Les magistrats et avocats usent du dilatoire pour protéger le présumé escroc. Victime d’une arnaque estimée provisoirement à plus de 4 milliards de francs CFA, le Luxembourgeois Alain Jean Henri Van Kasteren, administrateur de la société GOLD CENTER spécialisée dans l’achat et la vente d’or et des métaux précieux, a porté plainte le 8 avril 2014 devant le Doyen des juges d’instruction près le Tribunal de Première Instance de Lomé contre M. Fiagno Gblenko Yaovi, Directeur général de CREDI-GENERAL CO SA pour « escroquerie et abus de confiance ». Mais depuis trois ans, l’affaire est au point mort et l’homme d’affaires luxembourgeois semble désormais en proie à une arnaque judiciaire. Une affaire de gros sous qui fait tourner la tête aux magistrats et avocats togolais qui s’échinent à protéger le présumé escroc.
Dans une correspondance adressée le 31 janvier 2017 à M. Pius Agbétomey, ministre de la Justice et chargé des relations avec les Institutions de la République, M. Alain Jean Henri Van Kasteren s’est plaint de la situation d’injustice dont il est victime au Togo depuis quelques années. « Nous parlons quand même d’une somme de 4.125.752.963 FCFA (en dollars 8.750.000 USD). Il s’agit bien d’une arnaque de très haute envergure. Je me suis rendu à une confrontation entre parties en présence du Doyen des juges d’instruction Idrissou Tchagba en décembre 2015. Cette réunion houleuse a été une farce complète sans résultats. Sans vouloir accuser qui que ce soit, j’ai comme une impression que les dessous de table restent de mise malgré que vous soyez un pays de droit », lit-on dans la lettre dont nous avons obtenu copie. Soit dit en passant, M. Van Kasteren a fait copie de cette lettre au ministre allemand de la Coopération, Gerd Müller. Ce qui n’est pas une bonne publicité pour le Togo qui est en train de faire la cour aux politiques et hommes d’affaires allemands.
En effet, tout a commencé en novembre 2012 quand M. Alain Van Kasteren, administrateur de la société GOLD CENTER, s’est vu proposer l’achat de 250 kg d’or d’origine burkinabè légalement extrait des gisements aurifères de la Province de Passoré. Des certificats d’origine ont été même établis et une première convention signée le 17 décembre 2012 entre M. Abrahim Kacu, de nationalité libérienne, le vendeur, et la société GOLD CENTER. La vente a été conclue le 1er février 2013 et le 27 février, M. Van Kasteren a versé pour les 250 kg d’or en transit sur le territoire togolais la somme de 8. 750.000 dollars US, soit 4.125.752.963 FCFA.
L’or devant être consommé hors du territoire togolais, le vendeur et son acquéreur ont confié sa réexportation à M. Fiagno Gblenko Yaovi, Directeur Général de la société CREDI-GENERAL SA sise à Lomé, lequel a d’ailleurs assisté à la conclusion des deux contrats. Il a été convenu dans le contrat du 1er février 2013 que les parties contractantes avaient entre autres pour obligations de mettre à la disposition de M. Fiagno Gblenko Yaovi les 250 kg d’or ainsi que les documents relatifs à la propriété des marchandises et nécessaires aux opérations de réexportation ; et régler à M. Fiagno les frais afférents à la réexportation à raison de 50% à la signature du contrat et 50% à la livraison de l’or.
En contrepartie, M. Fiagno s’est engagé : à entreprendre sans délai les formalités administratives et à payer tous les frais nécessaires à la réexportation de l’or dès la perception de 50% de sa facture ; à convoyer et à livrer l’or à son destinataire dans un délai minimum de sept (07) jours à compter du paiement visé ci-dessus. Les 250 kg d’or sont alors restés en possession du DG de CREDI-GENERAL avec le certificat d’origine non-criminelle, le certificat d’origine et le certificat de propriété de l’or délivrés par le Président du Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou. Comme le précise le contrat, une somme de 364.000 USD (environ 218.400.000 FCFA), représentant plus de la moitié des frais de réexportation, a été aussi payée à M. Fiagno Gblenko Yaovi afin qu’il livre les 250 kg d’or à Paris.
Une fois le marché scellé, M. Van Kasteren est rentré en Europe, attendant bonnement la livraison de ses 250 kg d’or. Mais jusqu’à l’heure où vous lisez ces lignes, il n’a même pas reçu un milligramme de cette pierre précieuse. L’avidité et la mauvaise foi de son partenaire, M. Fiagno Gblenko Yaovi, ont fait disparaître les 250 kg d’or. Pire, il s’est escrimé à soutirer plus d’argent au Luxembourgeois en inventant des astuces dont lui seul avait le secret. Par exemple, dans deux courriers adressés en novembre et décembre 2013 à M. Van Kasteren, le DG de CREDI-GENERAL a réclamé le paiement d’une somme supplémentaire de 285.796 dollars (environ171.477.600 FCFA) pour, disait-il, couvrir les frais d’établissement du certificat d’origine de l’or et le reliquat des frais de réexportation.
Véritable canular qui a par contre permis à M. Van Kasteren de se rendre compte que les 250 kg d’or étaient en réalité restés à Lomé alors qu’il lui a toujours fait croire qu’il les a fait expédier à destination de Paris. Et dans cette farandole d’escroquerie, le collaborateur de M. Fiagno a, dans un courriel du 6 mars 2013, indiqué que l’or était confié le 28 février 2013 à la compagnie Air France pour être livré « comme effets personnels » à Paris. Et nonobstant la sommation faite au sieur Fiagno de restituer les 250 kg d’or au plus tard le 17 janvier 2014, M. Van Kasteren ne sait toujours pas où se trouve sa pierre précieuse chèrement acquise.
Excédé, il porte plainte le 8 avril 2014 devant le Doyen des juges d’instruction près le Tribunal de Première Instance de Lomé, M. Idrissou Tchagba, pour « escroquerie et abus de confiance ». Son conseil est la société d’avocats Aquereburu & Patners. Dans la foulée, la société CREDI-GENERAL et son DG Fiagno sont allés solliciter les services de Me Blaise Ladanmin Kanmanpene, un ancien stagiaire du cabinet de Me Aquereburu.
La suite, est une succession d’échanges de correspondances de relance entre les deux cabinets si près, si loin. Le dossier n’a connu aucune évolution. De sources judiciaires, le Doyen des juges d’instruction Idrissou Tchagba qui a été affecté tout récemment, aurait fait preuve de laisser-aller dans la gestion de cette affaire. Des dessous de table sont-ils passés par là ? Question pour plusieurs champions.
Plus curieux, M. Van Kasteren n’a plus de nouvelles de son avocat depuis décembre 2015. Bien que Me Aquereburu ait encaissé ses honoraires, il ne répondrait plus aux appels de son client. A quoi cela est dû ? Vous en saurez davantage dans nos prochaines parutions quand la société Aquereburu & Patners aura répondu à la lettre que nous lui avons envoyée jeudi dernier pour les besoins de recoupement.
Mais en attendant, cette scabreuse affaire d’arnaque est en train d’écorner davantage l’image du Togo, terreau d’une insécurité juridique et judiciaire.