La politique, la diplomatie et la guerre sont une sorte de triptyque auquel aucun homme politique ne saurait échapper indéfiniment. En somme, s’agissant de ce triptyque, tout est question de choix. Comme dans la vie de tous les jours, il faut savoir faire un choix et en assumer les conséquences positives ou négatives.
La République Démocratique du Congo n’est pas un pays banal. L’histoire de notre continent en a suffisamment apporté la preuve. Le Congo (ex-Zaïre) est un pays continent d’une superficie de 2.400.000 km² dont la situation a toujours impacté la stabilité de l’Afrique. Le pays est un scandale géologique et les problèmes que connaissent nos frères congolais ne procèdent pas du hasard. Ils sont liés à cette donne. Les puissances mondiales, particulièrement les Occidentaux, n’entendent pas laisser les choses se faire parce qu’ils ont trop d’intérêts à protéger ou à défendre au Congo.
Il se trouve que nos frères congolais ont la mémoire courte et refusent obstinément de tirer les leçons de l’histoire pour gérer le présent et mieux appréhender le futur.
La République Démocratique du Congo était au plus mal. Ses fils n’arrivaient pas à s’entendre. Le régime en place dirigé par Joseph KABILA arrivé au pouvoir dans les conditions que tout le monde sait, est viscéralement de mauvaise foi. M. KABILA, parachuté au pouvoir dans la foulée de l’assassinat de son père, n’est pas un président comme les autres. Les hommes au pouvoir dans ce pays n’ont manifestement pas la volonté de céder, c’est-à-dire de quitter le pouvoir, même si sur tous les plans, ils sont surveillés comme du lait sur le feu.
C’est parce que les Congolais étaient incapables de s’entendre entre eux pour résoudre leurs problèmes que l’UA, sous l’égide de Mme ZUMA, a pris l’initiative de désigner notre compatriote et grand ’frère, l’ancien Secrétaire Général de l’OUA, ancien Premier Ministre du Togo, M. Edem KODJO, pour jouer le rôle de facilitateur. Le choix porté sur cet homme de haute qualité intellectuelle et morale ne procède pas du hasard. KODJO a été appelé à la rescousse parce que la situation était désespérante. Il était l’homme qu’il fallait.
En bon panafricaniste, il a accepté la mission à lui confiée et s’est mis à la tâche.
Les contacts préliminaires ont été laborieux et complexes. Il a fallu qu’il se montre à la hauteur de l’enjeu en faisant preuve d’un optimisme exceptionnel. Et petit à petit, les efforts ont porté leurs fruits.
En voici une petite illustration contenue dans un extrait du discours prononcé par Edem KODJO lui-même à la séance de clôture du dialogue intercongolais le 18 octobre 2016. Citation … « Enfin ! La longue marche a pris fin.
Du début février 2016 à ce jour et pour ce qui me concerne ce fut un parcours du combattant, semé d’embûches de toutes sortes, « full of sounds and fury but signifyingnothing » (Shakespeare) «plein de bruits et de fureur mais ne signifiant rien».
« A travers, vaines proclamations, récusation injuste et sans fondement, d’une totale et étonnante gratuité, bafouant et foulant aux pieds et d’exécrable manière, la dignité et l’honneur d’un homme de bonne volonté, aujourd’hui comme hier, au seul service de l’Afrique.
Oui, à travers ronces et épines, rodomontades et affirmations péremptoires, nous avons maintenu le cap, travaillant d’arrache-pied pour obtenir enfin, ce qui aujourd’hui est le fruit de ce labeur intense, l’Accord qui vient d’être signé par cette auguste assemblée.
Que Dieu soit loué ! Notre marche prend fin devant tes portes Jérusalem ! dit la Bible. La nôtre s’arrête sur les rives de ce fleuve Congo qui n’a cessé de nous inspirer et de nous guider.
Je ne vais plus rappeler les vicissitudes de l’histoire tourmentée de ce dialogue : la longue période d’hésitation ayant suivi l’ordonnance du Chef de l’Etat Joseph Kabila, ma nomination par Mme Zuma fin janvier 2016, ma prise de fonction hérissée d’injonctions, de reniements, de dénégations, d’injures de toute nature, et du refus obstiné de rentrer en contact avec le facilitateur, l’exigence répétée de l’inclusion de la communauté internationale, ce que nous fîmes sans grand résultat, la résolution 2277 qui fut un véritable soupir de soulagement et une soupape extraordinaire de sûreté, mes nombreuses réunions et rencontres visant à convaincre la classe politique et la société civile, mes déplacements répétés à Bruxelles, l’obtention d’un accord en bonne et due forme à Paris le 26 mars 2016 puis confirmé ici même à Kinshasa ; ce n’est pas Monsieur Bruno MAVUNGU, présent dans cette salle qui me démentira, ma récusation rendue vaine par le soutien renouvelé de Mme ZUMA puis de toute la communauté internationale et la société civile congolaise, y compris l’Eglise catholique, l’incroyable succès du comité préparatoire du dialogue dont les travaux ont été bouclés en trois jours au lieu de sept,… » fin de citation.
Que dire ? Si non que cet extrait palpitant résume tout.
L’Accord du 18 octobre 2016 est un accord a minima certes, mais il a le mérite d’être clair et applicable. En tout cas, il a connu un début rapide de mise en œuvre.
En voici les grandes lignes :
1- Le choix d’un Premier Ministre pour former un gouvernement chargé de la mise en œuvre de l’accord. Ce fut fait.
2- L’organisation de l’élection présidentielle en avril 2018 etc. C’était un petit pas mais un pas tout de même.
C’est malheureusement en ce moment que l’Eglise catholique a poignardé le facilitateur KODJO dans le dos en se proposant comme relais parce que la clique à TSISEKEDI fortement sur la pression des occidentaux n’a pas voulu jouer le jeu. En vérité, le vrai problème, c’est le partage du pouvoir et KODJO n’est pas censé le faire parce qu’il n’en a pas les prérogatives.
La position de l’Eglise catholique qui a voulu se substituer au facilitateur KODJO pour ramasser les lauriers a été ce qu’il y a de plus abject.
Nous n’allons pas nous appesantir, aujourd’hui, sur cet aspect hautement négatif puisque nous y reviendrons en temps opportun. Ce sur quoi nous voulons insister, c’est que les Prélats congolais sont, soit dit en passant, parvenus à l’Accord de la Saint Sylvestre. Un accord inapplicable puisqu’en fin de compte, ils ont jeté l’éponge en laissant le soin au Président KABILA, partie prenante, de décider de la suite. Une honte pour l’Eglise.
Pour faire court, nous disons que le bout du tunnel n’est pas pour demain. La Conférence des Evêques a échoué dans sa quête de substitution à KODJO. Le Congo est à la croisée des chemins. Plus que jamais, les nuages s’accumulent à l’horizon. Une chose est sûre, plus que sûre ! Les élections présidentielles n’auront pas lieu en 2017. Joseph KABILA a fait un retour spectaculaire par la faute des Evêques démissionnaires.
Le camp TSISEKEDI, communément appelé Rassemblement est en pleine déconfiture et n’offre aucune alternative crédible digne de ce nom. Les marches, les manifestations, les journées villes mortes, c’est bien, mais la diplomatie et le compromis, c’est mieux.
Dans le contexte actuel, tout porte à croire que beaucoup de Congolais regrettent la mise à l’écart de l’Accord obtenu par KODJO.
Et pour cause, KABILA savait que le facilitateur KODJO avait l’appui de l’UA, de l’OIF et de l’ONU. Il savait qu’il n’avait aucun intérêt à jouer au plus fin. Il a du respect pour KODJO et à la communauté internationale qu’il représentait. Aujourd’hui, le débat est redevenu local. Sur ce plan, KABILA a toutes les cordes à son arc.
Il va jouer son va-tout, à sa guise, au nez et à la barbe du Rassemblement et de l’Eglise Catholique qui a joué et perdu lamentablement parce que les Evêques ont péché. Leur démarche était viciée dès le départ.
Les faits ont finalement donné raison à KODJO. Nous disons bravo à KODJO, le digne fils du Togo. Que Dieu le protège. Amen.