C’est sérieux, très sérieux, le problème que soulève les Nations-Unies sur la situation des droits de l’homme à travers le fonctionnement mécanique et artisanal de la justice togolaise.
D’aucuns penseront peut-être que nous en faisons trop en voulant à chaque fois revenir sur les différents épisodes de ce rapport somme toute pertinent et professionnellement élaboré. Mais il faut bien que chacun comprenne tout l’intérêt de ce débat.
En réalité, le principe sacrosaint sur lequel repose une République n’est rien d’autre que la loi. Dans une République, tous les citoyens, quels qu’ils soient, sont soumis aux prescrits de la LOI.
La force est et doit être à la LOI dans une République, dans une démocratie. Et la mise en œuvre de la loi, le garant du respect effectif de la loi dans une République n’est autre que le juge, le magistrat, technicien du droit, formé et dressé aux frais du contribuable pour œuvrer à cette fin afin de garantir la sécurité judiciaire à tous les citoyens.
Mais le juge ne peut travailler pour un tel sacré but que dans la mesure où, les dirigeants, notamment le Président de la République, premier magistrat du pays ainsi que ses collaborateurs immédiats, détenteurs du pouvoir, se montrent disciplinés vis-à-vis de ces lois qui, elles constituent le dénominateur commun sous lequel tous les citoyens devront se retrouver.
Mais alors, les cas de violations permanentes des droits de l’homme à travers des actes malsains de justice soulèvent fondamentalement la question suivante. L’Etat du Togo est-il une République ou une dictature ?
Dans une dictature, faut-il le rappeler, les dirigeants mettent en veilleuse les Institutions de la République, la loi est dictée par le Palais et tous les citoyens sont placés sous la botte du timonier. C’est cela qui caractérise une dictature.
Or justement, lorsque le rapport du HCDH parle d’obstructions politiques, d’immixtions de personnalités influentes ou des officiers supérieurs de l’armée dans la conduite des affaires judiciaires, lorsque ce rapport souligne que du fait de ces immixtions, certaines décisions de justice ne sont pas exécutées, il se trouve là que l’on est bien dans la pratique de la dictature, de la force brute.
Les gens se prévalent donc de leur rang social, de leur position stratégique dans l’arène du pouvoir pour donner des injonctions aux juges qui, réduits au statut de figurant et crevant constamment de faim, n’a d’autre choix que de s’exécuter pour se mettre à l’abri des représailles de l’autorité.
« Selon les informations recueillies dans le cadre de ce rapport, plusieurs Ministres de la Justice ont, par le passé, imposé leur point de vue aux juges sous la menace d’affectation ou de sanction. Or, il revient au Conseil supérieur de la magistrature de faire des propositions au Garde des Sceaux en matière d’affectation. De même, le Conseil supérieur de la Magistrature est seul compétent en matière de sanctions disciplinaires. Dans l’autre sens, des juges chargés des cabinets d’instruction, dans certains dossiers, s’adressent directement au Ministre de la Justice. Ce sont des situations qui sont observées et vécues par des magistrats ; elles ne s’expriment pas ouvertement mais plutôt dans la discrétion et les magistrats s’en plaignent. (…) Selon plusieurs sources, dans le cadre de dossiers dit ‘‘sensibles’’, des juges d’instruction se déplacent à la Chancellerie avec leurs dossiers pour discuter avec le Ministre de la Justice ou ses collaborateurs24 sur la manière de conduire le dossier ».
Voilà une des portions du rapport qui mettent à nu les pratiques viles du régime en place.
Et c’est sans doute curieux que dans sa réaction suite à la publication de ce rapport, le gouvernement du Togo, n’aie pas trouvé d’éléments de contraction à apporter à cet aspect du rapport qui fait finalement du régime de Faure Gnassingbé un régime dictatorial pur et dur.
Personne ne peut comprendre que le gouvernement se soit simplement focalisé sur des épis-phénomènes du rapport pour réagir alors qu’il y a des questions sérieuses de fond qui ébranlent clairement l’identité républicaine du Togo.
Cela signifie en définitive que le pouvoir de Faure Gnassingbé reconnaît tacitement son caractère dictatorial et il lui reste maintenant à s’amuser comme tel plutôt que de vouloir à chaque fois, jouer un rôle catalytique derrière des dossiers dits « sensibles » pour contraindre les juges à opérer de permanents dénis de justice ou de scandaleuses forfaitures qui finissent par honnir et le Togo et sa justice.