Dakar, 20 nov 2016 (AFP) - Dans la minuscule remise de Bernard, trois lampes au kérosène prennent la poussière. Cet éleveur de poulets kényan, qui n'a pas les moyens de se raccorder au réseau électrique, utilise désormais l'énergie solaire pour éclairer ses soirées, ou alimenter sa radio et sa
télévision.
Sans accès en réseau, "les panneaux solaires sont une solution bon marché", explique le jeune homme, habitant d'un petit village à environ 60 km au sud-est de Nairobi, qui a renoncé au générateur, trop coûteux en carburant.
Dans toute l'Afrique, consommateurs et communautés de zones rurales ou isolées se lancent dans la production d'énergie décentralisée, en marge des réseaux électriques nationaux que développent parallèlement les Etats, par des projets de plus en plus ambitieux, notamment dans les énergies renouvelables.
Le Sénégal a mis en service au début du mois une centrale photovoltaïque de 22 mégawatts (MW), une dizaine de jours après une précédente de 20 MW, les premières d'une série, avec l'objectif affiché de 20% d'énergies renouvelables en 2017 et 30 % en 2018.
"Nous sommes en train de prouver, par les actes, l'adage selon lequel le soleil brille pour tout le monde", s'est félicité le président sénégalais Macky Sall lors de l'inauguration de la centrale de Malicounda (ouest).
Le solaire représente encore moins de 5% des sources d'énergie des réseaux électriques africains, mais cette part ne cesse de grandir. L'augmentation de la production électrique se heurte toutefois aux limites physiques du réseau, faute d'avoir conçu l'aménagement du territoire dans
cette optique.
"Nous avons une réserve de production de 100 MW", a indiqué à l'AFP Mouhamadou Makhtar Cissé, le directeur général de la compagnie nationale d'électricité sénégalaise, la Senelec, mais "nous avons un problème de transport et de distribution de cette énergie".
"Une bonne partie de notre territoire, notamment le Sud et l'Est, sont dans des réseaux non interconnectés et les villes et les villages sont alimentés à partir des centrales autonomes", souligne-t-il.
Le Sénégal, avec environ 60% des foyers couverts par le réseau électrique, est pourtant relativement bien loti par rapport au reste de l'Afrique subsaharienne, loin devant des pays comme le Soudan du Sud et le Liberia où ce taux atteint à peine 1 ou 2%.
- Tarifs attractifs -
Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), quasiment un milliard de personnes en Afrique subsaharienne seront connectées au réseau en 2040, mais 530 millions en seront exclus, un nombre comparable aux 600 millions d'Africains privés d'électricité.
Dans ce contexte, Power Africa, un projet du président américain Barack Obama pour doubler l'accès à l'électricité en Afrique subsaharienne, insiste sur la nécessité de développer les solutions hors réseau, en particulier dans l'énergie solaire.
Ainsi, les populations "n'ont pas besoin d'attendre que le réseau électrique arrive chez elles, mais peuvent faire installer un panneau solaire sur leur toit par une entreprise", explique le coordonnateur de cette initiative, Andrew Herscowitz.
Grâce notamment à la baisse des coûts de l'énergie solaire, il est désormais possible, pour le prix du kérosène servant à allumer des lampes à faible éclairage, d'acquérir un petit panneau solaire, selon les experts.
Le coût du kilowatt/heure d'électricité dans les pays occidentaux tourne autour de 15 cents de dollar, alors qu'en Afrique les consommateurs payent 53 fois plus pour le kérosène, voire 105 fois plus pour s'éclairer à la bougie, selon Azuri, une compagnie de panneaux d'énergie solaire aux services prépayés.
Des sociétés comme Azuri, ou la kényane M-Kopa, proposent une offre groupée pour un demi-dollar par jour, comprenant l'alimentation d'ampoules, d'une radio et de chargeurs de téléphone portable. Les télévisions et les réfrigérateurs à énergie solaire devraient suivre, pour un tarif légèrement supérieur.
Ces solutions ont surtout prospéré dans l'est du continent, comme au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda, mais sont appelées à se répandre également en Afrique de l'Ouest, où les problématiques sont comparables. Plus qu'un choix, ces formules sont de toute façon une nécessité par rapport à une demande en électricité toujours croissante, sur un continent en
mutation rapide.
"Les fonds nécessaires pour résorber le déficit énergétique en Afrique se chiffrent à des centaines de milliards de dollars", affirme Andrew Herscowitz. "Aucun de ces gouvernements ne dispose de sommes pareilles".