Garantie de stabilité, martèlent les uns. Frein au développement des pays africains, profitant surtout à la France, rétorquent les autres. Des deux côtés de la Méditerranée, la question du franc CFA divise.
Bercy, le 30 septembre. Il est 14 h 30 passées au siège du ministère français de l’Économie et des Finances lorsque Michel Sapin, le maître des lieux, se présente avec ses hôtes de la zone franc, gouverneurs de banques centrales et homologues africains, devant un parterre de journalistes. Ensemble, salle Bloch-Lainé, ils viennent clore la traditionnelle réunion qu’ils tiennent en amont des assemblées générales annuelles du FMI et de la Banque mondiale.
Se doutaient-ils de la tournure qu’allait prendre ce face-à-face avec les médias ? Ce qui devait être un point sur la situation économique de l’Uemoa, de la Cemac et des Comores se transforme en un procès du franc CFA, la monnaie utilisée par les quinze économies qui constituent ces trois ensembles. Arrimée à l’euro par une parité fixe (1 euro est égal à 655 F CFA) et convertible grâce à la garantie du Trésor français, l’héritière du « franc des colonies françaises d’Afrique » est de plus en plus ouvertement critiquée.
Une contestation qui s’affirme de plus en plus
Certes, Michel Sapin ironisera en disant qu’il connaissait par cœur le scénario de ce rendez-vous avec la presse, parce que les questions des journalistes ont toujours été les mêmes depuis plusieurs décennies. Mais le ministre français, ses pairs et les gouverneurs de banques centrales présents ne s’attendaient certainement pas à la véhémence inhabituelle dont ont fait montre les médias en s’adressant à eux.
Les questions fusent : « Le franc CFA n’est-il pas un frein au développement des pays africains ?», «Que gagne la France à garantir sa convertibilité ? », « Ce système monétaire n’est-il pas uniquement fait pour favoriser les entreprises françaises sur le continent ? », « Pourquoi les dirigeants africains n’ont-ils pas tiré les leçons de la dévaluation du franc CFA en 1994 ? », «Pourquoi refusent-ils d’admettre qu’il y a un problème avec cette monnaie ? »…
En plus d’avoir trouvé depuis peu dans la presse française – qu’elle soit de gauche, de droite ou du centre – une alliée, la contestation est galvanisée par la tonitruante sortie médiatique de Carlos Lopes, le secrétaire général exécutif démissionnaire de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique.
Économiste de renom, le Bissau-Guinéen, réputé pour son franc-parler et son sens aigu de la communication, a déclaré, quelques jours avant la réunion de Bercy, que le système monétaire de la zone franc était « désuet ». Ajoutant : « Aucun pays du monde ne peut avoir une politique monétaire immuable depuis trente ans. Il y a donc quelque chose qui cloche. »... suite de l'article sur Jeune Afrique