Le Gouvernement togolais vient de réitérer en mois ce mois d’avril 2017 qu’il souhaitait porter la production de coton à 200 000 tonnes à l’horizon 2022 conformément à une stratégie élaborée il y a déjà une décennie.
1. Coton : l’impossible industrialisation de ce secteur
Le coton est une culture stratégique pour l’économie togolaise. Il représente l’une des principales sources de revenus agricoles du pays et contribue selon les années entre 30% et 40% des recettes d’exportation en fonction du niveau de production et de la clémence des saisons.
Au niveau de la contribution à la richesse du Togo, le coton contribue entre 2% et 4,3% en fonction des saisons. Mais les revenus de cette culture qui n’arrive pas à entrer dans l’ère de l’agriculture industrielle au Togo demeurent extrêmement volatiles.
Mais les responsabilités sont à chercher en premier lieu au niveau de la gestion peu efficace et de l’interventionnisme intempestif de l’Etat. En effet, la production du coton est passée d’une production de 180.000 Tonnes en 1996 à 100.000 tonnes en 2017.
Quelle performance ! Il s’agit véritablement d’une rétrogression au cours des 20 dernières années tant au plan du volume que de la productivité, sans oublier l’amélioration du pouvoir d’achat des cotonculteurs. Les rendements sont basés plus sur l’augmentation des surfaces que sur l’amélioration du rendement à l’hectare, inférieur à 1.600 kg à l’hectare.
Après avoir coulé l’ancienne société SOTOCO, la Nouvelle Société Cotonnière du Togo (NSCT) se propose d’atteindre 160.000 tonnes au cours de la campagne 2017-2018 en oubliant d’expliquer pourquoi l’ex-société a été liquidée, avec l’impunité totale pour les dirigeants.
Au lieu d’investir de manière transparente dans la mécanisation, l’utilisation des produits dérivées et une amélioration de la transformation dans le pays, ce sont encore des ‘injonctions de type « Tous mobilisés pour une augmentation et une optimisation accélérée de la production cotonnière à partir de 2017-2018 » doublée d’une campagne de mobilisation et de reconquête qui ressemble plus à une campagne d’amélioration de l’image des dirigeants du pays, image en souffrance avancée.
Comment s’y prend-t-on ? Le Nouveau directeur général de la NSCT Adam Nanfamé a adopté la stratégie de « convaincre au 200.000 producteurs, anciens comme nouveaux, à emblaver dès la campagne prochaine, un minimum de 200.000 hectares ». Comme si ensemencer se fait sans argent, sans semences, sans assurance d’avoir sa production rachetée à un prix compétitif permettant de nourrir sa famille, etc.
Rappelons tout de même que la mauvaise gestion passée, car c’est bien de cela qu’il s’agit et c’est un euphémisme, a permis d’enregistrer au temps de père de l’actuel président des scores aussi mauvais que 28 000 tonnes lors de la campagne 2009-2010, 67 000 tonnes de coton-graine en 2013-2014 et de 81 000 tonnes lors de la campagne 2015-2016. Certes la remontée est là mais la part de la mauvaise gestion, voire peut-être de la corruption, est simplement omise.
Quand on choisit d’avoir des industries de la transformation au centre et au nord du Togo alors qu’il faut passer par le port situé au sud du pays pour les débouchés, il y a un problème de bon sens. Aussi, il est sûr qu’il ne fallait pas beaucoup de temps pour faire couler les sociétés industrielles dans le secteur. Pourtant, c’est ce que le Togo a fait par le passé, perdant par la même occasion de nombreux emplois décents tout en appauvrissant ainsi des villes entières au centre et au nord du pays.
2. L’industrie du coton : sortir le Gouvernement du management du secteur productif
Les grandes annonces du Gouvernement ne peuvent être atteintes que si la transparence et la sanction des gestionnaires indélicats pouvaient avoir lieu en même temps que la modernisation et la productivité à l’hectare accompagnée d’une intégration de la chaîne de valeurs au Togo. Sinon, c’est bien un nouveau ralentissement de la production, surtout si les cours mondiaux décidés ailleurs, ne remontent pas de manière pérenne et les fruits de cette remontée sont investis dans la recherche et l’amélioration des semences comme de la mécanisation avec des centres de location de tracteurs et machines à égrener.
Au fond, c’est bien une vieille conception de l’entreprise et de l’économie consistant à croire que plus il y a de personnes qui travaillent dans la filière du coton-graine non transformé, mieux ce sera pour occuper les populations. C’est oublier que la concurrence régionale et internationale risque de faire mettre une fin brutale à ces conceptions d’antan qui sont à la source des mauvaises performance et surtout de la volatilité de la production en volume.
Sans l’intégration de l’amélioration des semences, il sera difficile d’atteindre un coton-graine proche de la qualité premier choix. Il faut laisser les acteurs s’organiser eux-mêmes sans l’Etat togolais. L’Etat ne peut régenter au niveau du management car faut-il le rappeler, la plupart sinon toutes les entreprises publiques ou liées à l’Etat sont dirigées par des responsables issus du parti du pouvoir de Faure Gnassingbé (parti Union pour la République (UNIR)). Souvent les postes sont octroyés par une sorte de méritocratie du zèle au sein du parti.
Alors donner un avis indépendant sur l’intégration de la chaine de valeur du coton en s’efforçant de donner la priorité à l’industrialisation du secteur peut devenir une opération périlleuse en termes de licenciement même si la direction est compétente. Il faudra peut-être tenter des intégrations directes avec les petites unités de couturiers locaux comme ce qui se passe au Ghana voisin qui exporte directement sa production sur la base de « produits uniques » vers les Etats-Unis compte tenu de la difficulté à faire des séries.
Mais, le coton suppose une expertise poussée et une anticipation dans des domaines aussi variés que la pluviométrie, la mise à niveau en termes de formation et recherche, la productivité avec la mécanisation et la production à l’hectare, le stockage notamment en milieu rural, l’approvisionnement en engrais préservant l’environnement, ce en temps réel et en quantité suffisante, le transport, la transformation industrielle et l’exportation de produits manufacturés, etc.
3. Conclusion : l’or blanc, une opportunité que le Togo a oublié de saisir
Le coton est bien « l’or blanc ». Mais la mauvaise gestion du Gouvernement togolais via ses agents postés à la tête des sociétés cotonnières a conduit, au cours des 20 années passées, à une faible création de valeur ajoutée localement. Le Togo exporte l’essentiel de la fibre sans la transformer par exemple en fabricant du fil, du tissu et du textile, et même de l’habillement.
Le Togo aurait dû attirer des investisseurs intéressés par la délocalisation notamment dans la zone franche. Mais l’irrationalité dans le respect des textes régissant cette zone ont fait fuir les potentiels intéressés. Par ailleurs, l’énergie est chère et les factures se font souvent à la tête du client. Enfin, l’intégration dans les chaines de valeur internationales se fait sur la base de la confiance et d’un environnement des affaires favorables avec peu d’intervention de l’Etat. Ce qui n’est pas le cas au Togo.
Enfin, l’agglomération d’entrepreneurs spécialisés dans le secteur comme au niveau transversal reste embryonnaire. Enfin, la valorisation des produits dérivés sur place comme les graines qui pourraient permettre de produire de l’huile, des résidus végétaux, de combustible énergétique ou encore les tourteaux intégrés à la plante Moringa Oleifera pour servir de nourriture pour le bétail et même du cosmétique et des essences pour la parfumerie…
Bref, pour le cotonculteur togolais, le compte n’y est pas. Mais qui peut parler dans ce pays sans retour de bâton ? Mais le problème est régional Moins de 3 % de la production cotonnière est transformée en fil, textile ou habillement dans la sous-région d’Afrique de l’Ouest francophone.