Abidjan, 13 déc 2016 (AFP) - Le planning familial en Afrique peut aider des familles à être en "meilleure santé" et "plus riches", déclare dans un entretien à l'AFP Melinda Gates, l'épouse du milliardaire Bill Gates, dont la fondation est très active dans ce domaine.
Le planning familial et la contraception apportent "des conséquences positives énormes au niveau de la santé des femmes et des enfants mais aussi des avantages économiques: si elle a moins d'enfants (...) ses enfants grandissent en meilleure santé et la famille est plus riche", explique au téléphone Mme Gates alors qu'Abidjan accueille jusqu'à mercredi la 5e réunion annuelle du Partenariat de Ouagadougou.
Ce partenariat a pour "but d'accélérer l'utilisation des services de Planification Familiale (PF)" dans 9 pays d'Afrique francophone. Le thème de la réunion est "Promouvoir la contraception, c'est garantir un meilleur avenir des jeunes".
"Quand une femme a accès à la contraception, elle peut sortir du cycle de la pauvreté. Sans contraception, elle est enfermée dans ce cycle pour la vie", assure Mme Gates, soulignant que le planning familial est une des "clés du développement économique au même titre que l'agriculture et l'éducation". "On voit de plus en plus de pays africains parler de +dividende démographique+. Ils savent qu'ils veulent faire baisser la mortalité maternelle (en abaissant le nombre de naissances par femmes), que ça va aider les gens à sortir de la pauvreté et qu'à la fin ça augmentera le Produit
Intérieur Brut", ajoute Mme Gates qui se dit séduite notamment par le plan de
développement du Burkina Faso.
Ce pays a annoncé en 2016 un plan de développement jusqu'en 2020 qui prévoit une baisse de la natalité dans le pays.
"L'objectif principal du Partenariat de Ouagadougou est d'atteindre au moins 2.2 millions d'utilisatrices additionnelles de méthodes de planification familiale dans les neuf pays concernés d'ici 2020. Ce but peut paraître faible à première vue mais il est en réalité très ambitieux en fonction du contexte des pays" en raison des "faibles taux de prévalence contraceptive, des
barrières socioculturelles, des systèmes de santé déficients, d'engagement politique timide et du peu de financement", selon le dossier de presse du Partenariat.
- Question de vie ou de mort -
Mais Mme Gates se veut "optimiste" rappelant que "l'objectif initial" d'avoir "un million de femmes utilisant la contraception a été dépassé". La réussite du projet, selon elle, passe aussi par "l'adhésion des centres de pouvoir": "les maris et les chefs religieux".
Les chefs religieux "vous diront que le planning familial est autorisé" par l'islam. "Quand vous rencontrez les chefs religieux, ils vous disent qu'ils ont connu une femme, une soeur, une mère qui est morte en enfantant".
Elle donne aussi l'exemple du Niger, pays parmi les plus pauvres du monde qui détient le record du nombre d'enfants par femmes (7,6). "Il y a des +écoles des maris+ où on apprend pourquoi les femmes et les enfants seront mieux avec la contraception".
"Une des raisons pour lesquelles les hommes veulent beaucoup d'enfants c'est le statut (beaucoup d'enfants donnent de l'importance) mais c'est aussi une forme d'assurance: ils veulent être sûrs qu'ils aient des enfants qui deviennent adultes. Une fois, qu'ils voient que plus d'enfants atteignent
l'âge adulte quand il y a moins d'enfants (dans la famille), là ils se tourneront vers le planning familial", ajoute Mme Gates.
"Quand la taille des familles baisse (...) les familles ne vivotent plus pour essayer de payer des frais de scolarité, n'ont que deux enfants à nourrir et ont donc plus de revenus (...) Les autres familles le verront et nous savons tous que nous sommes affectés par le comportement des autres", dit Mme
Gates qui espère ainsi une dynamique positive.
Elle prévient toutefois que le planning familial doit "impérativement être volontaire" et que les gouvernements doivent mettre en place "des chaines d'approvisionnement fiables pour que les femmes aient un accès" permanent à la contraception.
Et Mme Gates d'évoquer une femme rencontrée au Niger: "Elle avait six enfants. Elle m'a dit: +Je ne veux pas d'autres enfants. Je ne peux pas avoir d'autres enfants, c'est une question de vie ou de mort+".