et que l'on ne soit pas aveuglé par le bénéfice politique.
Cette vision alternative est désormais portée désormais par des économistes de renommée mondiale, tel le vénézuélien Ricardo Hausmann de l'université d'Harvard, ou le spécialiste français des matières premières Philippe Chalmin.
Leurs arguments sont solides et appuyés par des travaux de recherche substantiels qui démontrent que les pays qui ont réussi leur décollage économique au cours des cinquante dernières années ne sont pas forcément ceux qui ont misé sur la transformation des matières premières disponibles, mais plutôt ceux qui ont réussi à se diversifier économiquement autour de grappes sectorielles proches de leurs avantages compétitifs.