D’après les résultats partiels provisoires proclamés par la CENI samedi soir, UNIR, le parti présidentiel serait le grand vainqueur du scrutin, avec vingt-six sièges sur les trente-six attribués. Un raz-de-marée électoral totalement déconnecté de la réalité que dénonce le CST. De sources sûres, ceci participerait d’un plan visant à attribuer la majorité absolue au pouvoir et ses ailes marchantes, histoire de leur frayer un boulevard pour opérer les réformes constitutionnelles et institutionnelles, sans que le CST n’ait de voix au chapitre.
Les réformes constitutionnelles et institutionnelles prévues au chapitre de l’Accord Politique Global marquent le pas. Et selon l’attelage RPT/UNIR/UFC, c’est à la nouvelle Assemblée nationale qui sera issue des législatives du 25 juillet dernier qu’incombera la charge de les opérer. Alors quelle en sera la composition ? Si à ce jour, cette question reste sans réponse, il n’en va pas de même en revanche des tendances. A l’aune des premières tendances publiées par la TVT, le parti UNIR arrive en tête, tenant ainsi à bonne distance son challenger direct, le CST, suivi de la Coalition Arc-en-ciel. Quant à l’UFC, elle a subi une véritable bérézina électorale, prix de sa collaboration avec Faure Gnassingbé, et devra se contenter de la portion congrue.
Mais au CST, on n’est pas prêt à avaler cette couleuvre. Ce Collectif « constate avec indignation et réprobation, que la TVT a rendu publics, des résultats déguisés en « tendances », du scrutin du 25 juillet 2013. Les chiffres publiés sont fournis par la CENI elle-même, qui ne disposait pas des procès-verbaux attestant leur authenticité. Le CST rejette catégoriquement ces chiffres qui n’ont fait l’objet d’aucune validation en séance plénière, bureau de vote par bureau de vote, comme le prévoit la loi », lit-on dans un communiqué rendu public dès le lendemain. Par ailleurs, il « condamne cette manœuvre scandaleuse qui n’a d’autre objectif que de préparer l’opinion nationale et internationale à accepter les faux résultats d’un nouveau coup de force électoral ».
Et « rappelle que les publications, faites par la TVT dans la nuit du 25 au 26 juillet 2013, ne sont nullement conformes aux procédures prévues par les articles 97, 98, 99 et suivants du code électoral, procédures qui reposent exclusivement sur la prise en compte des procès-verbaux de chaque bureau de vote dans chaque circonscription électorale ». Avant d’annoncer que : « la centrale de compilation de résultats, mise en place par le CST, rendra disponibles dans les prochaines heures, les résultats du scrutin, tels qu’issus des procès-verbaux, bureau de vote par bureau de vote. D’ores et déjà la compilation des résultats du Grand Lomé donne au moins 319.488 voix au CST contre les 275.644 annoncées par la CENI, soit une différence de plus de 35.000 ».
A quoi répond donc cet empressement de la CENI à communiquer des résultats électoraux qui reposeraient sur tout, sauf les procès-verbaux « validés » des dépouillements, bureau de vote par bureau de vote ?
De sources bien informées, ceci participerait d’une stratégie du pouvoir et de la CENI son suppôt, de parvenir à attribuer à l’UNIR, à la Coalition Arc-en-ciel réputée plus flexible sinon complaisante avec le pouvoir, à l’UFC l’allié de l’UNIR et à une liste d’indépendants, la majorité qualifiée à la future Assemblée nationale, soit 73 sièges sur les 91 prévus. L’enjeu de cette bataille pour le moins irrégulière sera de tailler sur mesure les réformes constitutionnelles et institutionnelles. Et pour cause, en vertu des dispositions de l’article 144, Titre XIII portant révision de la Constitution, « l’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République et à un cinquième (1/5) au moins des députés composant l’Assemblée nationale. Le projet ou la proposition de révision est considéré comme adopté s’il est voté à la majorité des quatre cinquièmes (4/5) des députés composant l’Assemblée nationale. A défaut de cette majorité, le projet ou la proposition de révision adoptée à la majorité des deux tiers (2/3) des députés composant l’Assemblée nationale est soumis au référendum ».
Bref, le pouvoir manœuvre pour avoir la majorité des 4/5 des députés composant l’Assemblée nationale, soit 73 voix et contourner ainsi la minorité de blocage que devrait constituer le CST à l’hémicycle. Et pour ce faire, il compte s’attribuer entre 60 et 62 sièges, céder entre 5 et 7 à la Coalition Arc-en-ciel, 3 et 5 à l’UFC et 1 à Sursaut national, et coaliser à son projet de réformes constitutionnelles toutes ces forces politiques. Et si ce projet aboutit, le CST ne servira que de décor à l’hémicycle. Sa voix ne comptera pas. L’UNIR va opérer les « réformes » selon le bon vouloir du « Prince », et ainsi mettre définitivement un terme au débat sur les réformes prescrites par l’APG. Les questions pertinentes et sensibles de mandat présidentiel, de régime politique, de prérogatives constitutionnelles du Premier ministre et de sa nomination seront inscrites au chapitre de ce chantier de réformes. Le pouvoir va-t-il réussir ce nième coup de force ?
Pour l’heure, bien malin qui saurait le dire. Mais seule certitude, c’est que l’éventualité de ce scénario fait monter la tension surtout au CST. Pendant que Mme Ashton, la Haute Représentante aux Affaires Extérieures et à la Politique de Sécurité et Vice-présidente de la Commission Européenne tente de jouer au pompier et essaie de calmer le jeu, à travers une déclaration datée de samedi 27 juillet 2013. Selon elle, en effet, « il est important que tous les Togolais continuent à faire preuve de responsabilité en privilégiant le dialogue en refusant la violence et en ayant recours aux seules voies légales pour résoudre tout contentieux éventuel».
Le CST pourra-t-il faire confiance à la Cour Constitutionnelle, traditionnel soutien du pouvoir en place et qui, entre autres derniers faits d’armes, a validé, en violation flagrante de la Charte des Partis politiques, la liste UNIR à Blitta chapeautée par Maurice Dahuku Péré, lui-même président national de L’Alliance? Question pour un champion.