Plusieurs villes de l’intérieur du pays étaient en ébullition ce jeudi 9 mars à la suite de la grève des enseignants. Dapaong, Kantè, Kpalimé, Hahotoé, Afagnan, Baguida étaient les centres névralgiques de ces mouvements d’humeur des élèves qui ont pris d’assaut les rues dressant des barricades, brûlant des pneus. Gaz lacrymogènes et courses- poursuites entre élèves et forces de l’ordre, voilà le quotidien de ceux qui devraient être dans les classes, mais se retrouvent malgré eux dans les rues.
Des images apocalyptiques d’un secteur en faillite font le tour du monde, dans l’indifférence totale des dirigeants aux abonnés absents. Des grèves à répétition durant une année scolaire déjà écourtée par le fameux sommet sur la sécurité maritime organisé à Lomé en octobre 2016. Difficile de dire à ce jour que les élèves au Togo ont passé ne serait-ce qu’un mois d’affilé dans les classes. Et cette situation n’est pas sur le point d’être résorbée. Face à l’autisme du gouvernement, ou du moins au dilatoire, une nouvelle grève de trois jours est annoncée la semaine prochaine.
Incontestablement, l’on achemine vers une année bâclée pour les élèves. Les premiers examens sont annoncés pour la fin du mois de mai, mais à ce jour, les cours n’ont vraiment pas évolué et la plupart des élèves n’ont pas passé les évaluations du premier trimestre. Triste sort pour ces millions d’élèves qui ne demandent rien d’autres que les cours. Jusqu’à quand ? C’est la question que tout le monde se pose face à l’indifférence des premiers responsables du pays et à la détermination des syndicats à aller jusqu’au bout de leurs revendications.
La crise au sein du secteur de l’éducation ne saurait être perçue comme un épiphénomène. Bien au contraire, elle est systémique, complexe mais aussi exacerbée par des forces qui s’en servent le plus souvent, dans la méconnaissance des acteurs eux-mêmes, pour créer dans le pays une situation de chaos généralisée. Nous y sommes. Cette situation délétère généralisé qui touche tous les secteurs du pays (éducation, médias, économie, santé, politique) n’est que la résultante d’une guerre de tranchée qui oppose au sein du système RPT-UNIR la vielle garde écartée de la mangeoire à la nouvelle génération de pilleurs.
Cette guerre pour le contrôle de l’appareil politique, et donc du pouvoir politique et économique qui se déroulait à fleurets mouchetés, a désormais pris une tournure inquiétante. Dans cette guerre ouverte avec l’entretien des poches de tensions et des foyers d’ébullition un peu partout, la paralysie totale du pays est l’objectif poursuivi par certains.
Ces derniers savent mieux que quiconque qu’en plus de la crise politique aiguë qui retarde le pays depuis plus de 20 ans, la résurgence d’une crise sociale dont les incidences vont au-delà des verrous politiques et des paradigmes ethnocentriques ne peut que mettre en énorme difficulté celui qui tient le système. Dans cette bataille rangée aux effets néfastes sur les populations, Faure Gnassingbé perdu dans les prodigalités et villégiatures, semble perdre du terrain au profit de la vieille garde. Pourra-t-il reprendre le contrôle de la situation ? Les jours à venir nous situeront. En attendant, ce sont les pauvres togolais qui payent le prix de cette bataille rangée.