Eric Agbo, 46 ans, père d‘une fille, vit depuis 22 ans en Allemagne, où il dirige avec sa femme, le cabinet conseil «InnoVision Concepts » qui propose des prestations polyvalentes.
Précisément, «InnoVision Concepts » intervient déjà depuis 10 ans, dans le domaine de l’Interculturelle et le Management de la diversité, le Management de l‘Education et de la Profession ainsi que le Conseil, Marketing et stratégies Sociopolitiques.
Mais, M. Agbo ne s‘arrête pas à ces services dans son pays d‘adoption, il fait partie des Togolais de la diaspora qui pensent que cette diaspora peut apporter une valeur ajoutée au développement économique et sociopolitique du Togo.
Coordonnateur Principal du Groupe d‘Experts de la Diaspora pour le Développement du Togo (GEDDT) créé au lendemain de la tournée d‘information de la délégation du Programme Diaspora en Europe, aux USA et au Canada initiée par le ministère togolais des Affaires Etrangères, ce groupe d‘Experts entend soutenir les efforts du Gouvernement dans la mobilisation de la diaspora en servant d‘interface dans les relations Togo-Diaspora.
«À mon avis, la donne a changé avec la nouvelle orientation du Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération. Et brusquement on a l‘impression que la diaspora est enfin prise au sérieux comme acteur capable d‘aider à booster le développement au Togo », a-t-il confié dans cet entretien exclusif à l’Agence Afreepress.
Afreepress.info : Avant toute chose, parlez-nous de votre parcours professionnel ?
Eric Agbo : Après mon Bac série A4 au Lycée de Gbényédzi Kopé à Lomé, j‘ai commencé des études en Droit à l’Université du Bénin à Lomé avant de quitter le Togo en Janvier 1992 pour l’Allemagne.
En Allemagne, j‘ai vite compris qu‘il est important de faire une formation professionnelle; ce que j‘ai concrétisé dans le bâtiment avant de me consacrer à la vie académique à l‘université de la ville d’Augsbourg près de Munich. J‘y ai fait des études en Science Politique, en Histoire Moderne et en Didactique de l‘Instruction du Travail. J‘ai étudié en outre pour deux ans dans la même université la Sociologie et la Science de la Communication. Une formation en Relations Interculturelles après mes études a complété le tableau académique.
Comme vous le voyez, j‘ai construit minutieusement et de manière polyvalente les bases de ma profession, car j‘ai toujours voulu diriger un cabinet conseil; rêve que j‘ai réalisé depuis 10 ans, en créant ensemble avec ma femme ce cabinet qui travaille dans les domaines que j’ai cités plus haut.
Afreepress.info : Alors, quels sont réellement les domaines de compétences de ce cabinet ?
Eric Agbo : Depuis une décennie, le thème central de mes activités tourne autour de différends projets de l‘UE, du Ministère Fédéral du Travail et des Affaires Sociales ainsi que de l‘Agence Fédérale pour la Migration et les Refugiés; projets que j‘ai dirigés sur l‘insertion socioprofessionnelle des personnes issues de la migration afin de les aider à mieux intégrer le marché du travail allemand.
L‘insertion socioprofessionnelle et l‘orientation scolaire étant de ce fait, parties intégrantes de mon travail, alors vous comprenez si je vous déclare être co-auteur (ensemble avec ma femme) d‘un outil de bilan de compétences, qui selon une étude de la BAMF (l‘Agence Fédérale pour la Migration et les Réfugiés) fait partie des cinq meilleurs outils de bilan dans la zone germanophone européenne; un outil utilisé dans plusieurs institutions publiques et privées en Allemagne pour établir le bilan des personnes immigrées.
En outre j‘interviens comme consultant dans le domaine des relations interculturelles et management de la diversité et anime des séminaires sur les thèmes y attenantes depuis 2006.
Le Marketing sociopolitique intervient aussi dans mes domaines de compétences, à l‘exemple de l‘actuel projet que je dirige pour la ville d’Augsbourg, projet dans le cadre duquel mon cabinet accompagne l‘Administration communale dans son orientation interculturelle. Nous avons travaillé aussi dans le même domaine avec le Ministère des Relations avec le Parlement d’un pays d’Afrique Centrale qui eut recours à nos compétences.
Bref, ce cabinet conseil sert d‘interface entre la politique, l‘économie et l‘éducation. Nous intervenons de manière compétente depuis 2004 et accompagnons nos partenaires en vue de leur permettre d‘influencer les débats et de proposer à leurs interlocuteurs des projets d‘avenir.
Afreepress.info : Et quels sont vos partenaires ?
Eric Agbo : Nous sommes fiers de compter parmi nos partenaires, et ce depuis la création de notre cabinet, le Ministère Fédéral Allemand du Travail et des Affaires Sociales, l‘Agence Fédérale Allemande du Travail, les Administrations Publiques en Allemagne, l‘Agence Fédérale pour la Migration et les Réfugiés, des Etats ou Gouvernements, les Ministères, les Institutions publiques, l‘économie à l’exemple de la société Randstad Deutschland (qui est l‘une des grandes sociétés d‘intérim en Europe), les personnes privées, les chambres de commerce et des métiers, et beaucoup d‘autres, la liste est naturellement longue et diversifiée après 10 ans.
À nos partenaires nous proposons les prestations selon qu‘ils ont besoin de consultance, d‘accompagnement, de conceptualisation et management de projets, d‘analyse, ou d‘élaboration d‘une stratégie concrète. Nous organisons en outre des conférences, des ateliers pour nos partenaires et dirigeons des formations de multiplicateurs et en renforcement des capacités.
Afreepress.info : Vos prestations sont-elles élargies en Afrique, en particulier à votre pays le Togo ?
Eric Agbo : Nous avons tissé un large réseau de partenaires en Afrique, dans les 10 années de notre existence. Nous réfléchissons sérieusement à l‘installation d’antennes dans quelques pays d‘Afrique y compris le Togo mais attendons d‘y voir comment les choses vont évoluer dans le cadre de la mobilisation de la diaspora, car nous avions fait une expérience pas très encourageante de par le passé.
Afreepress.info : Justement, étant de la diaspora, quelle contribution apportez-vous au développement de votre pays ?
Eric Agbo : Je suis en contact avec quelques autorités du pays afin d‘apporter mon humble contribution dans les domaines que nous maîtrisons au développement du Togo.
Nous venons de mettre en place, ensemble avec quelques compatriotes de la diaspora le Groupe d‘Experts de la Diaspora pour le Développement du Togo (GEDDT), en réaction à la tournée d‘information de la délégation du Programme Diaspora en Europe, aux USA et au Canada. Nous voulons par la création de ce groupe d‘Experts, soutenir les efforts du Gouvernement dans la mobilisation de la diaspora en servant d‘interface dans les relations Togo-Diaspora.
Une idée sur quelques unes de vos actions concrètes?
Eric Agbo : J‘ai été invité au 1er Forum National de la Jeunesse Togolaise en avril 2011, en tant que l‘un des trois Togolais de la diaspora ayant assisté à ces assises. J‘y ai pu présenter notre outil de bilan lors d‘un atelier sur l‘orientation. Pour la suite, je suis entré en contact direct avec les autorités compétentes chargées des questions de la jeunesse et de l’emploi afin de mettre en place une coopération entre mon cabinet et elles.
Comme je le disais tantôt, j’ai essayé de par le passé de proposer nos prestations, mais la réaction n‘a pas été à la mesure de mes ambitions. Pour l‘instant je dirais plutôt que les pouvoirs publics n‘ont pas encore su capitaliser les compétences polyvalentes de mon cabinet.
Aujourd‘hui, le gouvernement met les bouchées doubles pour que la diaspora puisse apporter sa plus-value au développement du pays. Votre appréciation sur la démarche du gouvernement?
Eric Agbo : Ma perception a priori est que le gouvernement a mis en place un processus qui intervient comme signe de sa volonté de mettre en route une nouvelle politique de la diaspora. Je suis pour ma part convaincu que cette initiative du gouvernement est un mécanisme qui se veut efficient dans ses efforts afin de mieux impliquer la diaspora dans le développement du Togo. À mon avis la donne a changé avec la nouvelle orientation du Ministre de Affaires Etrangères et de la Coopération. Et brusquement on a l‘impression que la diaspora est enfin prise au sérieux comme acteur capable d‘aider à booster le développement au Togo. Je me suis entretenu d’ailleurs avec les membres de la délégation du Programme Diaspora lors de leur passage à Cologne fin novembre. Mon opinion après cette rencontre est que cette délégation a bien informé les compatriotes et écouté avec patience leurs préoccupations.
Il est souvent reproché à la diaspora togolaise d‘être trop divisée sur les questions politiques, votre opinion….
Eric Agbo : Justement c‘est à cause de la diversité de ses lieux de résidence et des opinions politiques que la diaspora est assez attractive pour le développement du Togo. On a besoin de cette diversité pour trouver des solutions aux problèmes du pays; car ayant rassemblé des expériences différentes dues à la kyrielle de cultures et de concepts éducatifs partout dans ses pays d‘adoption, la diaspora est à même de proposer des éléments nouveaux dont on peut se servir pour booster le développement. Nous devons cesser de regarder la diaspora sous un angle déficitaire.
Il faut par contre trouver des formules afin de l‘amener à venir mieux s‘impliquer dans les affaires du pays. Le début a été fait par le gouvernement, et je vois l‘avenir avec optimisme.
L’aventure du gouvernement de tenir une assise de la diaspora n‘est pas trop risquée ?
Eric Agbo: Absolument pas! Il est vrai qu‘il y réside un dilemme, car de la même manière que la diversité que l‘on trouve dans le profil de la diaspora togolaise est un atout important à ne pas sous-estimer, elle porte en elle des germes d‘une division par rapport aux orientations politiques. Mais, quel groupe humain ne connaît pas de division en son sein? Il appartient maintenant à la diaspora elle-même de s‘auto-régulariser afin de transcender les différends en son sein.
Et c’est justement fort de ces constats que nous avons créé notre groupe le GEDDT, dont l‘objectif principal est entre autres d‘harmoniser le rapport entre les membres de la diaspora dans un premier temps et ensuite entre la diaspora et le gouvernement togolais afin de susciter une plus grande mobilisation pour le développement du pays.
- En prélude aux grandes assises de la diaspora, vos attentes et quels sont d‘après vous, les sujets cruciaux à aborder?
Eric Agbo : J‘attends de ces assises des débats francs et constructifs qui se mettent au-dessus des aspirations politiques des uns et des autres.
Cette rencontre est une occasion pour faire la mise au point des différentes relations entre le Togo et sa diaspora; il faut la saisir pour sceller des liens forts entre la diaspora et le Togo. Pour moi il serait question de s‘échanger lors de ces assises pour mettre en place une feuille de route afin de pouvoir mieux travailler ensemble.
Je souhaiterais pour ces assises que les organisateurs et les participants traitent de sujets d‘actualité au Togo comme les facteurs de mobilisation des compétences, la jeunesse, les actions du gouvernement dans le but de la modernisation du Togo et des sujets sociopolitiques, car la diaspora est incontournable dans les affaires de la cité.
Mais attention, nous ne devrions pas nous attendre à un tour de prestidigitation lors de cette première rencontre. Il faudrait plutôt trouver des dénominateurs communs afin de passer à une vitesse supérieure.
- Lors des échéances électorales, les Togolais de la diaspora ne participent pas au vote comme c‘est le cas, dans d‘autres pays, est-ce également votre préoccupation?
Eric Agbo : Je m’attendais à cette question (rire)! La position politique des Togolais de la diaspora est certes souvent catégorique compte tenu des expériences et des perceptions des uns et des autres, mais le Togolais est très attaché à son pays. Il faut plutôt voir la problématique sous différends angles.
D‘un côté, y a t-il des structures adaptées mises en place dans les représentations diplomatiques du Togo dans les pays d‘adoption des membres de la diaspora afin de les motiver et leur permettre de participer aux échéances électorales? De l‘autre sachant que la vie à l’étranger est difficile, et qu‘il faut trimer dur pour survivre, alors on n’a souvent point de capacités supplémentaires pour s‘occuper de la politique.
Il y a aussi cette analyse qui démontre qu‘une fois admis que la subjectivité, l‘affectif et l‘émotion gouvernent nos représentations individuelles, on conçoit que le processus de construction collective d‘un groupe passe nécessairement par une étape de mise en commun des perceptions, de confrontation, de négociation et de consensus autour de ces différentes positions. Ce processus nécessite des qualités humaines d‘empathie davantage que des capacités d‘analyse. C‘est justement à cette problématique de «désaffection politique» de la diaspora que le Togo est confronté.
Ma qualité de politologue et mes expériences me confirme qu‘il y a des formules à effets durables qui pourraient aider à changer la donne. Je me suis déjà intéressé à cette réalité et élaboré un vaste concept dont le Togo pourrait profiter.
- De l‘extérieur, comment analysez-vous la politique de développement du pays ces dernière années…
Eric Agbo : Selon la BAD, le Togo a connu en 2012 un taux de croissance estimé à 5%; taux qui sera revu à la hausse autour de 5,3% et 5,5% dans la période 2013 et 2014, justement grâce aux réformes et aux investissements.
Le Togo ne ménage aucun effort afin de mettre son industrie extractive en conformité avec les normes internationales; la gestion durable des ressources naturelles est ainsi en amélioration.
Il y a ces derniers temps une politique de grands travaux mis en place par le gouvernement. Le délestage électrique appartient à mon avis au passé, il se fait des efforts afin d‘améliorer le paysage éducatif et de formation professionnelle, le chômage est combattu tant bien que mal, la modernisation de l‘administration est en cour etc.
Depuis l‘atteinte du point d‘achèvement du PPTE, on remarque un envol dans l‘économie et les investissements publics au Togo. Atteindre le point d‘achèvement du PPTE est une prouesse que beaucoup de pays ne réalisent pas dans le temps imparti. Le Togo peut se prévaloir de l’avoir realisée, cette prouesse.
Je vis certes à l‘extérieur du Togo, mais y effectue régulièrement des voyages, ce qui construit pour moi la perception suivante: Même s‘il y a encore un long chemin devant nous, je vois avec un sentiment quasi positif les efforts de développement du Chef de l‘Etat, n‘en déplaise à ce qui ne veulent pas le voir comme moi et me situe dans le camp de l‘UNIR!
- Revenant à la question des migrations, quelles sont vos propositions pour que le Togo tire réellement profit des flux migratoires?
Eric Agbo: Le Togo a compris que la Migration peut lui apporter beaucoup d’avantages. Se référant à la dernière communication de l’ONG «Visions Solidaires», le transfert de fonds de la diaspora vers le Togo a atteint en 2013 un chiffre record de 187 milliards de FcFa. Ces transferts constituent un total de 10% du PIB, contre 1% il y a 10 ans.
Je crois que le Togo est sur la bonne voie afin de trouver une formule spécifique pour rendre plus efficientes les structures mises en place pour la canalisation des flux migratoires. Le Mali a créé en 2009 le CIGEM que je trouve personnellement bien réussi.
Mais attention, on ne peut pas seulement se baser exclusivement sur les avantages que la diaspora porte en elle, il est impératif de mettre des structures d‘excellence en place afin de pouvoir capitaliser les talents des Togolais de l’intérieur. Le Togo regorge de talents qu‘il faut mettre en valeur.
- Combien de Togolais vivent en Allemagne et comment se porte la cohabitation entre vous et les Allemands, surtout avec la reprise de la coopération entre les deux Etats.
Eric Agbo : Cette question n’est pas facile à répondre, car pour celui qui connaît le code de nationalité actuel allemand, on saurait qu‘en Allemagne la double nationalité est une problématique difficile à résoudre. Mais une statistique de décembre 2012 montre qu‘il vit en Allemagne 10.113 personnes étrangères d‘origine togolaise; je pense que les personnes naturalisées comme je le suis ne sont pas prises en compte dans le chiffre présenté. La cohabitation est à mon avis tout à fait à l‘image des pays de l‘Europe.
Il faut dire que malgré le fait que le Togo ait été une colonie allemande, les Allemands dans leur majorité connaissent trop peu le Togo. Seulement une couche bien définie sait se référer au Togo. Je connais personnellement un ancien député fédéral qui a effectué des voyages au Togo où il a fait de bonnes expériences dont il fait souvent référence.
L‘économie allemande s’intéresse de plus en plus à l‘Afrique et spécifiquement au Togo, compte tenu des liens historiques qui existent entre les deux pays. La journée économique du Togo en mai 2011 en est une preuve.
- Votre vœu pour 2014.
Eric Agbo: Pour l‘année 2013 qui s‘achève dans quelques jours, je dresse un bilan très positif pour tout ce qui a été fait dans mon pays et mon vœu pour 2014 est de facto, ma vision pour le Togo, une vision dont je ne cesse de parler.
C‘est une série de vœux qui peuvent paraître utopiques, mais accessibles aux Togolais avec un peu d‘optimisme et de lucidité. Je crois en un Togo, où règne la paix, dans lequel les citoyens ont des perspectives d’'avenir.
Un Togo qui fait confiance en tous ces filles et fils sans distinction aucune.