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Cultiver le désastre : le programme Grow permet aux multinationales de développer leur mainmise sur l’agriculture
Publié le mercredi 3 mai 2017  |  GRAIN


© aLome.com par Parfait
L’agriculture au Togo
Un acteur au champ.


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Les principaux groupes agro-industriels mondiaux sont en train de déployer un programme de partenariat public-privé destiné à prendre le contrôle de l'alimentation et de l'agriculture dans les pays du Sud.

Des milliers de serres sont agglutinées le long des vallées de la province de Lam Dong dans les hauts plateaux du centre du Vietnam. La nuit, la puissante lueur qui s'en échappe illumine un flot constant de camions transportant vers Ho Chi Minh-Ville ou les ports voisins des fruits, des légumes, des fleurs et des plantes aromatiques destinés à l'exportation. Il existe ici une vive concurrence entre les négociants. Le climat est idéal pour la production d'un certain nombre de cultures de rapport à forte valeur ajoutée, et les entreprises se battent pour sécuriser leur approvisionnement en produits agricoles ou pour conserver une part du marché lucratif des intrants chimiques, des semences et de matériels agricoles tels que des bâches en plastique pour les serres ou des tuyaux d'irrigation goutte à goutte.

Dans les hauts plateaux, l'agriculture est un secteur d'activité aux enjeux considérables. Chaque saison, les agriculteurs misent sur la culture dont le prix sera le plus élevé ou sur la nouvelle variété de semences qui atteindra les rendements promis par les distributeurs. Parfois, les gains sont importants. Mais il est tout aussi fréquent d'avoir des pertes à la suite de mauvaises récoltes, d'une baisse soudaine des prix ou d'arnaques des négociants. La dette pèse lourdement sur les agriculteurs de la région.

L'argent n'est pas le seul problème. Une crise imminente menace l'approvisionnement en eau en raison de l'épuisement des nappes phréatiques et de la pollution causée par l'infiltration des pesticides et des engrais, ce qui est en train d'aboutir à une crise de santé publique. Les conflits fonciers sont également en hausse, surtout dans les collines où vivent des communautés autochtones. Enfin, la production d'un si grand nombre de cultures qui ne sont pas consommées par les populations locales fait peser une menace potentielle sur la sécurité alimentaire. La plupart des agriculteurs semblent d'accord pour dire que le gouvernement n'a pas fait grand chose pour résoudre ces difficultés.

C'est dans ce contexte que certaines des plus grandes multinationales agroalimentaires du monde sont en train de déployer un programme promettant des solutions « basées sur le marché ». Les hauts plateaux du Vietnam central servent de vitrine à Grow Asie, un programme agricole dirigé par Nestlé, PepsiCo, Monsanto et d'autres géants de l'alimentation et du secteur agro-industriel. Grow Asia est le volet sud-est asiatique d'une initiative mondiale menée dans le cadre du Forum économique mondial, la « Nouvelle vision pour l'agriculture », qui promet d'augmenter la production alimentaire, la durabilité environnementale et les perspectives économiques à l'échelle mondiale de 20 % chaque décennie. Sous l'égide de Grow existent également Grow Afrique, Grow Amérique latine et plusieurs programmes nationaux.

Dans une logique de « partenariat public-privé », les multinationales agro-industrielles qui participent à Grow favorisent des liens étroits avec les gouvernements afin d'accroître leur pouvoir sur les marchés et les chaînes d'approvisionnement. <« Tout en prétendant favoriser la sécurité alimentaire et apporter des bénéfices aux petits agriculteurs, le programme Grow, dans la manière dont il se concentre sur un petit nombre de produits de base à forte valeur, révèle son objectif réel : accroître la production d'une tout petit nombre de produits au profit d'un tout petit nombre de sociétés. »>

Des chips de pomme de terre pour la sécurité alimentaire ?

Le principal projet de Grow Asie à Lam Dong encourage la production de pommes de terre dans le cadre de contrats entre des petits agriculteurs et le géant alimentaire américain PepsiCo. Le Vietnam est un marché en plein essor pour les snacks industriels, et PepsiCo est engagé dans une bataille avec le sud-coréen Orion pour la vente de chips de pomme de terre. PepsiCo a besoin d'une variété de pomme de terre particulière pour sa marque de chips, Lay's, et il a essayé d'encourager les agriculteurs vietnamiens à en cultiver davantage. Du fait des pénuries d'approvisionnement locales, PepsiCo a misé sur les importations en provenance d'Europe mais, avec des ventes de chips qui devraient croître de façon exponentielle dans la région de l'ASEAN, l'entreprise veut mettre en place un approvisionnement local plus abordable.

Nguyen Hong Hang, le Directeur du Développement Agronomie de PepsiCo Vietnam, a passé neuf ans à travailler avec les agriculteurs Lam Dong pour les convaincre de cultiver des pommes de terre pour son entreprise. Il n'a pas été facile pour lui d'atteindre l'objectif de PepsiCo qui consiste à augmenter la production locale de 20 % par an. Les bénéfices pour les agriculteurs doivent correspondre à ceux qu'ils peuvent obtenir avec d'autres cultures et, chaque année, environ un quart des agriculteurs sous contrat avec PepsiCo abandonnent ou sont retirés du programme.

Les neuf membres de l'équipe technique de M. Nguyen se réunissent régulièrement avec les agriculteurs pour leur fournir des services de vulgarisation et essayer de réduire leurs coûts de production, principalement grâce à des achats en gros d'engrais et des remises sur les plants de pomme de terre. Pourtant, M. Nguyen est inquiet : tous ses efforts pourraient être réduits à néant si le prix des pommes de terre chute à la suite des accords de libre-échange que le Vietnam est en train de mettre en œuvre. Dans ce cas, PepsiCo se tournerait probablement vers les importations ou s'occuperait lui-même de la culture des pommes de terre, comme il le fait en Chine.[1]

L'avantage du projet pour PepsiCo est clair : l'entreprise sécurise l'approvisionnement en pommes de terre dont elle a besoin pour ses chips. Mais en termes de contribution à la sécurité alimentaire, à l'environnement et à la réduction de la pauvreté, le projet Grow de PepsiCo se révèle inutile. Tout d'abord, les chips sont un danger pour la santé publique, pas une source alimentaire. Deuxièmement, les agriculteurs sous contrat avec PepsiCo utilisent plus d'engrais et de pesticides que tous les autres agriculteurs. Et si certains agriculteurs font des profits en produisant des pommes de terre pour PepsiCo, ces agriculteurs étaient en général relativement riches déjà avant le projet, et n'avaient pas de grosses difficultés à obtenir des revenus comparables avec d'autres cultures.[2]Enfin, il est important de prendre en compte l'impact économique indirect de l'évolution des préférences alimentaires, qui passe de produits traditionnels vendus par des fournisseurs locaux à des aliments transformés contrôlés par des sociétés étrangères.

Malgré ces problèmes, le programme Grow et ses impacts potentiels sur le terrain sont peu connus. Les agriculteurs qui ont un contrat de production de pommes de terre avec PepsiCo ne sont même pas conscients du fait qu'ils font partie d'une entité qui s'appelle Grow Asie. Il en va de même pour les agriculteurs participant aux projets Grow Asie gérés par d'autres entreprises au Vietnam. En réalité, Grow Asie n'est guère plus qu'un ensemble de projets d'agriculture contractuelle – exclusivement conçu par les entreprises agroalimentaires qui en sont membres – qui assure un approvisionnement en produits agricoles à ces entreprises. Le nom Grow vise uniquement à recueillir le soutien du gouvernement et des ONG et à ouvrir un nouvel espace politique aux entreprises pour leur permettre de côtoyer les politiciens et de faire pression en faveur de lois et réglementations favorables aux entreprises.

Au Vietnam, cet espace politique est un Groupe de travail en partenariat public-privé (PPP), composé de 15 représentants d'entreprises américaines et européennes membres de Grow, qui est en relation directe avec le ministre de l'Agriculture. Grâce à ce groupe de travail, les entreprises font pression pour changer les lois et réglementations nationales, et pour rallier le soutien du gouvernement et de certains groupes de la société civile à leurs projets d'investissement. Par exemple, PepsiCo s'est associé à d'autres entreprises membres du Groupe de travail PPP pour plaider en faveur de modifications des lois sur les semences au Vietnam, afin d'éviter les essais coûteux auxquels il doit procéder avant que ses variétés de pommes de terre puissent être cultivées dans le pays.

Il est probable que l'accroissement de l'offre en chips de pommes de terre Lay's – et des profits de PepsiCo – contribuera beaucoup plus à affaiblir la sécurité alimentaire vietnamienne qu'à l'améliorer. Pourtant, de telles allégations sont utilisées pour promouvoir des projets Grow similaires dans le monde entier afin de faire progresser une stratégie de prise de contrôle par les entreprises.


Qu'est-ce que le programme Grow ?

Grow fait partie de la Nouvelle vision de l'agriculture, une initiative du Forum économique mondial (FEM) qui a été lancée en 2009 et est dirigée par 31 des entreprises « partenaires » du FEM intervenant dans le secteur alimentaire, que ce soit dans l'agriculture, la transformation des aliments ou vente au détail.

Quatre-vingt dix pour cent de ces entreprises sont basées aux États-Unis et en Europe, et aucune d'entre elles ne vient de Chine, du Brésil, du Japon, de Corée, de Thaïlande ou d'Afrique du Sud, des pays qui possèdent également de grandes sociétés multinationales dans le secteur alimentaire.[3] Pourtant, l'initiative de la Nouvelle vision pour l'agriculture et son programme Grow sont entièrement axés sur l'Amérique latine, l'Afrique et l'Asie – les principaux marchés en expansion pour l'industrie alimentaire mondiale (voir la carte ci-dessous).

La Nouvelle vision pour l'agriculture est un document vague qui préconise des approches fondées sur le marché pour accroître la production alimentaire mondiale et assurer la durabilité environnementale.[4] Elle met principalement l'accent sur une agriculture contractuelle qui lie des petits agriculteurs à des entreprises multinationales (et moins, par exemple, sur les plantations industrielles). Mais les entreprises membres ne sont soumises à aucun cadre ou obligation spécifique. La Nouvelle vision pour l'agriculture est une initiative visant à réunir un sous-ensemble particulier d'entreprises agricoles et de multinationales agro-alimentaires dans le cadre d'une plateforme partagée d'intérêts communs qu'elles peuvent collectivement faire avancer dans des instances politiques clés. En d'autres termes, c'est un groupe de pression.

La Nouvelle vision pour l'agriculture a réussi, grâce à ses programmes et à d'autres prétendus dialogues multipartites, à faire accéder les intérêts de ses entreprises membres directement à certains des milieux les plus influents pour l'élaboration des politiques agricoles. Grâce à son programme Grow Afrique, lancé en juin 2011, les grandes entreprises de la Nouvelle vision ont établi un partenariat avec l'Union africaine et le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) pour mettre en place et superviser « des engagements communs entre les gouvernements, les donateurs et les entreprises ». Le programme a ensuite été introduit dans le G8 en 2012, ce qui a abouti à la création de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique, un instrument clé pour contraindre les gouvernements africains à adopter des politiques favorables aux entreprises.[5]Les deux initiatives sont si étroitement liées que Grow Afrique et la Nouvelle Alliance publient leurs rapports annuels sous la forme d'une publication conjointe.[6]

Le programme Grow Asie, quant à lui, se situe dans le cadre de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) et de son Cadre de sécurité alimentaire. Il a été lancé lors d'un forum de l'agriculture Grow en 2014, avec la participation de huit des dix ministères nationaux de l'agriculture de l'ASEAN, et le Secrétariat de l'ASEAN collabore désormais directement à la mise en œuvre de ses activités.[7]

En Amérique latine, les entreprises de la Nouvelle vision ont les yeux rivés sur l'Alliance du Pacifique (composée du Chili, de la Colombie, du Mexique et du Pérou), mais Grow s'est jusqu'à présent limité à un programme national au Mexique, appelé la Nouvelle vision du développement agricole ou VIDA (son acronyme espagnol).[8]Le programme fonctionne en étroite collaboration avec le Secrétariat mexicain de l'Agriculture (SAGARPA).[9]En juin 2016, le Forum économique mondial a annoncé que trois nouveaux pays d'Amérique latine avaient rejoint son initiative de Nouvelle vision pour l'agriculture : l'Argentine, le Nicaragua (par le biais d'un nouveau partenariat appelé CultiVamos), et la Colombie (par le biais de son programme Colombia Siembra).[10]

Grow est peut être dirigé par les entreprises, mais c'est néanmoins une initiative financée par les gouvernements. Grow Afrique est financé par l'Agence américaine pour le développement international (USAID), le Département britannique du développement international (DFID) et l'Agence suisse pour le développement et la coopération (DDC), tandis que Grow Asie est financé par le ministère des Affaires étrangères et du commerce (DFAT) du gouvernement australien et le ministère des Affaires mondiales du gouvernement canadien (GAC).[11]
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Journal Télévisé: édition du mardi 02 mai 2017
Publié le: 2/5/2017  | 


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