La candidate du Front national à l’élection présidentielle française a fait son premier déplacement sur le continent, à N’Djamena, le 21 mars. Qui la conseille et qui la soutient ? Enquête.
Un tabou est brisé. En recevant Marine Le Pen, 48 ans, dans sa résidence privée d’Amdjarras, le 21 mars, le président tchadien Idriss Déby Itno a mis fin au boycott de la candidate française par tous les chefs d’État africains. «Quand j’étais à ses côtés, je n’ai jamais vu le moindre rendez-vous avec un responsable africain», se souvient Philippe Martel, qui fut le chef de cabinet de Marine Le Pen jusqu’en janvier 2016.
De fait, à l’époque, aucun chef d’État du continent ne voulait prendre le risque de fâcher l’Élysée en accueillant la présidente du Front national (FN). « Il n’y avait que des coups à prendre, confie un proche du Gabonais Ali Bongo. Et l’opinion publique gabonaise ne l’aurait pas compris. » Mais aujourd’hui François Hollande est un président sur le départ, qu’Idriss Déby Itno peut défier sans le moindre risque de représailles.
Quelques jours plus tôt, Louis Aliot, vice-président du FN et compagnon de Marine Le Pen, était arrivé très discrètement à N’Djamena pour préparer la rencontre d’Amdjarras, avec Mahamat Hissein, le directeur du cabinet civil de la présidence tchadienne. Et le 22 mars, devant plusieurs membres de l’Assemblée nationale tchadienne réunis dans une salle du Palais de la démocratie, la candidate française a pu lancer, l’air satisfait : « En acceptant cette rencontre, le président Déby a, en quelque sorte, brisé les barrières de l’ignorance et de la stigmatisation médiatique dont je fais l’objet, bien au-delà de la France. »
Une visite aux soldats
Qu’est allée chercher Marine Le Pen à N’Djamena ? D’abord des voix. En déjeunant avec les soldats français de l’opération Barkhane et en visitant leur quartier général, la candidate a voulu envoyer un message électoral à tous les militaires français déployés en France et dans le monde.
Déjà, au premier tour de la présidentielle française d’avril 2012, la présidente du FN avait fait le plein de voix chez les soldats français basés à l’étranger, notamment à Djibouti.
Aujourd’hui, selon l’institut de sondage Ifop, 44% des membres des forces de sécurité françaises (armée, gendarmerie, police, etc.) envisagent de voter pour elle. Surtout, Marine Le Pen a tenté de casser l’image très négative qui l’accompagne en Afrique.
« Ainsi, je serais, dit-on, “raciste, xénophobe, islamophobe”, que sais-je encore ? a-t-elle ironisé dans son discours devant les parlementaires. […] Je veux que l’Afrique soit la première des priorités internationales de la France. […] S’il vous plaît, comprenez-moi. Le refus de l’immigration massive n’est pas le rejet et la haine de l’autre. C’est au contraire une gestion rigoureuse, partagée et équilibrée des flux migratoires entre nos deux continents».
«Marine Le Pen n’aime pas l’Afrique»
A-t-elle convaincu ? C’est loin d’être sûr. Au Tchad, l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR) de l’opposant Saleh Kebzabo ne cesse de dénoncer cette visite à N’Djamena de la « candidate de l’extrême droite raciste et xénophobe ». En France, le secrétaire national du Parti socialiste aux affaires internationales, Maurice Braud, s’étonne que, lors de cette visite, Marine Le Pen ait davantage parlé de la Libye que du Tchad. « Notre souci au PS, c’est le peuple tchadien lui-même, la situation économique catastrophique et les salaires non payés. Je comprends l’émoi de l’opposition tchadienne.... suite de l'article sur Jeune Afrique