Par lettre en date du 28 Février 2017, les députés ANC saisissent la Cour Constitutionnelle, organe régulateur du fonctionnement des Institutions et de l’activité des pouvoirs publics, conformément à l’article 99 de la Constitution, et lui demandent:
de juger que la décision du Président de la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration Générale, d’abandonner par deux fois, l’examen en commission des projets de Loi de modifications constitutionnelles, outre passe ses compétences, viole le Règlement Intérieur de l’Assemblé Nationale et empêche son bon fonctionnement;
d’ordonner au Bureau de l’Assemblée Nationale la reprise par la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration Générale, des travaux relatifs à la proposition de Loi modificative des articles de la Constitution, introduite le 29 Juin 2016 par les députés ANC et affectée à la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration Générale, par la Conférence des Présidents de l’Assemblée Nationale, le 22 juillet 2016.
A MESSIEURS LES PRESIDENT ET JUGES DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE DU TOGO
RECOURS: Des députés de l‘ALLIANCE NATIONALE POUR LE CHANGEMENT (ANC).
La liste signée par chacun des députés requérants est en annexe au présent recours dont elle fait partie intégrante.
CONTRE : Le blocage de fait par Monsieur le Président de la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration Générale, des travaux en commission relatifs à l’examen de la proposition de Loi de modification constitutionnelle déposée par les députés de l’ALLIANCE NATIONALE POUR LE CHANGEMENT et affectée le 22 Juillet 2016 à la Commission des Lois pour examen au fond
PLAISE A LA COUR
Statuant sur le recours contre la décision de Monsieur le Président de la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration Générale, d’arrêter l’examen en commission de la proposition de Loi de modification constitutionnelle régulièrement affectée à ladite commission le 22 Juillet 2016 par la Conférence des Présidents de l’Assemblée Nationale
EN LA FORME
Sur la recevabilité de la requête
L’article 99 de la Constitution du 14 octobre 1992, définit la Cour Constitutionnelle comme la plus haute juridiction de l’Etat et fixe les domaines de sa compétence ainsi qu’il suit:
« Elle est juge de la constitutionalité des Lois, elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des Institutions et de l’activité des pouvoirs publics »
Un domaine de compétence immense qui recouvre la protection des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques ainsi que du fonctionnement régulier des Institutions de la République et de l’activité des pouvoirs publics.
En effet:
– L’exigence du respect de la constitutionalité des Lois votées par l’Assemblée Nationale justifie juridiquement le contrôle par la Cour Constitutionnelle de la conformité des Lois à la Constitution.
– La garantie des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques constitue une obligation à la charge de la Cour Constitutionnelle. Elle doit protéger les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques énumérés dans la Constitution contre toutes violations.
– Enfin, organe régulateur du fonctionnement des institutions, la Cour Constitutionnelle doit ordonner s’il y a lieu le fonctionnement harmonieux des institutions de la République et l’activité des Pouvoirs Publics dès qu’une défaillance est portée à sa connaissance.
Les compétences ci-avant rappelées sont confirmées d’ailleurs par l’article 104 de la Constitution qui stipule que la Cour Constitutionnelle est la juridiction chargée de veiller au respect «des dispositions de la Constitution».
Une compétence générale recouvrant donc toutes les matières prévues par la Constitution, c’est ainsi que la Loi fondamentale n’exclut pas le contentieux des consultations électorales et référendaires du champ des compétences de la Cour Constitutionnelle.
Qui peut saisir la haute juridiction pour rendre effective au profit des citoyens, les attributions qui lui sont confiées par l’article 99, savoir: l’intervention de la Cour Constitutionnelle pour garantir le respect des droits fondamentaux et les libertés publiques, fonctionnement régulier des institutions et des activités des pouvoirs publics.
La grande variété de ces attributions pose en effet le problème de la saisine de la haute juridiction.
Les dispositions constitutionnelles, article 104 sont sans ambiguïté sur l’action en contrôle de la constitutionnalité de la Loi.
La saisine de la Cour Constitutionnelle appartient, avant la promulgation de la Loi, au:
- Président de la République,
- Premier Ministre,
- Président de l’Assemblée Nationale
- Un cinquième (1/5) des membres de l’Assemblée Nationale
La Constitution reconnaît enfin à tout plaideur au cours d’une instance judiciaire devant les Cours et Tribunaux «in limine litis» le droit de soulever l’exception d’inconstitutionnalité d’une Loi. Le juge en charge du dossier doit sursoir à statuer et en saisir la Cour Constitutionnelle.
La Constitution, en élargissant le domaine de compétence de la Cour Constitutionnelle, a omis de prévoir ou de déterminer qui est habilité à saisir la Cour dans les autres domaines de compétence, ceux autres que la constitutionnalité de la Loi; savoir:
- La garantie des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques,
- La régulation du fonctionnement des institutions et l’activité des Pouvoirs Publics
- La régularité des consultations référendaires, des élections présidentielles, législatives et sénatoriales.
L’article 104 alinéa premier confirme tous ces domaines de compétence en affirmant que la «Cour Constitutionnelle est la juridiction chargée de veiller au respect des dispositions de la Constitution»
On constate au fil du temps que la Cour Constitutionnelle, exploitant les lacunes de la Constitution relatives à la saisine pour les autres domaines de compétence, a restreint son activité au contrôle de la conformité de la Loi, restreignant du coup son domaine de compétence en violation des articles 99 et 104 de la Constitution.
L’article 104 pose en effet le principe de compétence de la Cour Constitutionnelle sans préciser qui a le droit d’agir.
Devant le silence de la Constitution sur qui est habilité à solliciter l’intervention de la Cour Constitutionnelle lorsque les autres dispositions de la Constitution sont violées ou lorsque le fonctionnement régulier des institutions fait défaut, il faut recourir aux principes généraux du droit pour rendre effective au profit des citoyens titulaires réguliers du droit d’agir en justice, la mise en œuvre des attributions prévues par les articles 99 et 104 de la Constitution.
Le principe général qui commande l’action en justice exige que toute personne engagée à un titre quelconque dans une instance doit, de ce fait pour agir, se soumettre aux conditions générales d’ouverture des actions, l’intérêt et la qualité.
L’intérêt est si important que l’article 3 du Code de Procédure Civile affirme que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention sous réserve des cas dans lesquels la Loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé».
La Cour Constitutionnelle est une Institution qui doit imposer l’exigence de l’Etat de droit.
En effet, le Constitution est la norme par excellence qui émane directement du peuple détenteur de la souveraineté. Elle est, de ce fait et par sa nature, supérieure à la Loi que vote par délégation le Parlement qui est une représentation.
Il en résulte de ce qui précède que le contrôle de la conformité des activités publiques, des actes et de décisions politiques est seul de nature à assurer l’exigence de l’Etat de droit et l’institution que la Constitution chargée de ce contrôle est la Cour Constitutionnelle.
La Constitution, en élargissant les domaines de compétence de la Cour Constitutionnelle a voulu sans doute un recours à la Cour assez large et différencié.
Les requérants, figurant parmi les députés remplissant le quorum pour déposer une proposition de Loi de révision de la Constitution, ont déposé une proposition de Loi de modification constitutionnelle, il est juridiquement évident qu’ils ont un intérêt légitime et la qualité à voir la procédure d’examen de la proposition de Loi aller à son terme tel que prévu par le règlement intérieur de l’Assemblée Nationale Togolaise.
Un Principe Général du Droit conçu pour le cas échéant combler les lacunes de la Loi, fait obligation au juge pour éviter un déni de justice, de toujours statuer sans la possibilités pour lui de se réfugier derrière : un silence, une imprécision ou une omission de la Loi. En conséquence, la Constitution ayant prévu un domaine d’intervention de la Cour Constitutionnelle, le respect du fonctionnement régulier des Institutions et des activités des Pouvoirs Publics, sans indiquer qui peut peut intenter l’action, la Cour est tenue au nom du principe général du droit ci-dessus rappelé, de recevoir l’action des requérants et de rétablir par sa décision le fonctionnement régulier des Institutions de l’Assemblée Nationale.
Il en résulte de tout ce qui précède que le recours est recevable.
Au Fond
Attendu que le 29 Juin 2016, les députés dont la liste est en annexe à la présente requête, représentant plus d’un cinquième (1/5) des membres composant l’Assemblée Nationale, ont déposé, sur le bureau de la Représentation parlementaire, une proposition Loi modificative des articles de la Constitution du 14 Octobre 1992,
Attendu que la Conférence des Présidents s’est régulièrement saisie de cette proposition de Loi constitutionnelle, et l’a affectée le 22 Juillet 2016 à la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration Générale pour examen au fond ;
Attendu que la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration Générale, a régulièrement réuni ses membres et tous autres députés intéressés pour les travaux en commission, que l’examen de la proposition de Loi a donc commencé le 05 Août 2016 ;
Attendu qu’à cette séance, alors que les membres présents discutaient des éléments du dossier, Monsieur le Président a suspendu les travaux pour, a-t-il précisé, consulter les seuls membres de la Commission ;
Attendu qu’à la reprise des travaux, le Président informait les membres présents de l’abandon des travaux par la Commission ;
Que depuis cette date, le Président donne l’impression d’avoir classé « sine die » le dossier de la proposition de Loi Constitutionnelle ;
Attendu que le Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale donne compétence à la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration Générale, de procéder à l’examen au fond de la proposition de Loi dont elle est saisie, de rédiger et d’adopter un rapport qui sera présenté aux députés réunis en assemblée plénière ;
Attendu qu’il echet de rappeler qu’une première proposition de Loi modificative déposée le 20 Novembre 2014 et affectée à la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation et l’Administration Générale, pour examen au fond, n’a pas été conduite à son terme en plénière, que l’examen de ladite proposition de Loi a été abandonnée sur décision du Président de la commission le 21 Janvier 2015 ;
Attendu qu’en décidant par deux fois d’abandonner les travaux, le Président a violé les dispositions pertinentes du Règlement Intérieur et outrepassé ses compétences ;
Attendu que cette situation de fait empêche l’Assemblée Nationale de connaître de la proposition de Loi et de décider souverainement ce qu’il appartiendra ;
Attendu que cette décision du Président de la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration Générale, empêche le fonctionnement régulier de l’Assemblée Nationale ;
Attendu qu’il echet d’ordonner au Bureau de l’Assemblée Nationale de faire reprendre les travaux par la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration Générale ;
Attendu que la Cour Constitutionnelle est compétente en sa qualité de régulateur du fonctionnement régulier des Institutions en application des articles 99 et 104 alinéa 1 de la Constitution.
PAR LES MOTIFS
ci-dessus et ceux que la Cour dans sa grande sagesse estimera fondés,
Voir en la forme
Déclarer le recours recevable
Au fond
Dire et juger que la décision du Président de la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration Générale, empêche le fonctionnement régulier de l’Assemblée Nationale ;
Ordonner au Bureau de l’Assemblée Nationale, la reprise des travaux d’examen de la proposition de Loi modificative par la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration Générale.